Lettre d’un émigré. L’ordre naturel
Le moderne est allergique à l’ordre, le fait est connu. Il déteste autant l’ordre, qu’il confond facilement avec le mot « inégalité » qu’il affectionne éperdument, jusqu’à perdre ses prochains, la fatale et tragique « égalité ».
L’idolâtrie à l’égalité est consternante. Le mot est véritablement mal choisi. Faire de l’absolue relativité un idéal absolu, voilà qui constitue bien le tour de passe-passe hérité des illuminés. Alors que tout montre bien pourtant que l’inégalité est naturelle, comme l’ont déjà dit nos ainés, les vendeurs de vent veulent par tous les moyens faire croire du contraire. Mais peu importe, cela est un piège ; il ne faut pas s’attarder sur ce débat secondaire. A quoi bon rappeler que la seule « égalité » qui ait un sens est celle des mathématiques, c’est-à-dire l’identité absolue, concept ainsi purement idéal et logique hérité et appliqué tel quel à de la réalité humaine. A quoi bon souligner des évidences, comme dire que personne n’a le même corps, ni n’est né dans la même époque, ni dans le même lieu, avec le même sexe – la négation du réel est si sérieusement avancée que le contraire, affirmé haut et fort par tout pouvoir public, devient la vérité public No 1.
Ce débat de Lapalisse cache en effet une vérité bien plus essentielle. Peu importe l’inégalité naturelle de toute chose ; plutôt que répliquer aux discours stupides qui maintiennent le contraire, mieux vaut s’attacher à rappeler l’existence primordiale de l’ordre naturel. Il est toujours préférable d’affirmer les vérités que de nier les mensonges, surtout quand l’affirmation de la vérité implique en elle-même la négation du mensonge.
Nous voulons d’un ordre naturel dans la vie. Pour commencer par la conclusion, il existe un ordre naturel de Dieu au père puis à la mère et enfin à l’enfant. Cet ordre est tout simplement l’ordre de la vie. Dieu en est la source, il la crée, l’homme la transmet dans le sein de la femme par la génération, et la femme la met au jour par la grossesse et l’enfantement.
La modernité a consisté à nier cet ordre naturel qui se retrouve pourtant dans toute l’histoire de l’humanité et partout, si ce n’est dans les sociétés en déliquescence. Que se passe-t-il quand l’homme perd de vue cet ordre ? Il devient orgueilleux et tombe dans le péché. L’enchainement fatal est troublant par son adéquation avec les temps modernes. Chaque lien de l’ordre naturel est nié en effet non pas d’un coup, mais par étape. Dieu, chef de l’ordre et perdu de vue. Les hommes oublient de qui ils reçoivent la vie, et qu’elle est un don. Les hommes, qui ne font que générer, se croient thaumaturges, et l’ordre devient artificiellement machiste, si on peut dire. L’ordre à la Napoléon du code civil est là, il n’a déjà plus rien de traditionnel. De façon très logique, la femme, qui perd tout aussi de vue l’ordre divin, nie l’ordre de la génération et tue le père. Elle s’approprie l’enfant tout entier qui est issu de ses rangs. Le père n’a plus qu’à disparaitre, plus personne ne peut témoigner qu’il est le père, et il fait si peu pour l’enfantement… La femme orgueilleuse se croit à son tour toute puissante. Puis enfin l’enfant, perdu et inconscient de l’ordre naturel, n’a plus qu’à se rebeller dans toute cette chienlit…
Le révolutionnaire naïf, s’il en est, me répliquera vertement que cet ordre est bien inégalitaire. Certes, si l’on se borne à un monde sans Dieu, tout cela est très inégalitaire. Dans un monde où le divin est présent, le nôtre c’est-à-dire, puisque le monde est constamment relié au divin, puisqu’il lui est entremêlé, cet ordre ne gêne pas. Et les animaux alors ? Ils sont soumis à cet ordre, bien naturellement, mais ils ne le respectent pas à proprement parler, puisqu’un animal n’est pas libre. Nous, hommes, pouvons soit le respecter, soit le nier, mais dans tous les cas nous y sommes nécessairement soumis. S’en rendre compte et le respecter, c’est l’art de l’homme, le nier, c’est l’œuvre du diablotin, qui fait croire que la liberté c’est dire non – même quand de toute façon la réalité aurait vite fait de s’imposer.
Pourquoi cet ordre ne gêne-t-il pas, me direz-vous ? Prenons une scène classique du Japon que naguère nos aïeux pouvaient admirer. Un seigneur en sa demeure dans la salle majeure et ses vassaux, serviteurs et autres gens, ses subordonnés là pour écouter un ordre, rendre un hommage ou autre. Tous sont sur des tatamis pourtant, et le Seigneur n’aura que quelques centimètres de surélévation par rapport à ses subordonnés. Pour le Roi ? Un voile le séparera en plus. Cela illustre bien notre rapport dans cet ordre : il existe bien parmi les hommes, mais il correspond à quelques centimètres, qui sont incomparables à la distance entre tous les hommes et le Ciel.
Soyons ainsi ordonnés dans nos familles, face aux chefs, envers notre Roi, et avant tout envers Dieu.
Paul de Beaulias