Le catholique politique, par le père Jean-François Thomas s.j.
Depuis les origines, le catholique est politique puisque s’intéressant à la vie de la cité et y participant sans réserve. Même le moine qui se retire dans un monastère, ou l’ermite qui s’enfouit dans une grotte ou au fond du désert, ne négligent pas le politique puisqu’ils portent le monde dans leur prière et par leur sacrifices et ascèse. Certes, il était plus facile à un catholique d’être actif pour le bien commun lorsque la société toute entière portait le sceau chrétien et essayait de répondre du mieux qu’elle pouvait aux commandements de Dieu. Depuis maintenant plus de deux siècles, le croyant est constamment écartelé car il éprouve le devoir d’agir mais se heurte aussitôt à des structures qui, loin d’être simplement neutres, sont foncièrement antichrétiennes. Lorsque la politique se rétrécit comme une peau de chagrin, se limitant à ne plus être que politique, elle conduit peu à peu à la décadence et à la mort. Nous en savons quelque chose de nos jours alors que l’avant-goût du chaos agace notre palais et que parviennent à nos oreilles les rumeurs des assemblées parlementaires aux ordres des puissances infernales. Georges Bernanos remarque très justement : « Vous vous répéterez que les masses étaient devenues ingouvernables, sans jamais – jamais, jamais – vous demander si les élites n’étaient pas devenues elles-mêmes incapables de gouverner. » (Lettre aux Anglais) Le catholique aujourd’hui, s’il se penche vers la vie politique, est aussitôt accablé par la médiocrité mauvaise de ceux qui la mènent, ou qui pensent la mener. Léon Bloy rapporte un mot présidentiel qui, déjà à son époque, révélait le degré de pourrissement des hommes de pouvoir : « Une bonne moyenne – Le Président Jules Grévy venait d’inaugurer le Salon des Champs-Élysées. Il dit à ceux qui le reconduisaient à la sortie : “ C’est cela, messieurs, c’est cela. Pas de génie, mais une bonne moyenne, voilà ce qu’il faut à notre démocratie !” » (Exégèse des lieux communs)
De telles déclarations, correspondant bien à la réalité de la pratique politique, n’ont pu que décourager les bonnes volontés catholiques, d’autant plus que le système républicain français est avant tout un régime anticatholique, ceci depuis l’origine. Sous le couvert de la laïcité, il est aisé de constater que le pouvoir politique rabote chaque année davantage les quelques références chrétiennes qui subsistent dans notre pays. Le grand principe de la politique catholique, inspirée de saint Thomas d’Aquin, à savoir la primauté du bien commun, a bien du mal à demeurer la boussole dans une société où l’individualisme est caressé dans le sens du poil et où, dans le même temps, tout est mis en place pour parquer le troupeau et limiter sa liberté de penser : le troupeau est enfermé dans un vaste parc de loisirs, ceci afin qu’il n’ait même plus l’idée qu’il puisse exister autre chose au-delà des barrières. Le Docteur Angélique avait développé avec sagesse cette notion du bien commun, héritée en partie d’Aristote : « Tout individu est avec la société dont il est membre dans le même rapport qu’une partie avec le tout. » (Somme Théologique, IIa-IIae, q. 64, a. 2, c.) Et encore : « L’homme tout entier est ordonné comme à sa fin à la société dont il est une partie. » (IIa-IIae, q. 65, a. 1, c.) Et enfin : « De même que le bien d’un seul individu n’est pas la fin ultime mais est ordonné au bien commun ; de même encore le bien d’une famille est ordonné au bien de la cité, qui est la société parfaite. » (Ia-IIae, q. 90, a. 3, ad 3.) Comme la pensée chrétienne contemporaine a été fortement influencée et ébranlée par le personnalisme, voilà pourquoi aussi les catholiques ont perdu leur repère. Charles De Koninck, en 1943, fit justement paraître son ouvrage polémique, De la primauté du bien commun contre les personnalistes, afin de tirer le signal d’alarme, en vain. Il est logique que le double ébranlement provoqué par les idées républicaines révolutionnaires, attaque de l’extérieur de l’Église, puis par le chaos intellectuel du XXème siècle, attaque à l’intérieur de