Royalisme, vous avez dit ..royalisme ?
Port situé en Normandie, Cherbourg a un lourd passé historique qui se confond avec l’histoire des Plantagenêts et celle des Capétiens. De la guerre de Cent ans à la révolution industrielle, la ville traversera tous les tumultes de l’histoire de notre pays. Devenu une place forte du Cotentin sous la monarchie Bourbon, c’est aussi depuis ici que le dernier roi de la branche aînée, Charles X, partira en août 1830 pour un exil sans retour. Incarnée aujourd’hui par le duc d’Anjou Louis de Bourbon, je suis allé à la rencontre des habitants afin d’interroger les français (lorsqu’ils le voulaient bien), au hasard, avec cette question simple : « Connaissez-vous le royalisme en France ? ».
Divisé en diverses chapelles dynastiques et idéologiques, à l’heure où la réforme des institutions est posée par certains partis politiques, les royalistes peuvent-ils apparaître comme une alternative crédible aux maux dont souffre notre hexagone ?
Et si cette question semble simple pour les érudits, pour une bonne majorité des personnes interrogées, ce mot leur était totalement inconnu. Michel (48 ans ; fonctionnaire) ne mâche pas ses paroles sur une triste réalité qui va s’imposer à moi, peu à peu : « Je sais que vous entendez par là un aspect politique, mais je ne suis déjà pas intéressé par nos politiciens et les élections alors savoir ce qu’est le royalisme, je n’en sais rien ! ».
Loin d’être découragé par ce premier témoignage, je continuais d’aborder mes concitoyens, inlassablement avec la même question. « A mes yeux le royalisme correspond à la période française où le pays était dirigé par un roi, comme l’Espagne par exemple de nos jours. Je pense que le royalisme n’est pas si différent de notre politique aujourd’hui, mise à part que le terme de président serait remplacé par celui de Roi.» me dira Nadine, jeune retraitée de 62 ans. J’esquissais un sourire, l’œil pétillant et je me décida, en quelques secondes, de pousser un peu plus loin la discussion en lui demandant si elle voyait un inconvénient à avoir un roi ,comme Felipe VI d’Espagne, en France. Loin d’être interloquée par cette seconde question, Nadine trancha dans le vif : « Vous savez, roi /président cela ne représente rien, ce n’est pas le titre ou la fonction qui changera grand-chose en France. Il y a toujours des corrompus, des pots-de-vin, des affaires douteuses, alors que le président soit remplacé par un roi ne changera strictement rien. »
Remerciant une dernière fois Nadine, je poursuivais d’un pas léger ma quête matinale. Cherbourg, ville de drapiers qui fera sa renommée et qui compte d’illustres personnages dont le plus contemporain d’entre eux, reste le talentueux Jean Marais. Ici d’ailleurs, on vote socialiste. Au fur et à mesure de mes interviews, je me rendais compte que les connaissances politiques et historiques de notre pays étaient extrêmes floues pour les cherbourgeois.
Quand on ne me rappelait les sempiternelles caricatures du genre, c’est aussi avec l’animosité de quelques un(e)s que je fus confronté. Ainsi Fatou (34 ans ; sans emploi) aussi vindicative que passionnée, entre partis pris et inculture, me décocha ses premières flèches, à peine ma question posée : « Pour moi vous êtes une secte, les royalistes ont mal traité mon peuple avec l’esclavage, je ne retiens que cela ! ». J’en restais coi mais ne put m’empêcher de me rappeler au même moment l’anecdote d’un de mes amis. Celui-ci m’avait raconté un de ses 21 janvier. Pas le moindre, celui de 1993. Alors adolescent de 17 ans, il avait réclamé à son professeur d’Anglais, une minute de silence à la mort de Louis XVI. Et le moins que m’on puisse dire c’est que la réaction de l’éducation nationale n’avait pas été à la hauteur de ses attentes de jeune royaliste. Elle avait sèchement refusé, évoquant cette « secte » qu’étaient les royalistes. Ironie de l’histoire, Il vivait alors dans un pays quelconque de l’Afrique de l’Ouest, parmi la communauté française expatriée. Je regardais Fatou, pensif à l’idée que 24 ans après le bicentenaire de la mort du roi-martyr, pourtant hautement médiatisé et qui avait rassemblé pas moins de 5000 personnes sur la place de la Concorde, les mentalités n’avaient pas changé.
