Sermon sur la colère et ses désordres
Dans l’épître d’aujourd’hui, St Jacques nous dit : « Que tout homme soit… lent à se mettre en colère, car la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu… recevez avec douceur la parole entrée en vous qui peut sauver vos âmes. » (Jc 1;21). À travers ces paroles, St Jacques nous met en garde contre les trois désordres de la colère. Je parlerai donc aujourd’hui de la colère et de ces trois désordres.
La colère dans la nature humaine, selon le plan de Dieu
Dieu nous a créé pour établir avec nous une relation d’amour. Il nous a créé en conséquence avec une volonté libre qui nous permet de choisir de L’aimer et de vivre selon ses Commandements. Dieu a créé aussi, dans notre nature humaine, une force sensible dont la fonction est de renforcer notre volonté contre tout ce qui s’oppose à l’amour de Dieu et à l’obéissance à ses Commandements. Cette force sensible s’appelle la Colère. Nous la ressentons quand quelque chose s’oppose à notre volonté.
La colère n’est pas une mauvaise chose en soi, et c’est pourquoi St Jacques n’interdit pas de se mettre en colère. La colère fait partie de notre nature humaine telle que Dieu l’a créée. C’est une force qui nous aide à vaincre nos tentations et nos mauvais penchants, une force qui nous aide à faire respecter la justice et à réprimer ce qui est contraire aux Commandements de Dieu, une force qui nous aide à venger l’honneur de Dieu attaqué par les injures et les blasphèmes. Si nous utilisons la colère pour ces but-là, de façon proportionnée et raisonnée, notre colère est une bonne chose et elle est fort utile.
Dans le Psaume 4;5 le St Esprit dit : « Mettez-vous en colère et ne péchez pas », ce qui veut dire : « Mettez-vous en colère contre vos défauts, corrigez-vous et cessez de pécher», ou bien « Mettez-vous en colère contre les injures faites à Dieu et faites cesser ces péchés».
Dans la Bible, nous lisons que plusieurs fois Moïse se mit en colère contre les Hébreux à cause de leur ingratitude et désobéissance à Dieu. Notre-Seigneur Jésus Christ Lui-même chassa avec colère les vendeurs qui déshonoraient le temple de Dieu. Ces colères, parfaitement maîtrisées et proportionnées aux désordres à réprimer, venaient de leur charité, de leur amour pour Dieu et pour les pécheurs qu’il fallait corriger. C’était de saintes colères. En ce qui nous concerne, malheureusement, depuis le péché originel, nous avons bien du mal à user comme il faut de la colère. C’est pourquoi nos colères sont très souvent, presque toujours peccamineuses.
Quand St Jacques nous dit d’être lents à la colère, que la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu, et qu’il faut recevoir avec douceur la Parole entrée en nous, c’est-à-dire Notre-Seigneur Jésus le Verbe Incarné, non seulement il nous met en garde contre les trois désordres de la colère, mais aussi il nous en indique les remèdes.
Le premier désordre de la colère
St Jacques nous dit d’être lents à la colère. En disant cela, il nous met en garde contre le premier désordre de la colère qui est la colère irrationnelle, la colère qui éclate et submerge notre raison. La colère n’est plus alors un instrument que nous maîtrisons et utilisons pour vaincre un obstacle, c’est elle qui nous maîtrise et nous fait faire n’importe quoi : des gestes désordonnés, des cris, des paroles précipitées et incohérentes, et surtout des décisions insensées avec des conséquences parfois dramatiques. Ainsi que le dit Dom Jean de Monléon : « Que de crimes, que de meurtres, que de massacres ont eu pour cause un emportement non réprimé ! Et dans la vie quotidienne, qui dira le nombre des amitiés brisées, des situations compromises pour quelques mots violents que l’on n’a pas su étouffer ? » (Les instruments de la perfection).
Contre ce désordre de la colère, St Jacques nous dit d’être lents. Cela signifie qu’il ne faut pas dire un mot de ce qui nous irrite tant que que nous ne maîtrisons pas parfaitement notre colère, et il ne faut pas prendre de décision tant que la colère trouble notre raisonnement. Pour apaiser la colère qui nous submerge, il faut d’abord prier. Notre faiblesse humaine est telle que sans l’aide de Notre-Seigneur, nous ne pouvons résister aux tempêtes de la colère. Et dans nos prières, il faut surtout invoquer avec une pieuse insistance les Saints Noms de Jésus et de Marie. Ces deux Noms sont des baumes spirituels qui apaisent l’âme. Ensuite, il faut réfléchir à tous les désagréments que nous aurons à subir si nous nous laissons aller à des paroles ou gestes de colère. Pensez par exemple aux moments pénibles en famille ou au travail qui font suite à ces mauvaises colères.
