Sainte-Anne d’Auray : un pèlerinage pour se donner du cœur
En ce mois de septembre finissant, ils ont bravé le mauvais temps, les Chouans venus en pèlerinage à Sainte-Anne d’Auray.
Lors de la messe, au Champ des martyrs, ils se sont ressourcés sur les traces de leurs illustres prédécesseurs, non seulement pour entretenir la mémoire de leur exemple, mais surtout pour obtenir — par l’intercession de la Grand-Mère du Christ — les grâces de bien mener les combats futurs.
Qui sont donc ces prédécesseurs ? En 1795, alors que la bataille de Quiberon tourne à la catastrophe, les Chouans se rendent au général républicain Hoche qui leur promet la vie sauve. Plusieurs centaines sont pourtant massacrés dont plus de deux cents dans les marais de Brech où est édifiée la chapelle.
L’exemple, l’honneur de ces paysans consiste dans le risque de leur entreprise : ils se lancent dans le combat contre des armées de métier, non pour un bénéfice personnel, mais par devoir, par fidélité, afin de défendre la civilisation et leur foi contre la barbarie révolutionnaire.
Dans son homélie le père Jean-Marie rappelle aux fidèles que la Révolution naît avec le « Non serviam », le « je ne servirai pas » de Lucifer. L’ange déchu est en effet le premier à prétendre s’affranchir de la loi de son Créateur, et il inspire ensuite ce désir d’autonomie à nos premiers parents, lesquels malheureusement succombent. Cependant si la raison de l’homme a failli, Dieu veut le racheter par l’amour, et chose inimaginable, le Verbe de Dieu va jusqu’au sacrifice pour obtenir en retour l’amour de chaque personne.
Pourtant les hommes se révoltent à nouveau contre sa loi naturelle et révélée : la révolution protestante contre la tradition, l’institution et l’autorité, plonge l’Europe de la Renaissance dans la guerre civile. C’est aussi du protestantisme — avec le pasteur presbytérien James Anderson — que naît la Franc-Maçonnerie spéculative et la technique dissolvante des sociétés de pensée. Dans un premier temps, ses assauts ont raison de la monarchie chrétienne, mais l’Église n’est pas épargnée, et le Concile Vatican II constitue bien le triomphe de la pensée moderne où l’homme se détourne de Dieu pour se focaliser sur lui même. Lors de son discours de clôture du Concile, le pape Paul VI le reconnaît et s’en félicite :
« La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu ».
Le « Non serviam » des hommes d’Église est consommé et se traduit par la désacralisation de la religion, l’occultation des connaissances religieuses élémentaires. Quand il ne défroque pas, le clergé se détourne de l’annonce de la parole divine pour se consacrer au combat social. Le tout réalisé au nom de la miséricorde. « On juge l’arbre à ses fruits » dit le Seigneur, et les fruits du Concile sont le désert religieux, la disparition de toute culture chrétienne de notre société. Le monde a absorbé l’Église. Face à la débandade générale, le père Jean-Marie exhorte à la prière et à l’étude :
– L’étude, car il faut savoir ce qui est juste pour pouvoir l’établir.
– La prière, car nos pauvres forces ne sauraient suffire dans ce combat inégal. Nous devons implorer le Ciel pour affermir notre volonté, pour avoir le cran de proclamer le beau, le vrai, le bien, et ainsi éclairer les consciences.
Lors du dépôt de gerbe au monument du Comte de Chambord, et en écho au prêche du Père, Pierre Bodin — président de L’UCLF — rappelle la nécessité de l’effort sur soi, du travail personnel et collectif, pour œuvrer efficacement au rétablissement de notre pays. Or l’enjeu principal de notre temps réside dans la lutte contre l’ignorance, aussi le combattant doit-il lire, se former, fréquenter d’autres légitimistes dans le cadre du cercle le plus proche, et pourquoi pas, si ce dernier est trop loin, fonder un nouveau cercle.
Après de joyeuses agapes, l’historien Reynald Secher expose dans une brillante conférence, le processus élaboré par la République pour « régénérer l’humanité », pour fabriquer « l’homme nouveau », l’homme libre de toute loi qu’il ne s’est pas donnée à lui-même, l’homme affranchi des lois de sa nature voulue par le Créateur.
