“Je suis royaliste, pourquoi pas vous ?”
C’est avec cette question que le mouvement royaliste Action française a organisé, le 7 mai, son colloque opposant diverses personnalités républicaines et royalistes durant 5 heures de débat, retransmis en direct- live sur leur site ou via leur compte Twitter.
Un colloque qui n’est pas passé inaperçu dans la presse nationale ni parmi les différents partis politiques à l’heure où l’Action française (AF) connait un renouveau militant. Fondée en 1908 sous l’impulsion de Charles Maurras, l’AF a été un mouvement majeur de l’entre-deux-guerres, menaçant à diverses reprises la République et son parlement croupion. Soutien au Maréchal Philippe Pétain, qualifié de « divine surprise », ce sont les actions des Camelots du roi qui ont achevé de faire sa réputation sulfureuse qui caractérise encore le mouvement. Entre de nombreuses scissions et des rapports conflictuels avec feu le comte de paris, Henri d’Orléans, l’Action française a néanmoins réussi à traverser tout le XXème siècle en restant une forte référence dans le microcosme monarchique, attirant pêle-mêle partisans des deux camps. Bien que réfutant tout alliance politique avec le Front National, cette école de pensée ne cache pourtant pas un rapprochement idéologique avec ce parti, depuis deux décennies, justifié par la célèbre maxime du duc Philippe d’Orléans et qu’elle a adoptée par la suite, « tout ce qui est national est nôtre ! ». Un rapprochement qui lui vaut d’être encore classée dans la case extrême-droite et à cause duquel, le député socialiste des Bouches-du-Rhône, Jean-David Ciot, a récemment réclamé au gouvernement ni plus ni moins que sa dissolution et son interdiction.
C’est donc dans une atmosphère et un parfum des années 1930 que s’est ouvert ce colloque historique. Avec une constitution quasiment monarchique et césarienne, la Vème République est aujourd’hui à bout de souffle. C’est toute la classe politique, de droite comme de gauche, qui est touchée par des scandales à répétition devenant les symboles de la faillite avérée d’un système.
Une ère de monarchisation des esprits semble s’être ouverte en France. De l’écologiste Jean-Marie Vincent Placé, actuel secrétaire d’Etat, qui dans un entretien à Valeurs actuelles en juillet 2012 déclarait « assumer son côté Maurrassien » au ministre socialiste de l’économie, Emmanuel Macron qui 3 ans plus tard, déplorait « l’absence de la figure du roi » dans la politique française. Les haut-fonctionnaires de la République succomberaient-ils enfin à cette stratégie avouée de l’Action française qui est d’infiltrer tous les milieux afin de mieux préparer la restauration du roi ? Ce n’est pas la première fois d’ailleurs que cette question fait son apparition au sein de l’histoire des diverses Républiques. Parfois proche d’une restauration avec un royalisme politique puissant sous la IIIème république, parfois opportuniste durant la seconde guerre mondiale avec un comte de Paris qui tente de prendre la tête d’une France libre depuis l’Algérie française, parfois saugrenue comme cette IVème république qui songera à faire d’Elizabeth II une souveraine de France où encore fantasmée par un général de Gaulle dans les années 1960.
C’est le professeur d’histoire Jean-Philippe Chauvin, dans un de ses billets, qui nous rappelait que le slogan du colloque avait toujours fait partie de l’histoire du monarchisme. De l’Action française au mouvement Alliance Royale en passant par le Groupe d’Action royaliste (GAR) ou les Légitimistes, tous l’ont repris et décliné sans complexe au fur et à mesure des décennies qui se sont succédé. Après avoir lu un message de soutien du prince Jean d’Orléans (regrettant » l’abandon des valeurs nationales »- le prince Louis –Alphonse de Bourbon n’ayant pas été consulté ndlr) et ironisé sur l’absence d’Emmanuel Macron, qui a décliné l’invitation pour pouvoir assister aux festivités en l’honneur de Jeanne d’Arc, ce sont différentes figures marquantes qui ont ouvert les « hostilités ». L’historien Reynald Secher (spécialistes des guerres de Vendée), l’avocat royaliste Benoit Dakin ou le maire de Béziers, Robert Ménard, sont intervenus, tour à tour, sur la question des crises de civilisation ou des institutions au sein d’un pays dont « l’inconscient collectif n’a jamais véritablement fait le deuil » de la mort tragique de Louis XVI ou encore avec Paul-François Paoli, journaliste au Figaro et auteur du récent livre au titre évocateur « Quand la gauche agonise, la république des bons sentiments ». Entre dénonciation du « mémoricide » ambiant, de l’islamisme envahisseur ou du multiculturalisme croissant, outre la présence remarquée de l’essayiste Frédéric Rouvillois, c’est enfin Stéphane Blanchonnet, actuel président du Comité directeur d’Action française qui lors de la deuxième partie du colloque, a pris la parole et s’est amusé de cet «usage fétichiste des valeurs républicaines utilisé dans le débat publique pour justifier le fameux front républicain ».
Rejetant cette révolution française qui sclérose et emprisonne la société française, la personnalité qui a le plus alimenté la polémique sur sa participation à ce colloque est sans nul doute le député du Vaucluse, Marion Maréchal Le Pen. Ses nombreuses déclarations jugées contre-révolutionnaires, à l’heure où la République tente d’imposer une nouvelle religion laïque au mépris des valeurs chrétiennes de la France, ont posé la question de son adhésion au royalisme. Il est vrai que ses discours, dans un savoureux mélange de patriotisme revendiqué sous fond de monarchisme latent, ont eu de quoi troubler plus d’un royaliste légitimiste ou non. Jean-Marie Le Pen, qui ne cachait pas son admiration pour Maurras, avait lui aussi tenté un rapprochement avec les royalistes dans les années 1980 et en particulier avec les Légitimistes, n’hésitant pas à réclamer un titre de « lieutenant du roi » au comte de Paris, qui lui avait opposé un refus net tout comme le duc de Cadix, Alphonse II de Bourbon. Non sans créer un certain schisme dans la mouvance légitimiste. Royaliste, le fondateur du Front national ? Dans le numéro 2814 de l’Af 2000, s’il reconnaissait volontiers le « rôle de constructeur et de fédérateur de la monarchie », il vilipendait cependant ces « règnes interminables » et d’en conclure qu’il ne pouvait être que…républicain.
