Editoriaux

Un mal de l’intérieur

Ceux qui connaissent encore, ou ont connu, le travail, le travail physique, savent combien le contact avec les hommes dans des tâches rudes, combien il s’agit là d’une nourriture riche pour l’esprit. Naturellement, il y a un apprentissage des règles. Pas tant de règles techniques, mais des règles déontologiques, bien que le mot soit un peu trop théorique. Il faudrait davantage parler du respect des us et coutumes. Mais là encore l’expression semble trop forte. Plus juste serait de dire, qu’il convient de s’accorder aux habitudes de travail du meneur. Habitudes qui lui ont été transmises par celui qui fut son maître, idéalement un père, un parent proche, mais une fois de plus le mot maître apparaît trop « intellectuel ». Le meneur, le chef plus simplement dit, n’est pas ici celui qui d’abord donne des ordres, c’est celui qui donne le rythme, qui s’impose la discipline et de la sorte incite les autres à le suivre dans l’effort. S’il est chrétien, c’est un peu de la Croix qu’il porte. S’il n’a pas reçu les enseignements de L’Eglise, si la grâce ne lui a pas été donnée, c’est simplement la condition d’homme qu’il porte, à mes yeux plus lourdement, sur ses épaules, et ce avec d‘autant plus de mérite. Pour ceux qui n’ont pas vécu ce genre d’expérience dans vie réelle, le chef, c’est le CP chez les scouts, ce premier échelon fondamental de la hiérarchie.

Mais pour que dans une équipe, ou dans une patrouille, il y ait une dynamique, un enthousiasme à aller de l’avant, il faut un bon chef, mais également des bons éléments. La nature de l’homme est ainsi faite, que l’on trouve partout de ces personnes moins pourvues par le bon Dieu ou par la nature. De ces gens, qualifiés parfois de « pleureuses », sujets à l’auto compassion ou portés à remettre perpétuellement tout en question. Alors, il ne faut en aucun cas trop prêter l’oreille à ce genre d’individus, sous peine de mettre en péril le bon équilibre et le bon état d’esprit du groupe. Encore moins, on ne doit instrumentaliser ce type de personnalité, pour satisfaire à des obligations ou à des ambitions de gouvernance. Et ce qui est valable, au niveau d’une équipe de tâcherons, l’est aussi au niveau d’un pays.

La part de l’éducation est ici primordiale. Comme le paysan ne doit pas laisser proliférer la folle avoine dans ses champs de blé, et la maîtriser avant qu’il y en ait trop, le chef de famille devrait idéalement, même si cela est plus difficile, être à l‘affût des mauvaises idées, avant qu’elles n’envahissent l’esprit de sa progéniture. Car, ce qui fait un bon maçon, c’est en premier lieu d‘avoir eu un père, charpentier couvreur ou plombier, partant de bon cœur le matin travailler.

J’entends déjà me dire, qu’il y a bien longtemps que l’on ne voit plus les ouvriers partir à pied au travail en sifflotant dans les rues. Que tout cela évoque un passé révolu. Que l’école forme à présent, je dirais même formate, tous ceux et toutes celles qui ont vocation à œuvrer dans ces disciplines.               

Car le législateur a réponse à tout. Ses serviteurs nombreux, mais rarement très imaginatifs, font de lui un outil très puissant, à afficher de nouveaux objectifs, à créer de nouveaux textes qui, nourris de cette puissante mystique républicaine, sont régulièrement et rapidement mis en œuvre.

Souvenons-nous, il n’y a pas si longtemps, l’ambition clairement affichée, d’atteindre le pourcentage de quatre vingt pour cent de bacheliers par classe d’âge. Puis, quelques années plus tard, la possibilité de démarrer l’apprentissage dès l’âge de quatorze ans. Que voilà de bonnes idées !

Nous savons à présent ce qu’il en résulte. Le baccalauréat est devenu un diplôme qui n’assure même plus à son récipiendaire, la capacité d’écrire vingt lignes sans faire une faute. L’apprentissage, quelle bonne initiative, c’est qu’il fallait y penser ! Il faut reconnaître que, ces jeunes adolescents, s’ils existent, doivent être des éléments d’exception. Dans des environnements où le plus souvent, la travail n’est plus à la mode, et ce depuis longtemps, se lever aux aurores pour aller simplement apprendre à travailler auprès d’un maître d’apprentissage, à qui l’on demande souvent d’avoir fini son ouvrage avant de l’avoir commencé et qui, de facto, ne peut guère faire œuvre de pédagogie ; cela relève bien de la performance.