Le deuxième désordre de la colère
St Jacques nous dit ensuite que « la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu ». En disant cela, il nous met en garde contre le deuxième désordre de la colère qui est le désir désordonné de la vengeance.
La vengeance est une bonne chose en soi. Elle consiste à rétablir la justice là où elle a été violée, à réparer les désordres et punir les coupables. La vengeance appartient donc à la vertu de justice. Mais Dieu se l’est réservée à Lui-même, comme Il le dit dans la Bible : « À Moi la vengeance, et c’est Moi qui rendrai en son temps ce qui est dû » (Deut 32;35). Dieu ne délègue son droit de vengeance qu’aux pouvoirs publiques légitimes qui représentent son autorité. Dieu nous interdit la vengeance privée. Pourquoi cela ? Parce que habituellement les sentiments d’orgueil blessé, d’amertume et de haine qui s’éveillent en nous lorsqu’on nous a fait une injustice nous fausse le jugement et nous empêchent d’exercer une juste vengeance. De plus, nous sommes tous pécheurs, nous sommes tous coupables d’avoir offensé notre prochain ; nous sommes donc bien mal placés pour exercer la vengeance contre ceux qui nous ont offensés.
Contre ce désordre de la colère, St Jacques nous renvoie à la justice de Dieu. C’est Dieu, et Dieu seul qui fera vengeance. À nous, Notre-Seigneur commande le pardon des offenses. Il nous fait prier Dieu ainsi : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ».
Nous pouvons bien sûr faire appel aux autorités légitimes, représentantes de l’autorité de Dieu, pour que justice nous soit rendue, mais en dehors de cela, il faut laisser à Dieu l’exercice de toute vengeance. Ainsi fit David envers Saül qui cherchait le tuer. David lui dit: « Que le Seigneur soit juge entre vous et moi. Que le Seigneur me venge Lui-même de vous ; mais pour moi je ne porterai jamais la main sur vous » (1Rois 24;13).
Le troisième désordre de la colère
St Jacques nous dit enfin de recevoir avec douceur le Verbe Incarné, Notre-Seigneur Jésus. En disant cela, St Jacques nous met en garde contre le troisième désordre de la colère qui est l’irascibilité ou irritabilité, c’est-à-dire l’état de ceux qui se mettent en colère à tout propos, pour des riens.
Cette irascibilité, c’est la colère en tant que péché capital. Elle n’est pas un péché actuel, mais elle est une mauvaise inclination de caractère qui nous entraîne à beaucoup de péchés si nous ne la corrigeons pas. L’irascibilité nuit gravement au développement de la charité dans l’âme. De la charité envers Dieu, car l’irascibilité nous met dans un état de révolte quasi-permanente contre la Providence Divine. Ensuite de la charité envers le prochain, car l’irascibilité rend conflictuels la plupart de nos rapports avec les autres.
Contre ce désordre de la colère, St Jacques nous dit d’apprendre la vertu de douceur à l’école du Sacré-Cœur de Jésus. Jésus nous a dit : « Bienheureux ceux qui sont doux car ils posséderont la terre » (Mt 5;4) ; et aussi : « Prenez Mon joug sur vous, et recevez Mes leçons, parce que Je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. » (Mt 11;29). L’esprit Chrétien est un esprit de douceur. Suivant l’exemple de Jésus, surtout pendant sa Passion, il nous faut apprendre à supporter sans amertume et avec humilité les reproches, critiques, plaisanteries et manques d’égards. Il nous faut apprendre à fixer notre cœur en Dieu de telle sorte à ne pas se laisser troubler par les contrariétés de cette vie. Est-ce que « douceur » signifie « faiblesse » ? Pas du tout. Aucun homme ne fut jamais plus doux que Notre-Seigneur Jésus, et personne ne fut jamais aussi fort que Lui dans l’accomplissement de son devoir et dans la souffrance. Aucune femme ne fut jamais plus douce que la Vierge Marie, elle que l’Église appelle dans l’Ave Maris Stella la «Vierge incomparable, douce en toutes», et pourtant elle était debout au pied de la Croix le Vendredi Saint.
Conclusion
Chers Fidèles, mettons donc en pratique l’enseignement de St Jacques. Soyons lents à la colère ; pardonnons du fond du cœur à ceux qui nous ont offensés ; et efforçons-nous d’imiter courageusement la douceur du Sacré-Cœur. Amen.
Un prêtre missionnaire