Tâches serviles et tâches nobles, Par Paul-Raymond du Lac
Les chrétiens sont heureux d’imiter notre seigneur Jésus-Christ et de réaliser à son exemple des tâches réservées aux esclaves. Ainsi Jésus a lavé les pieds de ses apôtres, tâche réservée à l’esclave, et il est monté sur la croix, châtiment ignominieux réservé aux esclaves.
Toute la valeur de ce sacrifice chrétien tient justement au fait que la distinction entre les tâches serviles et nobles et clairement définis.
Si vous supprimez la hiérarchie des œuvres serviles et nobles, alors vous supprimez d’autant plus tout sacrifice chrétien en la matière.
Et notre temps révolutionnaire, pas son égalitarisme forcené, et par son inversion systématique, efface justement cette distinction, ou veut faire croire que des tâches serviles ne le sont pas tant que cela… Ou comment fabriquer des esclaves consentants, des robots en série.
Cette tendance se remarque particulièrement dans la sphère la plus noble de l’homme, son intelligence et sa volonté, soit dans les sciences et dans la politique.
Ainsi le professeur d’université devra écrire ses papiers et ne pas utiliser de secrétaires qui écrit sous la dictée, comme dans l’ancien temps, pire il devra faire des tâches administratives sans lien avec sa vocation, et perdre un temps considérable à des tâches serviles imposées (donc pas de sacrifice) et souvent inutiles. Fini la recherche de la vérité et sa contemplation pour elle-même.
Ainsi le chef devrait abdiquer son autorité décisionnaire et rentrer dans des le détails de telle présentation ou de tel rapport, non pas pour mieux décider, mais pour se décharger de sa responsabilité en devenant un simple « fonctionnaire », un simple « technicien ». Il passe son temps à justifier ses décisions par des prétextes pseudo-démocratique au lieu de méditer pour prendre la meilleure décision. Fini le souci du bien commun par charité envers autrui pour l’amour de Dieu.
Par cet égalitarisme teinté d’inversion, on expliquera à tout « manager », à tout employé, que les tâches les plus ennuyeuses et les plus serviles sont extrêmement valorisantes. Les écolos nous expliquent, par une sorte d’exagération inverse en réaction contre les destructeurs de la nature, que mettre les mains dans la terre, revenir dans des grottes et se crever aux travaux agricoles ne sont pas des tâches serviles, contre toute l’histoire des civilisations.
Et pourtant, au ciel, il n’y aura plus de terre à cultiver, plus de papiers à rédiger pour convaincre (tout le monde sera convaincu, il n’y aura qu’à contempler et aimer, se délecter de la vérité pour elle-même), plus de repas à préparer, plus de ménage à faire, plus d’intendance à assurer.
Tout cela est servile, n’en faisons pas des tâches nobles !
Car le résultat, aujourd’hui, est la disparition des tâches nobles, qui demandent la libération des tâches serviles.
C’est pourquoi une société constituée et bien faite connaît des rôles discriminés et différents pour que l’accomplissement des tâches serviles de certains, libèrent d’autres pour s’adonner aux tâches nobles, à la mesure des talents de chacun.
Cela se faisait plus au niveau local que national : dans un monastère les convers et autres clercs de bas rangs accomplissaient les tâches serviles pour laisser le loisir aux saint Thomas d’Aquin de servir mieux dans leur talent propre (et ce genre de saint, de génie, n’aura pas pu développer son potentiel dans notre temps égalitariste !) : cela s’est fait grâce aux saints inconnus, aux saintes Thérèse qui se sont adonnées chaque jour aux tâches serviles, pour le bon Dieu. Ainsi encore grâce le roi et autres puissants donnant et donnant aux universités et à l’église, sans retour, de véritables mécènes.
Nous avons tous nos servitudes, et comme chrétien nous devons nous sacrifier : nous avons tous des tâches serviles à accomplir, car notre nature humaine est blessée, et même le œuvres les plus nobles ont leur part de servitude, parfois plus pesante (en fait plus pesante) que toute servitude physique, qui est passagère et qui n’atteint pas l’âme. Imaginez une fraction de seconde la responsabilité d’un Roi de France, d’un évêque sur le salut de tant d’âmes ! Imaginez une fraction de seconde les conséquences des erreurs intellectuelles ou de la faiblesse à les combattre !
Tous ces sacrifices n’ont de valeur que justement parce que les tâches sont serviles et ont vocation à disparaître dans la vie éternelle : nous n’aurions pas dû subir cet esclavage dans lequel le péché nous a jeté !
N’oublions pas cette grande vérité.
Mais nous méritons notre état d’esclave car nous avons pêché !
Autre vérité.
Grâce soit rendu au Seigneur qui nous libère de la servitude du pêché : le chrétien reçoit son esclavage comme une occasion de rachat et de prouver son amour à Jésus !
La grande vérité chrétienne.
Travaillons ainsi chacun à sa place : c’est le début de la restauration. Ne voulons pas tous être rois, papes et savants – quelles horribles responsabilités -, laissons-nous guider par la Providence et accomplissons au quotidien les missions qui nous sont données, en assumant leur part servile.
N’oublions que notre vocation est dans les œuvres nobles, celles qui relèvent de la partie divine de notre âme et nous rapprochent de Dieu : intelligence et volonté, soit contemplation (et sciences) et politique (apostolat, œuvres).
Heureux les petits ! Leur salut est bien plus assuré que les grands.
Heureux les grands qui ont des petits qui les servent bien ! Ils seront leur consolation.
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul-Raymond du Lac