Force est de constater, que toutes ces expérimentations, menées d’abord « in vitro » dans les ministères, n’apportent pas les résultats escomptés.

Alors, peut-être qu’il ne fallait pas casser le moule à beurre ? Mais que vient faire le beurre dans cette « histoire », me direz-vous ?

C’est qu’il n’y a pas si longtemps, quand les campagnes vivaient encore, quand on disait volontiers d’une personne un peu ronde et rouge de figure, « elle est bien portante », avant que tout un chacun ne connaisse le rôle sclérosant pour les artères et dévastateur pour la santé, de notre ami le beurre, l’on pouvait en utiliser jusqu’à une demie-livre pour cuire un lapin. En ces temps primaires, il symbolisait la richesse dans le quotidien des gens des terroirs, et en premier lieu chez les paysans, qui n’en manquaient guère et se faisaient un peu de liquidités à le vendre au marché.

Pays, paysages, paysans. Mais aussi, artisans, bâtisseurs, tailleurs de pierre. Il ne fallait pas casser le moule à faire du beurre, à faire de la richesse, à faire des hommes.

Des hommes et des femmes qui, tant bien que mal, avaient traversé l’histoire fondé des familles élevé des enfants. Ces petites mains devant l’Eternel qui, avec des moyens de fortune, avec les matériaux trouvés sur place, avaient d’un terroir à l’autre créé des architectures singulières et durables. Utilisant au mieux la terre, pour lui faire produire, en chaque parcelle, ce qui lui convenait le mieux.

Puis, étaient venus d’autres temps, il y a plus de deux cents ans maintenant, et d’autres hommes qui déjà ne connaissaient que l’argent. Les plus intelligents d’entre eux étaient animés, de surcroît, d’une ambition plus irrationnelle. C’est qu’ils avaient la volonté de détruire, ce qui par Dieu avait été instauré. Ils possédaient déjà ce qui sur terre peut être obtenu auprès des hommes. Mais ils savaient évidemment, que jamais ils ne pourraient négocier là-haut auprès du Tout-Puissant.  

Comme l’écrit si bien Hugo :

« Oui, de leur sort tous les hommes sont las.

 Pour être heureux, à tous, destin morose !

Tout a manqué. Tout, c’est-à-dire, hélas !
Peu de chose.
Ce peu de chose est ce que, pour sa part,
Dans l’univers chacun cherche et désire:
Un mot, un nom, un peu d’or, un regard,
Un sourire ! »

Et en l’occurrence, ce qui leur manquait, c’était le nom. Pourquoi naît-on grand ou petit ?  

Ce mal de l’intérieur, cette partie de l’esprit de l’homme, de tous les hommes, à part peut-être des saints, ces mauvaises braises, que les enseignements du Christ, nous incitent à ne pas attiser, à part peut être pour chasser les marchands du Temple. La part de Mal  en chacun de nous.

Des apprentis sorciers, forts de briser ce que personne avant eux n’avait osé briser, inventèrent alors la machine à tout casser, tout ce que nous avions construit par empirisme et dans l’humilité. Et depuis lors, les choses allaient en prenant de l’ampleur, et la machine continuait sa sale besogne.

La littérature peut parfois éclairer, par le ressenti puissant de ceux qui la servent avec talent. A l’exemple d’ouvrages comme « Le blé qui lève », « La Terre qui meurt », de René Bazin, des romans certes, il y plus d’un siècle, mais tellement édifiants, et que beaucoup gagneraient à lire ou à relire.

Tout y est, tout ce qui a contribué au dépérissement de la race. Renoncement des élites, affaiblissement de l’influence de l’Eglise, syndicalisme jusque dans la ruralité où l’heure des politiciens « marchands de salades » était également venue. Déclin des valeurs de travail et d’engagement, et notamment du travail manuel concurrencé par le machinisme agricole.

Et les choses ne firent que de s’accélérer. Comme l’on ne peut à présent aller contre la loi des marchés financiers, depuis le « changement brusque et violent dans la structure politique et sociale » de la France,  définition du Larousse, la république avait instauré la vérité du progrès, que personne ou presque ne prétendait contester.

Le grand Charles, celui qui dans son jeune âge lisait l’Action Française, n’avait pas échappé à ce conditionnement. C’en était fini de la marine à voiles, avait-il annoncé dès son retour.               

