Sermon sur les reliques à la lumière du Livre des Juges

À l’occasion de la Toussaint, il est une tradition d’exposer les reliques des Saints à la dévotion des fidèles, pendant une semaine environ. Puisque nous sommes en cette semaine, je vous parlerai aujourd’hui des reliques des saints à travers le chapitre 19 du Livre des Juges dans la Bible. Ce livre est un livre historique. Cela signifie que l’histoire rapportée dans ce chapitre s’est réellement produite. C’est une histoire horrible, mais le sens spirituel qu’elle contient est très significatif et propre à favoriser notre dévotion aux saints.

L’histoire du Lévite d’Éphraïm

Un Lévite de la tribu d’Éphraïm avait épousé une femme de la tribu de Juda. Celle-ci lui fut infidèle et retourna chez ses parents. Quatre mois plus tard, pour se réconcilier avec sa femme, le Lévite alla lui rendre visite. Il fut bien accueilli par sa femme et ses beaux-parents. Et après un certain temps, la réconciliation fut totale. Le Lévite et sa
femme décidèrent alors de retourner chez eux. Le voyage fut long. Au milieu de la nuit, ils atteignirent la ville de Gabaa de la tribu de Benjamin. Le Lévite ne savait pas que les habitants, bien que juifs et membres du peuple élu, étaient des gens pervertis. Ils étaient aussi corrompus moralement que les habitants de Sodome et Gomorrhe. Le couple a reçu l’hospitalité d’un vieil homme, un étranger qui vivait là. Alors qu’ils mangeaient dans la maison du vieil homme, une foule de gens pervers entourèrent la maison et menacèrent le vieil homme en lui disant : « Fais sortir l’homme qui est entré chez toi, afin que nous l’abusions. » Le vieillard essaya de résister et de les dissuader de commettre une telle abomination, mais en vain. Finalement, le Lévite livra sa femme à la foule et l’abandonna à leurs outrages (Ju 19, 25). La pauvre femme fut tellement maltraitée qu’elle mourut au matin.

Le Lévite prit alors le cadavre de sa femme, rentra chez lui, prit un couteau, coupa le cadavre en 12 morceaux et les envoya aux 12 tribus d’Israël en les informant de ce qui s’était passé. Bien sûr, à la vue des morceaux du cadavre et à l’écoute du terrible récit, tout le monde fut choqué. Les gens étaient tellement indignés qu’ils décidèrent de mener ensemble une guerre punitive contre la tribu de Benjamin, et ils la vainquirent complètement. Voici en résumé l’histoire.

Il est évident que si l’Église a conservé cette horrible histoire dans la Bible, c’est parce qu’il s’y trouve un enseignement spirituel. Rappelez-vous les paroles de saint Paul : « Tout ce qui est écrit a été écrit pour notre instruction, afin que, par la patience et par la consolation que donnent les Écritures, nous possédions l’Espérance. » (Rm 15 ; 4). Les Pères de l’Église nous ont livré le sens spirituel de cette histoire.

Le sens spirituel de l’histoire

Le Lévite est une image de Dieu et la femme une image de la nation juive. De même que le Lévite contracta un mariage avec sa femme, ainsi Dieu contracta une alliance spéciale avec Israël. De même que la femme fut infidèle à son mari et retourna chez ses parents, ainsi les Juifs ont été infidèles à Dieu et sont retournés chez leur père, c’est-à-dire le démon. En effet, Notre Seigneur Jésus a dit aux chefs des Juifs : « Vous avez le diable pour père, et vous voulez accomplir les désirs de votre père » (Jn 8 ; 44).

Cependant, de même que le Lévite continua d’aimer sa femme et alla la chercher au pays de Juda pour la ramener chez lui, ainsi Dieu continua d’aimer le peuple juif et la deuxième personne de la Sainte Trinité descendit du Ciel sur terre, à Bethléem de Juda, pour ramener les Juifs à l’amour de Dieu. De même que le Lévite reconquit l’amour de sa femme et la ramena vers sa maison, ainsi Notre Seigneur Jésus implanta un amour divin dans le cœur de ses apôtres et de ses disciples ; Il fonda sur eux l’Église catholique, qui Lui est une Épouse mystique et sans tâche, et Il la conduit vers chez Lui, c’est-à-dire au Ciel.

