Lettre d’un émigré. Soumission et Humilité
Voilà deux mots frères que l’on a tendance pourtant à opposer. Ils sont si proches et pourtant si distants, l’un sonne encore si positivement dans la qualité « d’humilité » mais l’autre possède cette connotation inexorablement négative, certainement d’origine révolutionnaire – qui peut être avant la Révolution – qui rappelle la domination et la défaite. Pourquoi donc ce mot, « soumission », est-il si injustement l’objet de cette détestation générale, quand il ne provoque pas une réaction d’une violence extrême, un blocage typiquement idéologique, qui paralyse chez l’interlocuteur toute velléité de comprendre, de saisir ?
L’humilité et la soumission ne sont certes pas identiques, mais présentent des similarités troublantes. En réalité ces deux mots ont deux faces, une parfaitement positive, et l’autre vraiment négative, qui se distinguent en fonction de leur forme pronominale ou non. « Humilier » ou « soumettre » quelqu’un peut être le plus souvent considéré comme une action mauvaise, encore que l’on pourrait penser « humilier », c’est-à-dire rendre humble, ou plutôt mettre en position de respecter, ou encore « soumettre », c’est-à-dire « mettre sous », sans qu’il y ait forcément un rapport de domination ni de force, mais plutôt l’idée de « mettre sous la protection », ou « à sa place dans l’ordre naturel ». Sans aller jusque-là du moins, il est vrai que la forme non pronominale de ces deux verbes évoque une action extérieure sur la personne, qui implique le plus souvent un rapport de force et une violence faite.
La forme pronominale pourtant change tout : « s’humilier » et « se soumettre » ont ceci de foncièrement beau que l’action est libre et volontaire. « Je me soumets à mon Seigneur » signifie alors « Je fais don de moi », et « je m’humilie » signifie alors « Je respecte, car je réalise l’humilité ». Il est étrange que si l’humilité a pris la connotation positive de la forme pronominale, la « soumission » a été carrément contaminée par la forme non pronominale.
La disparition du « sens positif » de soumission a ceci de dramatique qu’il empêche de comprendre des textes bibliques pourtant magnifiques, et certainement bien traduits, mais malheureusement mal interprétés. On pensera tout particulièrement au passage de la lettre aux Ephésiens de Saint-Paul qui expose en toute beauté la particularité du mariage catholique.
L’interprétation à laquelle est soumise, sans jeux de mots, la « soumission » est vraiment injuste. Si la traduction la plus récente du Pater Noster dans la formule « Ne nous soumettez pas à la tentation » est véritablement faible face à « Ne nous laissez pas succomber à la tentation », différence qui permet d’ailleurs de se rendre compte de la différence entre « soumettre » et « se soumettre », la soumission au sens de « je me soumets » est belle. Elle n’implique ni un rapport de force, ni une sorte d’esclavagisme volontaire. Se soumettre en toute liberté et en connaissant la faiblesse humaine est un acte qui fait grandir la personne à qui on se donne. Jésus s’est soumis aux jugements des hommes pour les sauver. La soumission à Dieu, elle, se rapproche du sens, « je me confie à ». La responsabilité du Seigneur envers ceux qui se confient à lui est immense, et, logiquement, celle provoquée par la soumission à son lieutenant sur terre, le Roi Très Chrétien, est tout aussi immense mais vertueuse. Confions-nous ainsi à notre Roi, comme il se confie au Seigneur, dans ce don plein de grâce, c’est-à-dire de reconnaissance envers le Sauveur. Oui, si nous ne devons jamais soumettre et humilier, du moins, ne cessons de nous soumettre et de nous humilier.
Paul de Beaulias
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France