La religion catholique à la lumière du soleil levant. La religion universelle est-elle monothéiste ?
Il est de bon ton de regarder de haut, lorsque l’on est chrétien, les polythéismes, dans une verve toute moderne : celui qui se fait traiter d’obscurantiste par les illuminés traite à son tour d’idolâtres ceux qui n’ont pas sa foi. Une variante un peu moins méchante tend à regarder les animistes comme des genres de benêts un peu primitifs, mais qui ont ce côté d’indiens sympathiques en communion avec la nature. Ils demeurent toutefois des gentils, au sens le plus péjoratif du terme.
Le shinto, la voie des dieux nippone, est perçu soit comme un polythéisme soit comme un animisme, selon le degré de sollicitude du juge auto-proclamé.
Face à cela, il est admis que la religion catholique – soit universelle – est évidemment un monothéisme, de toute transcendance, qui est aux cotés des deux autres gros monothéismes que sont celui des juifs et celui des mahométans.
Qu’en est-il pourtant en réalité ? Quelque chose gène foncièrement, dans ces discours faisant des catholiques des monothéistes. Et la Trinité alors, est-ce du vent ? Selon le canon de toute éternité de la Sainte Église, la Trinité est composée des trois éléments tout à fait distincts. Nous avons donc a minima trois personnes divines, si l’on veut être exact, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. On rétorquera qu’ils ne font qu’un et qu’ils sont en relation les uns aux autres. D’accord, et alors ? aurait-on envie de dire. Ils sont tout aussi trois, c’est comme cela. On nomme cet ineffable un mystère. Qui a dit, d’ailleurs, que dans un polythéisme, les dieux ne sont ni en relations, ni ordonnés ? Cela est bien mal connaitre lesdits polythéismes. Une seule substance divine, que nous appelons Dieu, peut très bien s’exprimer en diverses divinités, diverses personnes divines, que l’on pourrait appeler Père, Fils et Saint-Esprit, et se refléter en de nombreuses autres unités, qui peuvent être en communion et en lien, en demeurant distincts, tels les Saints, les Anges, et aussi plus simplement tout ce qui existe dans ce monde et qui se trouve irrémédiablement mêlé au divin, de façon plus ou moins grande et pure, certes, mais relié tout de même.
Quelle volonté protestante de vouloir réduire notre monothéisme trinitaire à un monothéisme mahométan ou hébraïque, qui oublie que Dieu est aussi dans ce monde ! Et les idoles ? Et le premier commandement, dira-t-on ? Là est l’apport, ou peut-être plutôt le rétablissement de la primitive intuition, selon laquelle si la substance divine que nous appelons Dieu est une, elle est aussi multiple dans son efficacité, dans sa pratique et sa nature. Nous ne pouvons pas comprendre, puisque c’est un mystère, mais la Trinité catholique rappelle bien sans cesse que Dieu est aussi trois, ce qu’avait peut-être oublié le peuple juif en partie.
Jésus n’est pas arrivé en Palestine pour rien, c’est que cet endroit du monde devait en avoir bien plus besoin que les autres parties de la planète.
Les idoles de la Bible sont coupables non pas parce qu’ils sont polythéistes mais parce que sous couvert d’une sorte d’anarchisme polythéiste, ils penchent vers le matérialisme et l’oubli de Dieu. Ce qui est condamnable est de prendre un veau d’or pour Dieu, comme si Dieu pouvait se saisir physiquement, là où le matériel n’est au mieux qu’un reflet, voire un support, voire une consubstantiation, mais ni la source, ni la fin, ni le moteur. En cela, la religion romaine devait aussi bien être décadente.
Rien de cela au Japon. Ici qui dit religion dit même combat. Aucune idoles ni dans le Shinto ni chez les fidèles de Bouddha, seulement des chemins de vérité aussi. Ils peuvent être moins lumineux, plus mêlés, mais une vérité est une vérité, quelle que soit la bouche qui l’énonce.
Ici au Japon, tout serviteur du divin, peu importe sa religion, sait que les idoles du siècle sont nos –ismes, nos médias, idéalisme et matérialisme, qui sont le champ du mal, du péché, de la souillure, de l’attachement, plutôt que le bien, la vertu, la pureté ou le lien. Les religions peu atteintes par le culte des idoles se méfient d’ailleurs des monothéismes, comme déjà une sorte de cheval de Troie des idoles. Sauf la Sainte Église traditionnelle qui est à cent lieues de ces transcendances désincarnées, de ces monothéismes univoques amenant matérialisme et idéalisme répandu par la Révolution dans l’Occident, puis par la Colonisation dans trop de parties du monde.
Ce qui glace le dos en Républicanie parasite de la France est que ce culte des idoles est entré dans la Sainte Église sans que les voix qui s’affolaient de cette percée tragique ne soient écoutées.
Si rien n’est ni tout blanc ni tout noir, certaines choses sont bien plus noircies que d’autres qui restent claires. Ne nous trompons pas d’idoles, et ne croyons pas pouvoir décider, dans l’hybris la plus totale et une morgue révolutionnaire, que Dieu est ceci ou cela, et que la religion universelle est univoquement monothéiste. La Trinité, vivons toujours la Trinité. Évitons ces –ismes mortifères bien réducteurs. On peut être un mais aussi être trois, du moins pour le divin. Et nous sommes liés au divin. Les deux termes de l’affirmation n’ont que l’apparence de la contradiction. Pour Dieu, 1=3, en un sens mystérieux.
Paul-Raymond du Lac
Pour Dieu, Pour le Roi, Pour la France