Le pragmatisme est légitimiste
Crédit photo : Institut de la Maison de Bourbon
Voici ce qui différencie, pour la personne de bon sens, le successeur légitime du prétendant. L’objet n’est pas de s’attarder sur les poncifs de la querelle dynastique, sauf s’ils ont une utilité dans le propos, et je me garderai de toute attaque insultante, vile, basse ou mensongère. La réponse s’articule autour de 4 domaines : moral, symbolique, patriotique et politique.
Louis XX a la force morale pour lui car il est celui que désignent au trône Dieu, les lois fondamentales, la nature et la bienséance. Seul Dieu, ou les hasards de la biologie si vous n’avez pas la foi, désigne le Roi, selon les lois fondamentales et naturelles de la couronne de France, la chose est assez souvent invoquée dans l’argumentaire légitimiste pour que je ne vous inflige pas les détails. Mais la chose est importante au point de vue moral. Restaurer la royauté en commençant par en renier les principes fondamentaux en imposant les Orléans, c’est un renoncement qui ne peut qu’affaiblir le roi orléaniste qui serait toujours vu comme un usurpateur ou le bénéficiaire d’un mauvais coup par une partie conséquente du peuple et des royalistes eux-mêmes (n’oublions pas que même en cas de restauration ou de réinstauration de la monarchie, une part conséquente (même si on l’espère minoritaire) du peuple resterait hostile au roi par atavisme républicain pendant encore un certain temps. Pour le chrétien, et particulièrement le catholique, ce roi là ne pourrait pas être légitime car il se serait imposé par chance, par tricherie, par des tromperies humaines contre le choix naturel voulu par Dieu. Pour les autres, qu’y aurait-il de sacré dans la personne de celui qui aurait été choisi en dépit des principes ? Enfin, comment s’imposerait comme autorité morale celui que ses sujets pourraient qualifier de roi mal trouvé, arrivé là où il est grâce à la longue série de crimes (régicide, usurpation, félonie, conspiration, mensonges, etc…) des ancêtres dont il est sensé tirer son droit à régner ? Dans l’ordre symbolique, voilà un roi qui viendrait nous rappeler que contrairement à la maxime, le crime paye, même en différé de plusieurs générations.
Symboliquement encore, les Orléans actuels nous démontrent par leurs titres, qu’ils ne sont pas les successeurs des Rois de France, mais seulement les héritiers de la monarchie de Juillet. Sans entrer dans une polémique sur la validité des titres, on ne peut que constater que le chef de cette famille se dit Comte de Paris, titre créé par un usurpateur, titre non issu de la légitimité à laquelle prétendent les Orléans d’aujourd’hui. Symboliquement encore, le sacre d’un roi Orléans, tant qu’il existe des Bourbons issus de Philippe de France duc d’Anjou puis Roi d’Espagne, serait un véritable blasphème. Même la symbolique mathématique nous rappelle que 73 ce n’est pas 1 (ndlr : 73 étant le rang d’Henri d’Orléans selon la succession conforme aux Lois du Royaume).
Le patriotisme lui-même rejette les Orléans. On vient nous parler de vice de pérégrinité, celui-ci n’a jamais existé hors d’affirmation péremptoire des partisans de la branche cadette et des travaux de leurs partisans. Plusieurs ouvrages contemporains et orléanistes cherchent à éliminer le droit du duc d’Anjou et à affirmer celui des Orléans en insistant sur le vice de pérégrinité, mais ils manquent de sérieux et de rigueur, leurs citations sont souvent fausses, leurs sources sont de seconde main, et quant elle ne le sont pas, ils ignorent le contexte historique et politique de leur rédaction et les interprètent d’une façon tendancieuse pour soutenir le droit des Orléans au delà de toute raison. De plus, s’appuyer sur le traité d’Utrecht pour écarter Louis XX démontre une absence totale de patriotisme : comment peut-on préférer un traité imposé par les anglais sous la menace de la reprise d’une guerre cruelle et qui ont profité de la faiblesse, de la fatigue et du malheur du pays, aux lois fondamentales naturellement françaises ? Ceux qui n’ont pas pardonné la mort de Jeanne d’Arc, ceux qui regrettent la perte du Québec, ceux qui ruminent encore Waterloo et tous les supporters des équipes de France de rugby et de football ne seront sans doute pas de chauds partisans d’un roi pareil. On comprend mal comment les nationalistes pourraient accepter ça. Remarquez qu’être nationaliste (donc adepte d’une idéologie née de la Révolution) et être royalistes sont deux choses nécessairement antithétiques. Et puis, pourquoi la France devrait-elle suivre en matière de succession un traité international que plus aucune des parties ne respecte dans cette matière ? Serions-nous un peuple de Cauchon acceptant le Traité de Troyes, condamnant Jeanne et reniant Charles VII ?
