Lettre d’un émigré. Arbres vénérables et pousses branlantes
« En Europe, les lignes généalogiques des maisons sont souvent présentées sous forme d’arbre : les ancêtres sont la racine qui plonge dans la grande Terre, et les descendants forment le tronc puis les branches, s’allongeant vers le haut. Lorsqu’on utilise la forme d’un arbre pour dresser un tableau généalogique, la forme européenne est naturelle, mais elle ne convient pas pour représenter le concept de « légitimité » qui nous intéresse ici.
Cette conception, qui place les ancêtres en bas et les descendants allant vers le haut, ne correspond en rien à la conception nipponne de l’arbre généalogique. Nous plaçons au contraire systématiquement les ancêtres en haut et les descendants suivent vers le bas.Pour reprendre l’image de l’arbre, cela donnerait un arbre qui pousserait à l’envers depuis le haut, même si cela n’est pas très naturel. Nous pensons qu’il n’est pas possible de matérialiser l’idée de « légitimité » par le placement des ancêtres en bas, et les descendants en haut, et la conception européenne diffère ainsi de la façon de sentir nipponne.
Mais pourquoi alors les arbres généalogiques japonais doivent-ils forcément partir du haut pour aller vers le bas ? Cela trouve certainement son origine dans les histoires divines, qui racontent que les ancêtres divins du Tennô (le roi), des nobles et des guerriers, qui se trouvaient dans la plaine céleste, sont descendus depuis le Ciel sur le sol terrestre. Il devient ainsi nécessaire, dans cette vision de ses ancêtres, lorsqu’on dessine ses ascendances, de placer ses ancêtres près du Ciel, en haut.
Nous avons entendu dire que la représentation européenne du bas vers le haut trouve son origine chez Isaïe (lignée chrétienne), mais cette habitude amène à faire la supposition qu’en Europe, depuis toujours, on considère que les hommes se sont trouvés sur terre de tout temps. »[1]
L’importance de la famille est souvent arguée ces derniers temps, mais on réfléchit assez peu sur la signification du mot. Ou pour être plus exact, il semblerait que l’on entende souvent par le mot « famille » ce qui se réduit en fait à la « famille nucléaire », soit : parents et enfants. Faire cet amalgame montre que, déjà depuis trop longtemps, la famille est moribonde en Occident.
On compare souvent la famille à un arbre. La citation précédente donne la vision japonaise traditionnelle de la légitimité royale dans la famille, qui repose sur la conception de la lignée familiale. Pour mieux comprendre notre auteur, comprenons que lorsqu’il parle « d’Europe », il voit surtout la modernité, la seule face, bien malheureusement, visible depuis trop de siècles déjà, vue de l’extérieur. Il rejette doucement, mais fermement, la conception allant du bas vers le haut pour penser la « famille », autre nom de la « lignée », comme allant contre, ou plutôt comme rendant impossible la conception de la « légitimité ». Or n’oublions pas que « légitimité » signifie ce qui est droit, ce qui est juste, ce qui est vrai – la même racine que légal. En japonais aussi le caractère « droit » compose le mot, et donc l’auteur nous dit en substance que concevoir la famille de bas en haut n’est pas droit.
Et il a raison. Sauf qu’il ne semble pas que cette conception soit aussi traditionnelle à l’Europe qu’il ne le pense. On pourrait même dire au contraire que ce n’est pas absolument naturel. Comme au Japon, nos ancêtres sont en haut et plus proches du divin que nous. Adam était bien dans l’Eden, tout près de Dieu, et son péché le fit chuter sur terre. Depuis, la vérité première doit se transmettre de générations, avec le risque de toujours plus se voir oublié, et l’homme de chuter toujours plus, et chaque génération, s’éloignant temporellement de cette vérité, doit redoubler d’efforts pour raccrocher le fil éternel de la vérité éternelle, de la même façon que dans la conception nipponne, en réalité.
L’autre, qui croit que l’arbre monte au ciel, chaque génération développant son précédent, a par trop l’odeur de positivisme, et pour cette seule raison devrait être évité. N’avez-vous pas chez vous un arbre généalogique ? Chez moi, il se trouve être de haut en bas. Nos ancêtres sont en haut, dans tous les sens du terme. Déjà montés aux cieux, plus anciens, plus expérimentés…en haut quoi
La représentation de la famille comme un arbre, qu’il soit vers le haut ou vers le bas, constitue déjà un pas important dans sa compréhension. Nous pouvons ainsi voir notre société comme une forêt de familles. Celles qui transmettent depuis des siècles, voire des millénaires sont comme ces vénérables, hauts et forts arbres solides, noueux et riches en fruits. La société contemporaine est cependant et malheureusement de ces innombrables « familles nucléaires », qui sont autant de minuscules pousses, avec un ridicule petit nœud, toutes fragiles, toutes graciles, subissant toutes les intempéries et les piétinements des bêtes. La restauration commence par reconstruire ces arbres. Retrouver le tronc sur lequel nous sommes portés, et redémarrer une nouvelle branche vigoureuse qui, dans quelques générations, pourra se targuer d’être forte et vénérable. Seule une forêt de puissants arbres pourra accomplir la restauration de notre société, là où une multitude de pousses ras-la-terre n’arrivent qu’avec beaucoup de mal, et peut-être en vain, à freiner la chute de la société qui s’autodétruit puisqu’elle détruit la famille.
Paul de Beaulias
Pour Dieu, Pour le Roi, Pour la France
日本人の系譜観念においては、祖先が下にいて、子孫が上に向かう、という発想は見られないのではないか。祖先は必ず上にいて、子孫は下に向かうものであるように思われる。これに合わせると、不自然ながら逆さまの樹木の形になる。根(祖先)を下にしたのでは日本人の感覚と相違し、「正統」の理念を正確に映し出すことにはならないと考えられる。
日本人にとって、なぜ系図は上から下に向かうものでなければならないのか。それは天皇や貴族・武士の祖先は高天原の神々であり、天からこの地上に降りてきた、とする神話(天孫降臨)に起源があるように思われる。この祖先観に基いて系図を作れば、祖先は必ず(天)に置かれることになろう。
一方、ヨーロッパの家計図は「エッサイの根」(キリシトの系図)に源があるといわれているが、おそらくヨーロッパ人は、人間は初めから大地にいた、という感覚を元々持っていたのではないかと推測されよう。 »