l’Église, ait laissé bien des catholiques exsangues et désorientés. La situation actuelle de notre société est telle, la faiblesse doctrinale de l’Église étant aussi ce qu’elle est, qu’il est quasi impossible à un catholique de défendre une politique respectueuse des exigences chrétiennes. Ceux qui s’y risquent sont nécessairement confrontés à des concessions mortelles car contraires à la morale de l’Évangile. Là encore, Georges Bernanos, qui s’est laissé piéger plusieurs fois par des enthousiasmes généreux mais imprudents, note : « L’histoire, comme les grandes villes, a ses égouts, et quiconque se sait sujet à l’écœurement fait mieux de ne pas s’y promener avec une lanterne. » (Le Chemin de la Croix-des-Âmes) Qui désire aujourd’hui patauger dans ce cloaque, sachant que les jeux sont faits, les dés sont pipés ? Cela ne signifie pas qu’il n’existe plus d’idéal politique catholique, mais il ne peut guère s’exprimer car, comme le souligne Nicolás Gómez Dávila : « Pas un homme politique ne peut dire la vérité là où un électorat écoute attentivement. » Le même auteur nous rappelle quelle est l’essence du système politique en place dans nos pays : « Heine a trahi le secret de la démocratie : “Nous ne nous battons pas pour que le peuple accède aux droits de l’homme, mais pour que l’homme accède aux droits divins.” » (Carnets d’un vaincu)
Le catholique est-il désormais condamné à n’être plus qu’un spectateur impuissant de la marche du monde ? Ses ennemis voudraient l’en convaincre et ils réussissent à décourager bien des bonnes volontés. Pourtant, de nombreux frémissements politiques à travers le monde montrent que les vainqueurs autoproclamés du moment n’ont pas encore remportés la coupe puisque le mondialisme, fruit d’un Occident sans Dieu, tremble sur ses bases. La lutte est vraiment celle de Goliath et de David. Elle dure, et durera, plus longtemps que celle de cet affrontement fameux car les forces mobilisées en présence sont celles de l’enfer. La faille infligée dans ce système totalitaire par la Cour suprême des États-Unis en ce qui regarde l’avortement, montre bien que le colosse aux pieds d’argile redouble de haine, de violence et de fureur car il se sent maintenant menacé alors qu’il était persuadé être hors d’atteinte. Puisqu’il existe encore un souffle chrétien à travers le monde, souffle qui n’est pas forcément aidé et porté par la hiérarchie catholique, le désespoir ne doit pas s’installer et faire croire que nous ne pouvons qu’assister les bras croisés à l’effondrement et à la décadence.
Pour reprendre une formule de Bernanos, en grattant un démocrate, on risque bien de trouver un théologien, au pire sens du mot. Le démocrate moderne est un père la morale, – morale sans lien bien sûr avec la Loi divine -, et il pointe un doigt accusateur vers celui qui n’accepte pas ses principes empoisonnés. Il finira par être dévoré par ses enfants monstrueux. Le catholique a de beaux jours politiques devant lui.
Jean-François Thomas s.j.
11 juillet 2022
- Pie I
Mon Père Je viens de transmettre votre chronique aux deux plus proches maires de mes connaissances.
Je vais essayer de continuer a le faire petit a petit a d’autres.
J’ai joint en copie cet envoi a Monseigneur Brac de la Perriere; évêque de Nevers.
J’invite un grand nombre des lecteurs de Vexilla Galliae a faire de même avec les maires et évêques de leur diocese.
N’oublions pas que Monseigneur Alphonse père de Monseigneur Louis Roi de Jure actuel, commencé les visites avec succès de tous les maires de France ce qui lui vallut curieusementet et vraisemblablement d’être accidenté mortellement par le filin qui lui trancha la gorge
En UDP
pour la restauration des lois et articles institutionnels de la France en conformité avec le Proto-commandement et le Decalogue Divins et leur maintien perenne grâce au Roi de France lieutenant de Jesus-Christ dans ses fonctions régaliennes de Justice et Protection de Ses Peubles Provinciaux Metropolitains et Ultra-Marins.
Madame,
Merci beaucoup pour votre démarche et votre information.
Que Notre Dame vous garde comme Elle veille sur notre royaume terrestre.