L’anglais ne respecte plus Utrecht au moins depuis 2013 puisqu’il a abandonné la préférence masculine et autorisé des descendants de catholiques à succéder. On pourrait même remonter à l’abdication d’Edouard VIII. Jamais les anglais ne nous ont demandé notre avis, ni consultés de quelques manière que ce soit pour cela malgré les engagements communs pris à Utrecht sur la question de la succession britannique. Pour l’Espagne, la Pragmatique Sanction qui est revenu au système des partidas et annulé la loi salique, viole Utrecht, les espagnols ont chassé deux fois les Bourbons, Buonaparte y a imposé son frère, les Cortes ont appelé un étranger, issu de la maison de Savoie sur le trône et Franco a reconnu un renoncement imposé dans le privé par un roi déchu à un fils diminué en choisissant Juan-Carlos (il a même effacé son père don Juan pour sauter une génération) et bientôt la primogéniture absolue arrivera, vous verrez. La pragmatique sanction en revenant à l’état des règles successorales à Utrecht montre le peu de cas qu’on en faisait moins de 100 ans après la conclusion du traité.
De tout cela résultera une instabilité dans l’ordre politique car un roi Orléans sera moqué, renié, critiqué et dénoncé pour toutes ces causes et n’aura pas besoin des légitimistes pour le faire. Tous les indécis, les républicains, les sans-opinions affirmées, les philosophes de comptoirs, les politiciens intermittents du repas du soir devant le 20h (c’est-à-dire nous tous quand nous commentons l’actualité) ne cesserons pas de rabâcher tout cela. La couronne ne sera pas respectée, le roi ne sera pas respecté, les lois du roi ne le serons pas non plus et la France sera la risée du monde. Et puis, même si nous n’avions qu’un roi à la mode suédoise, espagnole ou belge d’aujourd’hui plutôt que le roi fort que le droit naturel réclame, ce serait politiquement désastreux.
Un roi pourquoi faire ? Pour supprimer le caractère démagogique et centré sur l’élection présidentielle de la politique française, pour casser les manigances des ambitieux, pour que l’autorité morale, l’arbitrage national, la représentation du pays, l’incarnation charnelle de la Patrie et la garantie de la continuité de l’Etat soit hors du jeu des calculs, des ambitions et des trahisons de la politique ordinaire. Or, au vu de tout ce que j’ai rappelé et de tout ce que vous savez des critiques adressées aux Orléans, comment voulez vous qu’ils incarnent sérieusement tout cela et que les Français les adoptent comme tels ? Si les pouvoirs du Roi sont importants, comment pourraient-ils être valides avec un détenteur sans légitimité ? Ce Roi qui aurait pris la couronne par la violence faite au droit, par le viol des Lois Fondamentales, par la force de l’ignorance de la légitimité dynastique, serait à bon droit appelé un tyran car par toutes ces fautes, il en serait la définition même.
Voilà, notre conviction et voilà pourquoi nous, rédaction de Vexilla Galliae, récusons l’idée qu’il faut refaire la monarchie d’abord et choisir le roi ensuite. Nous respectons ceux qui pensent cela, même s’ils sont dans l’erreur, car leurs intentions sont bonnes et inspirées par la parole de l’Eternel : « Je ferai d’eux une seule nation dans le pays, dans les montagnes d’Israël; ils auront tous un même roi, ils ne formeront plus deux nations, et ne seront plus divisés en deux royaumes. ». Cependant, discuter de la personne du Roi, proposer de choisir le Roi, prétendre attendre que Dieu désigne le Roi, tous ces comportements, toutes ces idées sont flétries du sceau du blasphème et de l’ignorance. Les Lois Fondamentales désignent le Roi sans discussion, sans parti pris, le Roi est déjà choisi par elles et comme elles procèdent de Dieu il n’est pas convenable qu’un chrétien imagine qu’il puisse revenir sur son choix ou le cacher en attendant on ne sait quoi.
Louis de Lauban