Un rêve fou
Bien avant 1789, l’esprit du siècle avait installé dans le peuple, qui tomba dans le piège, les vices des puissants et les utopies qui permettaient aux bobos de l’époque de briller dans les salons ; ensuite la Révolution n’eut qu’à tendre la main pour cueillir le pouvoir détenu par une aristocratie sclérosée pour le remettre entre celle d’une bourgeoise ambitieuse et cupide. Bien plus tard, en 1905, les descendants de 89 déchiraient la France pour extirper la religion catholique de la vie publique.
Dans le même temps il importait de réparer les dégâts sociaux causés par les excès de la Révolution industrielle puisque la doctrine du « laisser faire laisser passer » avait montré ses limites en matière de justice sociale. Pour ce faire, les représentants du peuple souverain n’avaient pas confiance dans les vertus morales des représentés et se sont mis à légiférer avec l’idée que les lois combleraient facilement l’espace infiniment large, long, haut et profond que remplissait autrefois la Charité divine donnée en modèle aux hommes sous le nom de charité fraternelle.
D’où la multitude de structures administratives progressivement mises en place par l’État-providence pour déterminer, prélever et contrôler l’usage des impôts, taxes et cotisations à redistribuer sous forme d’aides diverses, de remboursements, de pensions, de subventions, d’allocations…
Ainsi d’État régalien, la France est devenue une gigantesque assurance sociale. Gigantesque et ruinée au moment précis où, conséquence d’une crise qui s’éternise, les Français souhaitent à la fois le maintien de l’État-providence et le retour de l’État régalien en matière de sécurité et de justice.
Hélas malade d’une dette monstrueuse et de déficits chroniques, budget, Sécu, Unedic, commerce extérieur… l’État n’est pas plus capable d’être providentiel que régalien.
Le malheur est que les politiciens n’ont pas le courage de reconnaître publiquement que la maladie en question n’est pas une simple fièvre vite oubliée après une bonne saignée fiscale dont ils détiennent le secret, mais un cancer dont la rémission demande du temps, une thérapie difficile à supporter et la volonté de guérir.
Et faute de soins adéquats, la France euthanasiée par de douces promesses électorales utopiques, meurt dans la dignité avant d’être inhumée au grand cimetière du mondialisme.
Situation absurde due à des gouvernants qui, par crainte de sanction électorale, n’osent ni proposer ni mener à terme les réformes qui guériraient un pays doté de tous les atouts pour être en bonne santé. De fait lancer des réformes qui abolissent nécessairement quelques privilèges et avantages acquis n’est pas une sinécure ; cela suppose un gouvernement suffisamment fort pour ne pas céder devant la rue, et pédagogue pour susciter l’adhésion d’une majorité de Français. Dans les circonstances présentes, la seconde condition ne devrait pas poser de problèmes sous réserve d’expliquer avec clarté, précision et simplicité le pourquoi des réformes et, suivant les mêmes critères le comment qui implique des sacrifices équitablement répartis entre tous, inclus les élus.
Dans la nécessaire mais juste épreuve qui nous attend après avoir vécu au-dessus de nos moyens en léguant joyeusement nos dettes aux générations futures, il faudra persévérer sans espérer récolter à court terme les fruits des sacrifices et, pour combler le vide créé par l’indisponibilité de l’État providence, que tous fassent preuve de charité fraternelle les uns envers les autres.
Or, si en temps ordinaire, la nature humaine n’est pas systématiquement charitable elle l’est encore moins dans les périodes difficiles où la tentation d’égoïsme est naturellement plus forte ; en tout cas suffisamment pour faire trébucher de temps à autre même ceux qui ont la grâce d’être secourus par les sacrements de l’Église catholique.
De sorte que pour persévérer sans trébucher ceux-là devront prier davantage et les croyants non pratiquant reprendre les chemins qui mènent aux églises ; comme ce fut le cas dans le passé car il bien connu qu’elles se remplissent toujours aux temps des épreuves.
En conséquence, quand bien même l’État ne serait pas touché par la grâce, il devrait se sentir obligé d’accorder quelques faveurs à l’Église catholique car c’est Elle qui donnera au peuple de France la force d’accepter ses sacrifices avec persévérance, charité et patience au temps de l’épreuve des réformes. « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer », la devise de Guillaume d’Orange vaut pour ceux qui auront le courage d’ouvrir le chantier des réformes ; mais c’est encore par l’Église qu’ils recevront les vertus d’espérance et de persévérance nécessaires pour aller au bout du chantier.
Sous l’Ancien régime l’État protégeait les institutions religieuses qui, en recueillant les pauvres et les abandonnés, ont jeté les fondements de la sécurité sociale ; demain par quelle faveur pourrait-il manifester sa gratitude envers Celle qui aura soutenu ses dirigeants et le peuple pendant une période de transition tumultueuse ?
Ce faisant l’État ne pourrait être accusé de verser dans une théocratie puisque son rôle ne serait pas de discriminer de quelque manière que ce soit un non catholique mais de lui demander de participer à l’effort de charité fraternelle, laquelle ne s’oppose à aucune religion ; celle qui prétendrait le contraire se condamnerait elle-même.
Cela dit à l’intention de ceux qui ne taxeraient d’islamophobie car s’il est écrit que l’aumône est le cinquième pilier du Coran il est aussi écrit qu’elle doit être exclusivement réservée aux musulmans.
Au terme de ce qui précède je pose la plume le temps d’un rêve fou que je vous invite à partager.
Tout a commencé lorsque, sous la pression des évènements, le gouvernement prit la décision de lancer un train de mesures radicales. Après bien des années de prospérité les Français ne furent pas vraiment enchantés à l’idée de sacrifier un peu de temps libre et un peu de pouvoir d’achat. Toutefois la France en quasi faillite ne pouvait plus tergiverser en prétextant la crise et l’exécutif ne pouvant plus se permettre une nouvelle reculade, le train des réformes s’élança.
Le parcours fut plus long et chaotique que prévu ; les grincements de dents accompagnèrent celui des roues, entre les manifs qui tournèrent en émeutes, le chacun pour soi exacerbé quand il n’y eut plus grand-chose à partager et dès lors que les mots devinrent impuissants pour réconforter les uns et encourager les autres, le désarroi général fut tel que tout sembla perdu.
À cet instant le vieux fond de catholicisme encore vivace poussa les Français à se tourner vers l’Église où ils puisèrent la force de sortir victorieux de l’épreuve des réformes.
Ainsi, une fois le calme revenu les réformes portèrent leurs fruits, la France entra en convalescence et l’État, reconnaissant envers Celle qui contribua à l’effort national, se déclara protecteur de l’Église.
Un rêve fou ? Peut-être, mais je suis tellement convaincu qu’une fois l’Église protégée par l’État, le pas à franchir pour passer du gouvernement de la République à celui du Roi sera si petit… !
Que vienne vite le temps des réformes, un mal pour le bien du pays, pour rendre gloire à Dieu et son Roi à la France.
Pierre Jeanthon