Ce beau principe de fraternité, accès de rage philanthropique…
Enfin, la troisième idée révolutionnaire, le principe de fraternité, constitutif du régime cosmopolite, imposa d’une part une complaisance sans borne pour tous les hommes, à condition qu’ils habitassent fort loin de nous, nous fussent bien inconnus, parlassent une langue différente de la nôtre, ou, mieux encore, que leur peau fût d’une autre couleur ; mais, en revanche, ce beau principe nous présentait comme un monstre et comme un méchant quiconque, fût-il notre citoyen, notre frère, ne partageait pas tous nos moindres accès de rage philanthropique. Le principe de fraternité planétaire, qui voudrait établir la paix de nation à nation, tourna vers l’intérieur de chaque pays et contre les compatriotes ces furieux mouvements de colère et d’inimitié qui sont secrètement gravés par la nature dans le mécanisme de l’homme, animal politique, mais politique carnassier.
Charles Maurras, Romantisme et Révolution, 1925