Chipotages
Il y avait 577 députés à l’Assemblée nationale élue en juin 2012. Depuis les débuts de la Cinquième République, c’est à peu près le même chiffre, sauf qu’au début, parmi les députés, on trouvait même des godillots… Maintenant ils ne doivent pas voter selon leur conscience : ce sont des pantouflards. C’est être du socialisme républicain et citoyen.
Début février 2013, il y a encore deux sièges vacants : la charge a été trop lourde. Ils ne sont plus que 575. Mais ne chipotons pas.
Anecdotiquement, sur le site de l’Assemblée, on tombe plus facilement sur la famille socio-professionnelle des élus que sur leur appartenance à la droite ou la gauche. Ce qui tendrait à prouver que l’une est possible et l’autre non. Mais ne chipotons pas.
Ils sont répartis en groupes, groupements et groupuscules. SRC, écolo, RRP, GDR, UMP, UDI… On peut donc être du groupe socialiste républicain et citoyen — ce qui indique qu’il y aurait la possibilité d’être socialiste sans être républicain ni citoyen — du groupe écologiste à la condition expresse de ne pas s’intéresser à l’écologie, du groupement radical républicain et progressiste — sans doute le plus tautologique de tous — du groupuscule de la gauche républicaine et même démocrate — et là, je vous laisse imaginer les autres types de gauche pas forcément républicaine ni démocrate ; comme le groupe pour l’union des démocrates et des indépendants ou l’union pour un mouvement populaire toujours en devenir… Mais ne chipotons pas.
Toutes ces désignations rassemblent, en les séparant : 15 agriculteurs, 111 cadres ou ingénieurs et 21 employés (moins gradés que les cadres et ingénieurs, mais tout aussi salariés les uns que les autres… ), 30 chefs d’entreprises, 52 enseignants et 110 fonctionnaires, huit journalistes, 91 professions libérales. Et encore 125 inclassables au point de devoir les ranger à la rubrique divers. Il faudra s’attarder un jour à en réaliser l’inventaire… Mais ne chipotons pas.
Tous se répartissent grosso modo et malgré des appellations difficilement contrôlables, 343 à gauche, 225 à droite. Sept d’entre eux ne savent pas où ils sont exactement, ils sont donc non inscrits. N’allez pas croire qu’ils soient d’un côté particulier, même si, parmi eux, vous pourrez compter la blonde Marion Maréchal-Le Pen (Divers), Jacques Bompard et Gilbert Collard (professions libérales). Mais ne chipotons pas.
Et puis non, chipotons ! Puisque la majorité, c’est cinquante-cinquante plus une voix minimum, la majorité est donc de 289 voix.
Si tout le monde s’accorde à penser que la loi Taubira en discussion est une avancée portée par la gauche ou une inconséquence pour la droite, il doit y avoir quelque chose que je n’ai pas compris. Tous les députés devraient être dans l’hémicycle, à chaque séance, pour déposer force amendements retardateurs et peaux de banane — ce matin on m’indique qu’il y en a encore 3206 à examiner — ou amplificateurs du projet (PMA pour tous, GPA pour tous, je t’aime moi non plus…) ; surtout avec la télé… où l’on aperçoit des rangs clairsemés dans les travées…
Or, donc, le premier article n’a été adopté que par 249 voix contre 97. Même à la maternelle rebaptisée, on apprendra que cet article aurait dû être adopté par 343 voix contre 225 !
Manquent quand même d’un côté 94 suffrages et de l’autre 128. Et le bruit court que même les trois députés cités plus haut n’auraient pas voté du tout ce premier article. Ni pour, ni contre… Il est vrai, mais je chipote, qu’on ne peut être à la télé, à la radio et discourir pour et contre en même temps.
Ainsi, sans chipoter, la majorité des députés n’est donc pas nécessaire pour qu’un texte de loi soit entériné. Et d’ailleurs, deux autres articles ont été adoptés avec des chiffres moindres.
Et la République, dans l’institution démocratique même qu’est le Parlement, n’est pas plus le reflet de la représentation nationale avec ses représentants absents mais rémunérés, qu’elle ne l’est vis-à-vis de ses citoyens…
Pourtant, malgré les huit journalistes-députés, la presse n’a pas remarqué que cette loi inique et anti-naturelle, n’aura aucune légitimité véritable, puisque les députés sont absents (ou à la buvette de l’Assemblée) lors des votes et que le peuple est ainsi privé de démocratie. Après les résultats du dernier référendum, dont le pouvoir républicain n’a pas tenu compte, le peuple n’a toujours pas encore la possibilité de faire entendre sa voix, sinon le 13 janvier, mais le président a un solide coup de fourchette, il avale le consistant et cela ne lui reste pas sur l’estomac.
Il existe pourtant une démocratie autre que républicaine, une démocratie sensible au Bien commun, en un mot une démocratie royale. À nous de la faire connaître. Et n’oublions pas que l’on peut revenir sur une loi comme l’avait décidé la Chambre introuvable en 1816 en abolissant le divorce, institué en 1792 avec le mariage civil. Aux bénéficiaires de se débrouiller.
Démocratiquement, l’on pourrait dire qu’ils sont négligeables… Et de toute façon, il y a des soldes sur le site de l’Assemblée.
Gérard de Villèle