L’utilité des tâches serviles, et leurs limites (1), par Paul-Raymond du Lac

Notre nature humaine, composée de corps et d’âme unis, possède des servilités corporelles qui répugnent à l’âme, qui se voudrait aussi libre que l’air, comme une ame angélique sans les vexations du corps.

Les tâches serviles, en ce sens, nous rappellent toute notre part corporel et animale : manger, dormir, construire, réparer, laver, jardiner, cultiver, etc. Toutes ces tâches qui usent du corps, et usent du corps, ou qui demandent l’usage de la nature extérieure et matérielle.

Et en ce sens encore, ces tâches serviles ne doivent pas être confondus avec des tâches nobles, que sont l’élevation de l’âme vers Dieu et la contemplation, la perfection de notre intelligence par l’étude et de notre volonté par le développement de l’esprit de sacrifice – qui est l’expression de l’esprit de charité.

Pourtant, en même temps, ces tâches serviles sont agréables et nécessaires, en fournissant une saine détente : quoi de mieux, quand tout s’embrume dans notre esprit, de se défouler en s’occupant de son jardin, au calme, ou de faire les cuivres ou les vitres en écoutant une musique grégorienne, pour se vider l’esprit, ou encore de s’adonner à un bricolage quelconque, pour se rassurer d’avoir la maîtrise au moins sur un petit meuble ou un carré de terre, quand on ne maîtrise rien dans ce grand monde.

Il suffit de regarder les moines : leurs régles exigent un minimum de tâches serviles, pour la simple raison que notre nature est aussi corporelle avec ses exigences, et donc il faut savoir être humain, et donc servile. Jésus nous montre l’exemple : il était bien artisan comme son père putatif, mais en même temps il a bien montré lm’exemple de la mortification, de la prière, et de l’enseignement par la prédication ; si on sait qu’il s’adonner à l’artisanat, on ne le décrit jamais en train de faire une tâche servile, si ce n’est le lavement des pieds, où il se fait esclave de ses apôtres, car il est ùaître, comme une préfiguration de son sacrifice sur la croix, peine servile par excellence, par laquelle il s’élève au-dessus de tous et attire tous à sa croix, élevé si haut dans le ciel.

La tâche servile bien faite et bien ordonné à sa place permet en effet d’allier à la fois saine détente sans tomber ni dans la distraction ni dans le mauvais relâchement tout en permettant d’accomplir un devoir nécessaire pour s’occuper de nos besoins naturels.

Les métiers dits serviles, comme cultiver la terre, sont en ce sens les métiers les plus sûrs pour aller au ciel : le devoir principal étant servile, il est « aisé » de l’accomplir, puisque ces tâches ont cette spécificité d’être délimités et finissables, de ne pas impliquer, de n’impliquer que des soucis matériels et non moraux – ou peu. Le père de famille, le curé, le professeur, le directeur de conscience, le chef, lui, dans son devoir d’état principal est toujours soumis à l’angoisse morale de lm’implication de ses paroles, de ses décisions, de son attitude qui peuvent entraîner tant d’âmes à pécher, et qui lui sera compté au jugement.

N’avoir sous sa responsabilité que des êtres matériels, des animaux sans conscience, ou des tâches mécaniques, est en cela une grâce allégeant le salut.

Ces tâches serviles n’en restent pas moins purement humaines, en ce sens qu’elles impliquent volonté et intelligence : volonté de se tenir à un proigramme, de se lever et de commencer une tâche et de perséverer dans son exécution, et intelligence, même si elle peut-être essentiellment de conformation à plus que de compréhension, dans l’exécution : bricoler, cultiver, monter un meuble ou ce que vous voulez demande une puissance de prévision et de programmation, de mise en ordre pour arriver à bien de la tâche. Ces tâches permettent ainsi aussi un perfectionnement non seulement de toutes les vertus morales cardinales, mais aussi de l’exercice de la volonté et de l’intelligence.

Ces tâches sont donc nécessaires.

Mais en même temps, elles sont dites serviles pour une bonne raison : provenant des nécessités corporelles et notre part animal, plus lourdes encore depuis le péché originel, ces tâches ne sont pas nobles, et ne satisfont pas notre fin principale qui est la contemplation et la délection de Dieu-Vérité pour l’intelligence et Dieu-Amour pour la volonté.

Précisons notre pensée dans un second article.

(à suivre)

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac