Sermon sur la charité due à notre prochain

Comment devons-nous nous aimer les uns les autres ? Quel amour Notre Seigneur Jésus veut-il voir parmi nous ? Et pourquoi cet amour est-il la marque particulière des disciples de Jésus ? Ce sont les questions auxquelles je répondrai aujourd’hui.

I – Aimer son prochain comme soi-même : signification

Notre Seigneur Jésus dit que nous devons nous aimer les uns les autres, et il nous dit comment : « comme je vous ai aimés ». Mais là, nous pouvons être un peu perdus. En effet, ailleurs dans l’Évangile, Jésus nous dit « d’aimer notre prochain comme nous-mêmes » (Mt 22, 39). Et ailleurs, il nous dit qu’il faut se haïr soi-même : « Si quelqu’un vient à moi et ne hait pas son père et sa mère, sa femme et ses enfants, ses frères et ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple » (Lc 14, 26). Ces déclarations de notre Seigneur semblent contradictoires. Comment devons-nous nous
aimer les uns les autres ?

Pour répondre à cette question, nous devons d’abord faire une distinction à notre propre sujet. Depuis le péché originel, nous devons à la fois nous aimer et nous haïr nous-mêmes. Nous devons nous aimer en tant que créatures de Dieu, faites à son image et à sa ressemblance et destinées à Le voir face à face et à partager sa vie éternelle. En bref, nous aimer nous-mêmes, c’est aimer Dieu en nous. Au contraire, nous devons nous haïr nous-mêmes en tant que nous opposant à Dieu, c’est-à-dire haïr notre volonté propre qui s’oppose à la volonté de Dieu. Nous devons haïr nos propres péchés et tout ce qui en nous nous détourne de Dieu. En bref, nous haïr nous-mêmes, c’est haïr en nous tout ce qui n’est pas de Dieu.

Ainsi, lorsque le Christ dit que nous devons aimer notre prochain comme nous-mêmes, il veut dire que nous devons aimer Dieu dans notre prochain comme nous L’aimons en nous-mêmes. Nous devons désirer le salut éternel pour notre prochain comme nous le désirons pour nous-mêmes, et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir dans ce but. Mais Jésus veut que nous fassions plus. Il a dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Notre point de référence et notre modèle est donc, c’est l’amour de Jésus. Or quel a été l’amour de Jésus pour nous ?

II – Aimer son prochain : quelques caractéristiques

Aimer, ce n’est pas d’abord d’éprouver des émotions sentimentales, mais essentiellement de vouloir du bien à quelqu’un. L’amour est d’abord un acte de volonté, pas une émotion. Les émotions peuvent aller de pair avec l’acte de volonté, mais pas nécessairement. Par exemple, souvenez-vous de Jésus lorsque son ami Lazare est mort : Jésus a pleuré. Son amour était accompagné d’émotions. Mais souvenez-vous aussi de Jésus au jardin des Oliviers pendant son agonie. Son amour pour nous n’était pas du tout émotionnel. Il transpirait du sang, tant son angoisse était intense à la vue de tout ce qu’il allait souffrir pour notre salut. Mais avec toute la force de sa volonté, il a prié : « Père, si Vous voulez, éloigne de moi ce calice ; cependant que ce ne soit pas ma volonté, mais la vôtre qui se fasse » (Lc 22,42). L’amour de Jésus était dans sa ferme résolution de nous sauver, bien qu’une telle résolution le fit énormément souffrir dans sa sensibilité.

Deuxièmement, aimer notre prochain ne signifie pas être d’accord avec tout ce qu’il dit et fait, mais au contraire c’est l’aider à éviter du mal et à faire le bien. Souvenez-vous par exemple de Notre Seigneur Jésus chassant les vendeurs du temple. Il les aimait, et c’est parce qu’Il les aimait et voulait leur salut éternel qu’il les a fait cesser leur activité peccamineuse. Rappelez-vous également les paroles fortes que Jésus adressa à saint Pierre lorsque celui-ci essayait de le dissuader de souffrir sa Passion. Jésus aimait saint Pierre, mais Il lui a dit : « Retire-toi, Satan : tu m’es un scandale » (Mt 16, 23). Rappelez-vous aussi comment Jésus traita les Pharisiens : « hypocrites… guides aveugles… insensés et aveugles… serpents et race de vipères… » (Mt 23). Jésus aimait les Pharisiens et voulait leur salut éternel. Mais ils étaient tellement endurcis dans leur péché, que Jésus dût dénoncer avec force leur méchanceté dans l’espoir de les faire sortir de leur péché.

Troisièmement, aimer son prochain signifie rechercher le bien de son prochain sans chercher à son avantage personnel. L’amour du Christ pour nous était un amour de bienveillance suprême, prêt à mourir pour notre salut. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13). Rappelez-vous que Jésus n’était pas obligé de mourir pour nous. Son amour pour nous n’était pas non plus motivé par nos mérites antérieurs. Son amour pour nous n’est pas la conséquence du bien que nous lui aurions fait ; au contraire, nous étions ses ennemis (cf. Rm 5,10). Ainsi, lorsque Jésus nous dit « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », il nous commande d’avoir un amour de bienveillance envers tout le monde, même envers les personnes qui nous ont fait du mal, même envers nos ennemis.

Notre amour doit être tel que nous devons être prêts à mourir physiquement s’il le faut pour le salut éternel de notre prochain. Rappelez-vous l’exemple de saint Maximilien Kolbe lorsqu’il prit la place d’un homme condamné à mourir de faim dans un camp de prisonniers. Il décida de mourir physiquement pour aider cet homme et d’autres prisonniers à sauver leur âme.

III – La charité est la marque particulière des disciples du Christ

Considérons maintenant cette phrase de Notre Seigneur Jésus : « C’est à cela que tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres ». Pourquoi la charité entre nous est-elle la marque spécifique par laquelle nous sommes reconnus comme de vrais disciples du Christ ? La réponse est simple. Nous ne pouvons pas aimer notre prochain comme Jésus l’a fait sans la grâce sanctifiante et la vertu surnaturelle de charité que Jésus seul peut nous donner.

Soyons honnêtes : l’homme et la femme parfaits n’existent pas. Nous sommes tous affectés par le péché originel et nos péchés personnels. Il nous est difficile de supporter les défauts des autres, et il est difficile pour les autres de supporter nos propres défauts. Tout le monde ne sont pas nos amis ; toutes sortes d’injustices et de méchanceté nous arriver pendant notre vie.

Si donc notre intelligence n’est pas fortifiée par la vertu surnaturelle de la Foi, comment pouvons-nous considérer nos ennemis comme des créatures de Dieu, rachetées par le Sang du Christ et appelées à la vie éternelle ? Si notre volonté n’est pas fortifiée par la vertu surnaturelle de Charité, comment pouvons-nous aimer sincèrement nos ennemis au point d’être prêts à mourir pour assurer leur salut éternel ? Si nous n’avons pas Jésus dans notre cœur, nous ne pouvons pas aimer notre prochain comme Jésus nous le demande.

Conclusion

Chers fidèles, en ce Jeudi Saint, souvenons-nous du commandement de la charité que nous a donné Notre Seigneur. Au-delà de nos différences de tempérament, de nos goûts et de nos dégoûts, au-delà de nos défauts et de nos misères spirituelles propres à chacun de nous, regardons ensemble vers le but commun de notre existence, c’est-à-dire la vie éternelle ; restons unis à Jésus-Christ, et en Jésus-Christ, restons unis les uns aux autres. De Notre Seigneur Jésus, de son enseignement, de ses exemples et de sa grâce, apprenons à nous aimer les uns les autres.

Un prêtre missionnaire au Japon