De même que les habitants corrompus de Gabaa voulurent s’emparer du Lévite et l’outrager, mais ne purent le faire, ainsi tous les ennemis du Christ, tout au long de l’Histoire, se sont attaqué au Christ, ont tenté de salir sa réputation, de déformer son enseignement, mais ils n’ont pu y parvenir. De même que le Lévite abandonna sa femme aux mains des pervers de Gabaa, ainsi le Christ s’en est retourné au Ciel, abandonnant apparemment son épouse mystique, l’Église, à ses ennemis. En effet, tout au long de l’Histoire, les chrétiens durent endurer de nombreuses persécutions, ils ont été torturés, maltraités, tués de multiples façons.

De même que le lévite coupa en morceaux le cadavre de sa femme et envoya ces morceaux dans tout Israël pour inciter les gens à se mobiliser pour faire justice du crime commis, ainsi Notre Seigneur Jésus, par l’intermédiaire de ses ministres sur terre, a divisé les corps de ses saints en morceaux, et les a envoyés dans le monde entier. Ces reliques de saints témoignent de la méchanceté des ennemis du Christ, elles incitent tous les catholiques du monde à se mobiliser pour défendre le Christ et son enseignement, jusqu’à la mort s’il le faut.

À ce propos, il est bon de se rappeler ce que saint Athanase disait aux catholiques de son époque, quand l’hérésie de l’arianisme dévastait l’Église. Ses paroles s’appliquent à nous qui sommes confrontés à la terrible hérésie du modernisme détruisant l’Église de l’intérieur. « Le malheur de ce Lévite parait peu de chose, écrit-il, si nous le comparons aux calamités qui affligent actuellement l’Église. Celles-ci sont telles que l’on n’a jamais rien entendu de pareil ; personne n’a jamais enduré des maux semblables. Alors en effet, il n’y eut qu’une femme accablée d’outrages et un seul Lévite atteint ; maintenant c’est toute l’Église qui est frappée, c’est tout l’ordre sacerdotal qui est meurtri. Alors chaque tribu ne vit qu’un lambeau de la femme assassinée, et elle frémit d’indignation : aujourd’hui ce sont tous les membres de l’Église universelle que vous voyez déchirés… Dressez-vous donc, je vous en prie, vous aussi, comme si l’injustice subie par quelques-uns vous avait tous atteints. Et que chacun, comme s’il avait été lésé lui-même, se hâte de nous secourir, de crainte que les saints canons et la foi de l’Église ne coulent jusqu’au fond » (Epistola Encyclica).

De même que saint Athanase avait besoin de l’aide de tous les catholiques pour le soutenir dans sa défense de la foi catholique contre l’arianisme, de même nous avons désormais besoin de tous les catholiques pour nous soutenir dans la défense de la foi catholique contre le modernisme qui ronge actuellement l’Église.

Conclusion

Chers fidèles, les reliques des saints ont sur nous le même effet que le cadavre de la femme du Lévite sur les Israélites. Elles éveillent dans notre cœur une sainte soif de la justice, c’est-à-dire d’abord de faire pénitence pour nos propres péchés et ensuite de défendre les droits du Christ dans nos sociétés. Les reliques nous rappellent ce que les
saints ont fait et enduré pour l’amour du Christ, et nous encouragent à suivre leur exemple. En outre, les saints intercèdent tout particulièrement pour les personnes et les lieux où leurs reliques sont conservées et honorées. Voici ce que disait Théodoret, un évêque catholique du Ve siècle : « Les âmes courageuses des triomphateurs se meuvent à l’aise dans le ciel, mêlées aux chœurs des Anges ; pour leurs corps, ils ne sont plus cachés chacun dans son tombeau, mais des villes et des villages se les sont partagés… Oui le corps est divisé, mais indivise reste la grâce; et si petit, si menu qu’en soit le résidu, il détient la même vertu que le martyr avant qu’il soit partagé » (Discours sur les Martyrs).

Que les saints du ciel intercèdent spécialement pour nous et pour le développement de la foi catholique au Japon et en France.

Amen.

Un prêtre missionnaire au Japon