Le moyen le plus efficace étant l’élimination physique des opposants fidèles à l’ordre traditionnel, un « populicide » est décidé par la Ire République, qui organise le génocide des peuples rebelles, et déclare la guerre totale au reste de l’Europe (levée des 300 000 hommes). La même stratégie sera pratiquée lors de la 1re guerre mondiale, où les socialistes enverront en priorité sur le front les intellectuels et les peuples jugés les plus « réactionnaires » pour se faire massacrer.
Tout ceci n’est pas très glorieux, aussi cherche-t-on à le cacher, c’est ce que Raynald Secher a appelé le « mémoricide », terme désormais rentré dans le langage commun. D’ailleurs, pour parer toute velléité de retour à une société naturelle, c’est l’ensemble de l’histoire de France qui se trouve désormais occultée. Les rares passages encore étudiés le sont à la lorgnette de l’idéologie. [ndlr : Pire ! depuis l’année passée, les professeurs d’histoire ne sont plus tenus de savoir travailler à partir de sources primaires, mais sont formés et évalués dans leurs capacités à restituer l’idéologie officielle, à partir de manuels scandaleusement orientés.]
Ce n’est pas tout, si la réalisation de la nouvelle humanité doit passer par l’oubli total de ce qui existait, les églises, les calvaires et autres édifices religieux qui parsèment notre pays, constituent autant de témoins gênants. Déjà, sous couvert de baisse de dotation de l’État, les mairies renoncent à entretenir les monuments religieux : on ne remplace plus l’ardoise qui provoque l’infiltration. Et le conférencier de nous exhorter à harceler le maire pour le remplacement de cette ardoise — voire, à le faire nous-mêmes — pour éviter la destruction de nos églises et garder ces témoignages de la foi de nos aïeux.
Cependant, malgré tous les efforts de la bien-pensance, il restera toujours des importuns pour poser des questions sur ce qu’étaient ces bâtiments, même en ruine, ainsi que sur le pourquoi de leur édification. Questions insupportables aux idéologues, car elles freinent l’avènement de l’homme nouveau : cet homme sans conscience, à la fois consommateur et objet de consommation, l’homme moderne maintenu dans un esclavage qui ne dit pas son nom : celui d’une jouissance égoïste et stérile. Reste donc à remplacer le peuple originel par des migrants d’autres cultures, mosaïque de déracinés, véritable matériau humain vierge au mains des démiurges républicains.
Le combat de la mémoire est donc primordial, et l’UCLF l’a compris depuis longtemps qui le pratique intensivement dans ses groupes d’étude et lors de son université d’été.
Raynald Secher a trouvé lui-aussi une manière originale d’œuvrer pour la mémoire : la bande dessinée. Alors qu’un livre acheté est lu seulement dans 60% des cas, pour être ensuite rangé définitivement dans une bibliothèque, une bande dessinée sera d’abord lue par un enfant, pour être ensuite lue et relue par dix autres personnes en moyenne. La mémoire sera donc diffusée. Il faut saluer le magnifique travail du conférencier qui, avec ses histoires de France et de Bretagne en bande dessinée, contribue à la pérennité du patrimoine culturel. Et en effet, d’autres encore comme Philippe de Villiers et son Puy-du-Fou sont arrivés à la même conclusion : l’enjeu de notre siècle est d’abord culturel.
Si la situation n’est guère brillante, gardons confiance, car un ennemi partout triomphant s’affaiblit : existe-t’il encore en France de grands intellectuels républicains comme on en voyait il y a seulement vingt ans ? Cherchez à gauche… rien ! et à droite… le désert ! La pensée démocratique est en panne, parce que stérilisante, et la République n’a pas réalisé ses promesses de bonheur de l’humanité. Les peuples s’en rendent progressivement compte et l’illusion entretenue par les médias ne saurait durer. À nous de travailler pour occuper le terrain ! En ces moments où tout est possible, ce serait de la désertion de céder à la paresse ou à la peur, de ne pas se faire violence pour travailler, pour apprendre ce qui bon, ce qui est beau, ce qui est vrai. C’est tout l’objet du combat de l’UCLF de clamer la vérité, sans aucune compromission, et de chercher à établir le bon régime en partant des principes de la société naturelle et chrétienne.
Les pèlerins de Sainte-Anne d’Auray auront donc tous regagné leur province, gonflés de bonnes résolutions, parés pour galvaniser leur cercle respectif, et déterminés plus que jamais à combattre pour Dieu et le Roy.