La Droite impossible
Les éditions de Chiré viennent de publier le dernier livre politique d’Yves-Marie Adeline, La Droite impossible, qui reprend l’idée de La Droite piégée, paru chez Communication & Tradition, en 1996, et réédité par Sicre, en 2003 ou 2004, dans sa belle collection bleu roi.
Est-ce le remaniement, plus clair, plus fin, de la première version – trois parties bien identifiées et de multiples sous-titres explicites – qui rend de piégée, la Droite impossible ? Sans doute. Dans la première version, la Gauche était à la conquête de la Droite, qui tentait, comme le cave, de se rebiffer et prendre la clef des champs, tandis que désormais la Gauche est propriétaire du régime, la Droite son locataire, ce qui place la Gauche dans l’air du temps et oblige la droite à penser comme la gauche. Autant dire avec Marie-France Garaud et Yves-Marie Adeline que la Droite n’existe plus. Et ce ne sont pas les rodomontades de messieurs Fipé et Coillon qui les démentiront.
Mais rappelons : un, que le citoyen, dit de droite, ne peut finalement être qu’une sorte d’inconscient, puisqu’il admet aujourd’hui ce qui était inconcevable pour un sujet de Louis XVI, qui ne savait pas d’ailleurs qu’il était royaliste : la prise de la Bastille et son corollaire actuel la « fête nationale » du 14 juillet, la Marseillaise, entonnée comme un seul homme au Front national, comme ailleurs, dans ces partis de gouvernement, tous devenus des faire-valoir de la Gauche. Enfin, sous prétexte que tant de Français sont morts dans les guerres républicaines, il s’offusquera si l’on met en doute la légitimité du drapeau tricolore… C’est dire que l’homme de droite est piégé par le sens de l’Histoire, invention et propriété de la Gauche, et donc par la République.
Comme dit l’auteur : « la droite n’est pas piégée, car pour être piégée, encore faudrait-il pouvoir s’introduire dans le système ; c’est pire que cela, la droite est impossible, car elle est incompatible avec le système. ».
Deux. La Gauche a besoin de la Droite pour faire oublier son incompétence (dans le domaine économique) et son idéologie, qui veut changer l’homme, ou le peuple, pour les rendre plus conformes à ses vues. Dans le domaine sociétal, surtout, toute conquête de la Gauche semble irréversible, au point que la Droite, pour paraître moins à droite, adopte, et souvent de sa propre initiative, les idées du propriétaire du régime, qui sait faire en sorte que ce soit son locataire qui prenne des décisions dans nombre de domaines, tout en œuvrant pour faire accepter comme irrémédiables des mesures comme les 35 heures, la dénaturation du mariage, en le galvaudant pour tous, ou autres avancées anciennes, telles la représentativité des syndicats ou la mainmise sur les pratiques culturelles des Français… Si donc la Droite est impossible, c’est parce qu’elle est tombée dans le piège de la Gauche. Dès le début, dès 1789, le mouvement révolutionnaire s’est gauchi, allant toujours vers la gauche, tout en annexant l’idée de démocratie au profit d’oligarchies changeantes mais toujours partisanes du toujours plus (à gauche) : la Droite imaginant modifier le cours des évènements grâce à une neutralité de la démocratie et, donc, son accession périodique au pouvoir. C’est l’alternance ou le recours à l’homme providentiel… Mais, la Droite au pouvoir occupe un système politique formaté par la Gauche : le piège est ouvert. Il se referme quand celle-ci défend ses acquis. Puis, se met en place ce qu’Yves-Marie Adeline appelle le phénomène de cliquet qui rend impossible tout retour en arrière, toute remise en cause des idées fondatrices de la Révolution.
Sauf, peut-être, pendant un temps, plus ou moins long, quand les circonstances s’y prêtent, mais un temps qui ne dure pas.
Ainsi, pour prendre un exemple d’actualité, le mariage et son contraire, le divorce. Toujours dans l’optique idéologique de la Gauche, qui pense changer l’homme, donc sa vie intime, à travers la famille, le mariage et l’éducation des enfants, le divorce des couples mariés est obtenu dans les premières années de la Révolution, le 20 septembre 1792 ; aboli sous la Restauration, par la Chambre introuvable, le 8 mai 1816, réinstauré par la Troisième République le 27 juillet 1884, avec encore quelques contraintes, et, depuis, périodiquement facilité en modifiant les règles qui l’autorisent, au point désormais de vouloir supprimer ce qui le motive à travers des formules nouvelles comme le pacs ou le mariage pour tous, sans que, pour ces dernières formules, il soit prévu quoi que ce soit en guise de pérennité…
« Quel que soit le moyen utilisé : par l’élection, par le coup de force, par la démocratie ou par la dictature, la Droite, arrivée au pouvoir, a dû par la suite laisser la place au propriétaire légitime du système… Elle est appelée au pouvoir quand la Gauche a semé le chaos, menace de tout détruire et de se détruire elle-même… Quand la Droite a rétabli l’ordre, elle revient ». Personne ne crie Au secours ! « C’est ainsi que la Droite est le meilleur auxiliaire pour assurer la pérennité du pouvoir de la Gauche. »
Un sous-titre de la troisième partie, par sa formulation à rebours, est assez éclairant : « Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt l’homme, c’est l’homme qui corrompt le pouvoir ». C’est la Gauche dans l’air du temps.
La Droite est donc impossible. Le sera-t-elle toujours ? « Jusqu’à présent, l’histoire du clivage droite-gauche a toujours parlé dans ce sens, dans le même sens, au point qu’on a fini par croire en un sens de l’Histoire elle-même. En théorie, ce sens unique n’existe pas. Dans la pratique, il est bel et bien là, inexorable, allant de la droite vers la gauche, de sorte que la Droite d’hier n’existe plus, que la Gauche d’hier est devenue la Droite d’aujourd’hui, et que la Gauche d’aujourd’hui sera la Droite de demain. »
Et l’ouvrage se clôt sur ces mots. Sans solution républicaine…
Yves-Marie Adeline, La Droite impossible, éditions de Chiré, 2012, 105 pages, 14 euros. www.chire.fr
Gérard de Villèle.
Le Lien légitimiste nº 48