Entre discours, tables rondes, entretiens et débats, le colloque qui affichait salle comble avec plus de 500 participants, a repris les grands thèmes chers aux royalistes, tentant de définir les fameuses « valeurs républicaines » que le régime tente d’imposer dans le quotidien aux français et qui semblent être rejetées par une large majorité de la jeunesse qui se « droitiserait » de plus en plus, selon les médias. Une caste dont 72% des français se méfieraient aujourd’hui, a rappelé l’Action française à l’ouverture du colloque. Refus de la république ou tentation bonapartiste, un sondage IfoP commandé par l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (Anacej) et publié le 3 mai, affirmait que 17 à 31% des jeunes français étaient disposés à voter Front national aux prochaines élections générales ou 14 à 29% pour un candidat des Républicains. La nouvelle jeunesse royaliste est indubitablement attirée par la personnalité du député du Vaucluse à l’allure d’archange et dont les 26 ans se font l’écho de leurs inquiétudes pour l’avenir déclarant il y’a peu qu’elle « jugeait sa génération saoulée par les valeurs de la république ». S’érigeant en gardienne des valeurs chrétiennes contre le laïcisme et le multiculturalisme, l’eurosceptique Marion Maréchal Le Pen n’a donc pas hésité lors de son intervention à confirmer qu’elle voyait en la République (qualifiant néanmoins se démarche de « réflexe pavlovien et de paresse intellectuelle »), « cet outil qui contient les objectifs au service du bien commun ». Tout en restant « sceptique sur la capacité à restaurer une monarchie de droit divin ou parlementaire, étant peu convaincue que le retour du roi permettrait de parer à ce mal (que représente le gouvernement actuel-ndlr) ».
Yves Marie Adeline, ancien président de l’Alliance royale et candidat à différentes élections, légitimiste bien connu, Jean-Philippe Chauvin portant ici sa casquette de vice-président du GAR et ancien candidat pour l’Alliance royale, Gérard Leclerc de la Nouvelle action royaliste, le maurassien François Marcilhac, essayiste et directeur éditorial de l’action française 2000 et le conférencier de la Restauration nationale, Antoine de Crémier ont clôturé le colloque illustrant la fracture entre « le pays réel et le pays légal ». Faisant le distinguo entre monarchisme dont Yves-Marie Adeline s’est fait le chantre, (rappelant l’importance des institutions monarchiques) et royaliste, Jean-Philippe Chauvin a rappelé que ce principe a été de part et d’autres des Pyrénées, un symbole d’unité et de continuité capable de recréer des liens, « cette représentation équitable qui fait appel à tous les corps sociaux à travers un roi, un exécutif qui règne loin , une monarchie active qui a un pouvoir politique, pas seulement symbolique ».
En 2007, un sondage BVA affirmait que 17% des français étaient disposer à soutenir le retour du roi Ce colloque a-t-il achevé de convaincre les derniers récalcitrants, ces politiques qui n’osent pas faire leur « coming-out » royaliste et enfin briser les sempiternelles caricatures sur la royauté, inlassablement distillées par une presse partisane ? C’est ce que montrait, ce jour-là, le compteur twitter du colloque où près de 500 000 personnes avaient au moins vu ou commenté une fois le hashtag qui lui était consacré « #JeSuisRoyaliste ». Mais …et pourquoi pas vous ?
Frederic de Natal
Conclusion de Vexilla Galliae
Vexilla Galliae n’a pas pris part à la tenue de ce colloque, notamment parce que organisé par un mouvement orléaniste. Néanmoins, l’on ne peut que constater, et féliciter d’ailleurs, les organisateurs pour leur succès et leur professionnalisme. Qu’on l’apprécie ou non, l’Action française a été un mouvement majeur du siècle dernier et la pensée de ses maîtres continue à irriguer une partie de la droite française. Son regain de notoriété ces dernières années contribue, à sa manière, à faire revivre le monarchisme.
Néanmoins, on regrettera bien évidemment l’allégeance orléaniste de l’Acton française. Allégeance qui a transparu lors de ce colloque, sans pour autant en demeurer le fil conducteur. La solidité du principe royal repose sur la fidélité sans faille aux lois fondamentales : l’atout principal de la monarchie, c’est sa capacité à désigner un monarque indépendant des partis, des suffrages, des puissances d’argent, des lobbies, etc., grâce à ces lois. Or, celles-ci désignent SAR Louis, Duc d’Anjou.
Prendre parti pour un prétendant à un titre qui ne lui revient pas n’est PAS une question anodine. Bien au contraire, elle affaiblit d’emblée la force des idées, en les entachant d’une violation au principe même qu’entendent défendre ceux les portent.
Si nous nous réjouissons, bien entendu, des succès que rencontrent les militants de l’Action française (qui, parce qu’ils sont monarchistes et patriotes, ne peuvent pas être considérés comme des adversaires) dans leur travail de « monarchisation des esprits », nous ne pouvons rester silencieux sur l’erreur fondamentale qu’ils commentent en choisissant le prétendant orléaniste au détriment de l’héritier du trône. Pas plus qu’on ne choisit son pays, on ne choisit son roi !
Stéphane Piolenc