En effet, il faut bien reconnaître qu’en France, l’homme du 18 juin avait contribué à donner encore du mouvement, à cette entreprise de destruction massive, même si l’on peut aussi lui accorder, que le Concorde fut un bel oiseau, et que nous avons de nombreuses centrales nucléaires, qui pour l’instant, Dieu merci, n’ont pas encore explosé. Ce cher et vieux pays, que tant il chérissait. C’est bien à cette époque, que l’on a porté le coup de grâce à la vieille France. Assurément, on nous dira, que c’était dans l’air du temps, que si ça n’avait pas été celui-ci, c’aurait été un autre. Evolution, démolition ? 

Mais déjà, cette époque semble bien lointaine, « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille. » A l’heure où les marchés financiers mènent la danse, quand l’argent dématérialisé, et ce au double sens, de sommes non palpables, mais surtout sans plus de rapport avec la production industrielle et agricole, que peut encore valoir la vie d’un homme, d’un français ? J’entends par-là, un de ceux qui sont encore porteurs, et je pense en particulier aux travailleurs manuels, des valeurs traditionnelles qui nous ont nourris, et qui ont élevé ce pays.    

Si autrefois un hobereau ne pouvait faire sans côtoyer ses métayers, si un bourgeois était encore levé à l’aube pour faire produire sa fabrique ; à présent, les suppôts de Satan, qui font fonctionner la grande machine, ne connaissent plus que l’odeur de leur propre sueur, quand parfois ils ont couru un peu trop, et qu’ils ont oublié de se mettre du déodorant aux aisselles. 

L’on a assez reproché à des nobliaux et autres fermiers généraux du temps jadis, de vouloir, selon l’expression populaire, « le beurre l’argent du beurre et la fermière en plus.» Soyons rassurés, cette époque ne reviendra pas de si tôt. Les hommes politiques, hauts dirigeants d’entreprises et grands managers, soyez en certains, ne voudraient plus du beurre de ce temps-là, sûrement d’un goût trop puissant. Quant à la fermière, il y a fort à penser, qu’elle ne décrocherait même pas un seul regard. L’argent oui, un argent soft, propre. Un argent de clics sur des ordinateurs, un argent comme venu d’ailleurs.

L’argent, cette maladie endémique ! Les populations les plus laborieuses avaient de longue date gagné les fabriques et courées sombres des villes, pour de la menue monnaie. Quand on fait commerce avec le diable, il est vain de penser que cet usurier vous laissera peu après repartir, une fois vos créances honorées. Pour sûr, il vous tirera par le bras vers de nouveaux sabbats.

Ainsi, nous n’avons récolté, ce que nous avons semé. La folle avoine partout a gagné. Quand la réalité, dans sa matérialité, devient trop lourde à appréhender, l’homme ce grand prétentieux, fort de toutes nos sciences, n’est plus en peine d’en créer une nouvelle.

Les descendants de ceux de 36, qui prirent en 81 le pouvoir, se vautrèrent très vite dans les ors de la République. Ne voulant plus d’ouvriers dans leur famille, ils abandonnèrent les usines et les autochtones, pour importer de l’exotisme par l’afflux massif de populations lointaines. Alors, fut établi la nouvelle vérité, leur nouvelle vérité. Les chrétiens de France, déjà habitués à être moqués dans leur foi, se sont alors découverts, par la puissance des médias officiels, potentiellement antisémites, racistes, xénophobes, homophobes, que sais-je encore ?

Quand il y a peu, un ancien président de la République, issu d’une formation où il devrait normalement rester quelques bribes de ce qu’on appelle le Gaullisme, a commencé à expliquer aux français ébahis, une autre nouvelle vérité.

Qu’il n’était pas bien de parler des français, comme d’une race blanche. Que d’ailleurs, il ne fallait pas employer le mot race. Nous le savons tous évidemment, les scientifiques l’ont démontré et redémontré. Les races n’existent pas.

Alors, à mort les provinces, il y a longtemps défuntes ! A mort les départements ! Vive les Hauts de France au pays de la France d’en bas. A quand des Massaïs au pays Basque, des Mongols en Armorique, des Inuits en Provence ?

Enfin, peut être que bientôt, une autre personnalité éminente viendra nous expliquer, qu’il vaut mieux cacher sous le voile, le minois blanc de lys de nos gentes dames, et que nos visages glabres ne sont pas de bon aloi.

Vive la République ! Vive ( ?) la France !

Un mal de l’intérieur, il ne fallait pas casser le moule à beurre.           

Jean de Baulhoo

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