Editoriaux

Escarmouches ordinaires d’une guerre mondiale

Chers amis,

Après ces trois jours de deuil, je souhaite m’exprimer. Ce quatorze juillet au soir, sur la Promenade des Anglais, à Nice, une fois encore, l’ennemi a frappé, semant la mort parmi la foule, tuant indistinctement Français et étrangers, sans nuance de race, de religion, d’âge, de sexe ou de nationalité.

Un homme seul, au volant d’un camion et armé d’un pistolet, a tué plusieurs dizaines de personnes, en blessant plus encore, avant d’être enfin abattu par les forces de police.

Mes prières et mes pensées vont aux familles des victimes. Aux morts bien sûr, mais aussi aux blessés afin que nul ne les oublie. Pour eux, le plus difficile est devant, avec la reconstruction, toujours délicate, de leur existence après les attentats. Enfin mon cœur va tout particulièrement vers les enfants blessés dans cet attentat. Ils sont à l’aurore de leur vie et déjà sonne le crépuscule. Pour eux, mon âme est triste.

N’en déplaise, cependant, à M. Cazeneuve, cet attentat n’est pas une nouvelle forme de terrorisme. Le principe de celui-ci est de semer la terreur partout, sans frontière entre le permis et l’interdit, la fin justifiant absolument tous les moyens possibles. La guerre d’Algérie nous le montra abondamment et ce n’est pas rien si les armées israéliennes et américaines, confrontées au terrorisme islamiste depuis des années, font un grand usage des manuels de contre-insurrection mis au point par les armées françaises entre 1954 et 1962…

A ce propos, j’aimerais justement nous replacer dans une perspective historique. Lorsque nos dirigeants nous expliquent, la voix ferme et le regard dur, que cet attentat n’est que l’un des premiers dans une guerre qui commence, ils se trompent et ne nous rendent pas service en ne nous disant pas toute la vérité.

En effet, la grande confrontation entre le monde occidental et l’islam radical a commencé peu à peu avec les conflits de décolonisation où la religion servit souvent de catalyseur aux populations révoltées. L’islamisme réveillé dans la lutte contre la présence européenne a pris, par la suite, tous les visages. Se cachant sous les oripeaux de l’État socialiste, de la guérilla libératrice, de la révolution nationaliste, il a, en vérité, doucement progressé avec des confréries, au fur et à mesure de l’arabisation des sociétés décolonisées.

Quelques événements spectaculaires comme la révolution islamique en Iran en 1979, ou la guerre en Afghanistan entre 1979 et 1989 montrèrent que l’islamisme pouvait devenir un atout pour les soviétiques ou les Américains dans le cadre de la guerre froide. Mais le pion a échappé à ses maîtres,  et la guerre froide terminée, il a continué sa propre lutte pour un islam radical et dominateur à l’échelle globale. Toutes les guerres confrontant des groupes armés musulmans à des groupes armés non musulmans, depuis 1990, ont eu une composante islamiste, d’une manière ou d’une autre, y compris dans les Balkans entre 1992 et 2000. Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui, Daech entretient des réseaux très denses en Bosnie-Herzégovine, au cœur de l’Europe.

Les attentats menés contre les Etats-Unis depuis 1995 ont tous revêtu le sceau de l’islamisme. L’ampleur de ceux du 11 septembre 2001 ont fait franchir à cette lutte un degré supérieur. Les répercussions dans tout le Proche-Orient, en Afrique et en Europe depuis l’ont bien montré. Mais conservons en tête que dans le Caucase, aussi bien qu’en Amérique ou en Afrique, tout comme en Europe, au Mali comme en Syrie ou en France, ce sont les réseaux islamistes, parallèles et cousins entre eux qui sont à la manœuvre.

L’attentat de Nice n’est pas le début d’une guerre, c’est la montée d’un cran dans l’horreur au sein d’un conflit mondial commencé depuis plus d’un demi-siècle.

Lorsque M. Cazeneuve appelle les citoyens à se porter volontaires pour seconder les forces de police, de gendarmerie et les pompiers, il appelle, sans le dire, à la création d’une garde nationale, ou d’une milice. Cet appel au civisme, cependant, n’est pas heureux, car il montre à quel point nos gouvernants sont dépassés, non pas dans la manière de mener cette guerre, mais dans la manière d’en prévenir les nouveaux coups sur le territoire. Il s’agit là de la gestion politique du conflit. Cette gestion se situe au mauvais échelon car elle omet le mal majeur qui rend possible ces crimes en France : l’islamisation de la société. En 1996, les terroristes du métro parisien venaient de l’étranger. En 2016, les terroristes sont issus de notre propre sein.

Dans ce qui ressemble de plus en plus à un conflit de civilisations et de puissances, le coup d’État avorté en Turquie me semble beaucoup plus grave et inquiétant que les événements qui viennent de nous frapper. En effet, ce n’est désormais plus un secret pour personne, M. Erdogan aspire à un pouvoir personnel et dictatorial, rêvant de rétablir d’une manière ou d’une autre l’empire ottoman. Dans ce vaste projet il est à la manœuvre pour armer ou laisser passer les djihadistes vers l’Irak et la Syrie, pour ouvrir la voie de l’Europe aux migrants, tandis que nos amis américains, avec une impéritie stupéfiante, nous incitent à intégrer la Turquie dans l’Union européenne, mais après le putsch avorté de ces derniers jours demandent à leurs ressortissants d’éviter désormais le pays ou de le quitter. Messieurs de Washington, la Turquie est-elle fiable ou ne l’est-elle pas ?

Le coup d’État récent donne à M. Erdogan l’assise populaire suffisante pour s’ériger en sauveur. Mais sauveur de quoi ? En faisant arrêter plusieurs milliers d’officiers, en limogeant pas moins de 2700 magistrats, il a accru son pouvoir sur l’armée et la justice de son pays, faisant un pas de plus vers la dictature toute puissante. Qui va remplacer les magistrats ? S’il s’agit d’hommes du Président, on peut craindre surtout une islamisation de la justice turque. A nos portes, voilà qui est pour le moins autrement plus inquiétant, surtout alors que les Turcs viennent d’obtenir le droit de libre circulation sans visa dans l’espace Schengen. Au moment où l’on veut rétablir les visas pour les sujets britanniques, cela ne manque pas de sel…

Chers amis, je souhaitais faire ce point avec vous, car notre seule arme, pour nous humbles citoyens sans pouvoir de gouvernement, c’est la recherche et la proclamation de la vérité afin d’influer positivement, à notre mesure, sur la marche des événements.

Maintenons l’espérance !

Charles

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