Lettre d’un émigré. La soumission est noble
« L’esprit d’oubli de l’ego et de communion avec le groupe se manifeste très bien dans notre langue. […] Cela se traduit […] dans l’utilisation depuis l’antiquité, par exemple, de « tamau », pour parler de soi face à la chose publique (ooyake), ou encore les verbes « servir » (samurau) ou « obéir » (haberu) qui en vinrent peu à peu à être utilisés comme des auxiliaires pour exprimer la déférence ou le respect. De même, ces mots « saburau » ou « samurau » furent ensuite utilisés pour signifier guerriers, ce qui donna le mot « samouraï », le serviteur. »[1]
La soumission a véritablement très mauvaise réputation dans le monde moderne occidental. Il suffit de lancer un « il est soumis », ou « tu te soumets » pour désigner le grand mal, le grand diable, l’horreur révoltée et horrifiée.
C’est étrange. La soumission est pourtant si belle. Nos contemporains ont comme sapé le sens vrai de soumission pour en faire un synonyme d’« esclave ». Je donnerais tout pour me soumettre à mon roi mais je ne supporterais jamais d’être esclave – c’est pour cela d’ailleurs que notre siècle est insupportable. Toute la différence est là. L’esclave est contraint, violenté, obligé par la force d’être dans le plein pouvoir d’un autre. La soumission au contraire ne signifie rien d’autre « que se mettre sous la main de ». N’y a-t-il rien de plus beau que de se soumettre, c’est-à-dire se mettre sous la main de celui qu’on aime ? Cela commence par Jésus Christ. Tous les chrétiens sont soumis. Et c’est bon. Un chrétien qui n’aime pas la soumission n’est pas chrétien. Cela se convertit naturellement en amour. La soumission au mari ne signifie rien d’autre que l’incarnation et la réalisation de cet amour véritable, comme l’Église est soumise au Seigneur. Puis la soumission à son roi, à son chef. Et enfin la soumission à notre Seigneur Jésus Christ.
Quelle beauté que cette soumission qui sous-entend la volonté de s’en remettre à autrui, de donner pleinement sa confiance. Le service commence par la soumission, et le soumis est avant tout un serviteur. Le véritable soumis, qui par sa volonté se dispose sous la main de, ne sera jamais un esclave. Si le maître abuse de ce don qu’on lui fait, il sera damné à jamais : imaginez-vous quelques secondes en train d’abuser de votre serviteur qui vous fait confiance, de votre tendre chair qui vous aime, de votre employé qui s’en remet à vous, de vos sujets qui comptent sur vous. Il faut être véritablement monstrueux pour ne pas être touché par la grâce de la soumission, et le passage à l’acte mauvais n’en devient que plus difficile à proportion de la sincérité de la soumission et de l’empressement du service.
Quelle responsabilité d’accepter la soumission d’autrui ! Toutes les charges du chef deviennent si lourdes. Avoir quelqu’un sous sa main ne fait-il pas douter de la sienne propre ? La soumission encourage le perfectionnement du chef qui fera en sorte que cette main qu’il pose sur la tête de son serviteur ne tremble plus et soit aussi sûre que possible que la main de Dieu. Cette tête soumise assure d’ailleurs sa propre main en prenant exemple sur la main sûre de son maître, comme lui-même prend exemple de la main divine inébranlable qui le couve. Et il se rend compte que le Roi des cieux s’est mis sous la main des hommes, qui ne sont jamais assez touchés par cette grâce et par l’immolation du plus Saint des soumis ; la grâce de la soumission irradia à nouveau toutes les consciences, jusqu’à il y a peu en Europe en tout cas, dans cette Europe chrétienne qui nous façonne.
Se soumettre tout le temps et servir encore et encore. Si soumettre est bien vaniteux et provient de la démesure humaine, se soumettre est une grâce. Et lorsque la soumission n’est pas volontaire, que les soumis sont des esclaves, c’est la gloire du maître que de se faire aimer de ceux qui sont sous sa main, pour les transformer en véritables serviteurs :
« C’est en effet la gloire d’un maître d’avoir des esclaves bien disposés. C’est la gloire d’un maître que ses esclaves l’aiment aussi. C’est la gloire d’un maître de faire sien ce qui vient d’eux et c’est la gloire d’un maître de ne pas avoir honte de l’avouer devant tout le monde. »[2]
Paul de Beaulias
Pour Dieu, Pour le Roi, Pour la France