Poésies royalistes

“Les Coquelicots”, de Théodore Botrel

La Rochejacquelein, le héros de Vendée,

« M’ sieur Henri — l’Intrépide » ainsi qu’on l’appelait,

Nouait à son chapeau, son col et son épée

Trois mouchoirs rouges de Cholet ;

 

Il avait des yeux bleus où rayonnait son âme,

Un front pur ; il avait vingt ans, des cheveux d’or ;

Il était doux et bon, tendre comme une femme,

Brave comme un Campéador.

 

Il tirait son épée, et l’on entrait en danse

Aux cris de : « Vivent Dieu, ses Prêtres et son Roi ! »

Il disait à ses gâs : « Suivez-moi si j’avance ;

Si je recule, tuez-moi ! »

 

Et tous les gâs suivaient ce coq à rouge crête ;

On passait où passait La Rochejacquelein,

Car d’Elbée et Lescure et Stofflet et Charette

Avaient dit : « C’est un Du Guesclin ! »

 

Or, les Bleus, las de voir ces Brigands invincibles

Conduits par cet enfant, poussèrent un long cri :

« Ne visons que le chef ! » … et choisirent pour cible

Les trois mouchoirs de M’ sieur Henri.

 

Aussitôt, bourdonnant ainsi que des abeilles

Butineuses de sang — de sang jeune qui bout, —

Les balles des fusils chantèrent aux oreilles

De M’ sieur Henri, toujours debout.

 

Les Vendéens criaient : « C’est vous seul que l’on guette !

« Tirez donc vos mouchoirs, ohé-là ! M’ sieur Henri !

« Tirez au moins c’ti-là qu’est dessus votre tête,

« Ou vous allez être péri ! »

 

Et l’enfant répondait en riant : « Qu’est-ce à dire ?

« Me dégrader ? jamais ! Me cacher ? que non pas !

« C’est un immense honneur que d’être un point de mire :

« Si je meurs, vengez-moi, les gâs ! »

 

Ceux-ci firent alors une chose splendide :

Ces héros en sabots, ces rustres valeureux,

Pour sauver celui-là qu’ils nommaient l’Intrépide,

Attirèrent la mort sur eux :

 

Sous le feu, chacun prit dans sa petite veste,

Dans ses brayes de toile ou son bissac de peau

Un mouchoir de Cholet — un mouchoir rouge — et, preste,

L’attacha sur son grand chapeau !

 

Et les Bleus ébahis de voir, à la seconde,

Tant de Chefs qui s’offraient au feu de leurs flingots :

Cherchaient en vain l’épi de blé, la paille blonde,

Dans ce champ de coquelicots !             

Braves gâs de Bretagne, et vous, gâs de Vendée

Qui vouliez être chefs pour braver les dangers,

J’ai pensé bien souvent à vous tous, cette année,

Et trouvé les temps bien changés !

 

Il est encor des preux à l’époque où nous sommes,

Certes : voyez plutôt les Anglais et les Boërs !

Voyez Cronje tenant avec deux, trois mille hommes

Contre soixante mille, huit jours ;

 

Et Villebois-Mareuil, ce martyr volontaire,

Moderne paladin d’un lointain Roncevaux,

Coquelicot français que la lâche Angleterre

A fauché d’un revers de faulx !

 

Les Boërs sont, comme vous, des bataillons informes

De rudes paysans luttant pour leurs drapeaux,

Sans fiers états-majors, sans brillants uniformes :

Vestes de bure et grands chapeaux.

 

S’ils n’ont pas de canons — tout comme vous, naguère —

Ils clouent sur un affût un tronc d’arbre ébranché ;

Et quiconque est visé par leur fusil de guerre

Est, d’avance, un homme touché.

 

Aussi, le bruit courant, volant de proche en proche,

Que les Mauser couchaient les officiers d’abord,

Quelques-uns de ceux-ci cachèrent dans leur poche

Aiguillettes et galons d’or !

 

Le Vendéen, voulant sauver le chef qu’il aime,

Ne voulait être chef qu’au moment des combats ;

Mais l’officier saxon, se dégradant lui-même,

Se cache parmi ses soldats !

 

Saluons les Héros, quels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent ;

Saluons les Anglais qui surent bien mourir,

Saluons ceux qui font un serment et le tiennent…

… Et qui meurent pour le tenir !

 

Mais penchons-nous gaîment, Français, sur notre Histoire

Et, narguant leur puffisme et bravant leurs boulets,

Crions : « Passez premiers partout… sauf pour la Gloire :

Après nous, messieurs les Anglais ! »

 

    Théodore Botrel, in Coups de Clairon, vers 1902.

 

  • Pour l’analyse de ce poème, voir ici : https://www.calameo.com/books/000147457db59a29d5292

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