Il me fallut trouver tous les artifices possibles pour calmer certains passants résolument hostiles à ma démarche. Je passerais sur les insultes et autres quolibets que l’on me jeta au visage. Mon combat, ma croisade, mon crédo quelque part.
Heureusement, quelques témoignages étaient là pour achever de me convaincre que j’étais sur la bonne voie. « Je suis pour un retour d’un roi, cela pourrait surement permettre d’avoir un renouveau de notre pays, avoir un élan national, une cohésion derrière un drapeau, des valeurs, ce qui nous manque cruellement en ce moment. Cela fait de nombreuses années que nous avons laissé la chance à la démocratie de relever notre pays, mais peu importe qu’ils soient de gauche ou de droite, rien de change. L’Angleterre comme l’Espagne ont un roi et une reine, et regardez comme cela se passe. Si j’avais le choix, j’aimerais que cela se produise en France ». Loué fut Pascal, commerçant quinquagénaire de son état. Mais alors qu’en était-il de Louis XX, qu’un certain Thierry Ardisson avait marqué de son nom à l’encre noire sur la couverture d’un livre paru en 1986, à la veille du millénaire capétien. Je ne pouvais résister à lui poser la question. Connaissait-il celui qui est l’héritier légitime au trône de France ?
«Si vous me posez la question je suppose qu’il s’agirait du « prétendant » si il devait y avoir un roi (rires). Non je ne le connais pas mais je ferais des recherches sur lui. ». La déception se lisait sur mon visage bien que je tentais de ne rien laisser transparaître. Il me fallait faire un constat. Sur 43 personnes interrogées, seulement la moitié connaissait le terme de royalisme et une infime minorité avait plus ou moins entendu parler du prince Louis de Bourbon. Le chemin vers la restauration de la monarchie me semblait encore loin à l’issue de tous ces témoignages pris ci et là.
Où était donc ces fameux 17% de français prêts à soutenir le retour d’un qu’un sondage nous avait vanté il y’a deux étés de cela ?
Tout en rédigeant cet article, mon esprit s’arrêta quelques minutes pour surfer sur les nombreuses vagues du lac bien trop tranquille de la Légitimité (selon un sondage présenté dans l’ « Etat des lieux du royalisme en France » paru en 2009 chez SYLM, les légitimistes représentaient 7% de l’électorat royaliste) . Si le prince demeurait encore un inconnu pour nos concitoyens, en étions-nous les premiers responsables ? En dépit d’une maîtrise de la communication, la multiplication des pages en sa faveur sur les réseaux sociaux (certaines parfois frisant le ridicule comme le mielleux à souhait), aucun militantisme de terrain autre que celui versant dans l’habituel commémoratif historique ni mouvement royaliste officiel représentant la pensée Légitimiste (si riche à bien des égards), un ultraroyalisme, professé par une minorité et parfois figé dans le passé en contradiction avec les paroles du prince, certains allant même jusqu’à s’autoproclamer porte-parole du duc d’Anjou en lieu et place de son secrétariat ou revendiquant un patronage de sa part qui n’existe que dans leurs fantasmes.. autant de raisons diverses qui brouillaient à mon sens le message, pourtant si juste, que la Légitimité tente de faire passer tant bien que mal dans le microcosme royaliste que l’espace politique français lui-même.
Dernièrement l’animateur Stéphane Bern avouait dans une interview au magazine « Teknikart » que si la Légitimité était en pleine croissance, celle-ci était à reconstruire. Une vérité si il en est. Le duc d’Anjou n’avait-il pas déclaré lui-même au Figaro (2014) que « ceux qui parlent de nostalgie se retournent vers le passé et essayent d’y voir un âge d’or qui serait meilleur que le présent. Ce n’est pas ma manière de voir. Ceux qui ont fait la royauté française, c’est-à-dire les rois et les Français, eux, n’étaient pas des nostalgiques. Ils ont toujours cherché à aller de l’avant (…) ».
Une leçon que certains devraient méditer tant le Légitimisme comme le prince peuvent offrir à la France !
Royalisme ? vous avez dit …royalisme ?
Thomas B/ (collaboration de Frederic de Natal)