Selma : la marche de Martin Luther King
On se sort pas indemne de ce film tant certaines scènes sont d’une violence à vous soulever (au moins à trois reprises) de votre fauteuil. Ce long-métrage commémore les cinquante ans des trois marches de Selma à Montgomery, menées par Martin Luther King pour donner à tous les noirs leurs droits civiques. La réalisatrice Ava DuVernay fut la première Afro-Américaine à remporter le trophée du meilleur réalisateur du festival du film de Sundance pour son précédent film, Middle Of Nowhere. Selma, film-événement de ce début d’année 2015, est nommé aux Golden Globes pour la mise en scène et a été nommé aux Oscars dans les catégories « meilleur film » et « chanson ». Il a remporté ce dernier grâce à la chanson Glory.
Selma fait le portrait de Martin Luther King en se concentrant sur un épisode de son long combat pour l’égalité des droits, la lutte pour le droit de vote. Si grâce à lui la loi pour l’égalité devant les urnes est passée, il existe encore en 1965 de nombreuses villes du sud des États-Unis où les Afro-Américains sont empêchés de voter. Partant pour Selma, ville de l’Alabama où la violence domine, il va devoir affronter politiques et locaux pour organiser une marche pacifique, manifestation silencieuse pour revendiquer un droit élémentaire. Selon David Oyelowo, l’acteur principal du film, Selma rappelle que tout le monde a le droit de s’exprimer. En effet, cette marche protestataire et non-violente fait écho à des événements très récents. Selma est habilement dirigé par Ava DuVernay et remarquablement tourné.
Militant non-violent pour les droits civiques des noirs, Martin Luther King a joué un rôle majeur pour l’émancipation des Afro-américains et la prise de conscience de l’injustice de la ségrégation aux États-Unis. « I have a Dream », titre de son discours appelant à la fraternité entre noirs et blancs, est devenu un véritable hymne à la solidarité et à l’espoir d’entente entre toutes les communautés. Luther King participe avec une dizaine de personnalités noires du sud des États-Unis à la fondation d’une organisation nationale : le SCLC (conférence des leaders chrétiens du sud). Élu à la présidence, il décide d’étendre à l’ensemble du pays sa lutte non-violente pour les droits civiques des noirs. En 1964, il reçoit le prix Nobel de la paix après avoir rencontré Willy Brandt et le Pape Paul VI. Il est alors une figure mondiale.
Références dans ce film d’une grande puissance à la guerre du Vietnam, à la misère, à Kennedy, à Johnson qui signe en 1965 le « Voting Rights Act », qui garantit l’égalité civique, et à la journée emblématique du 7 mars appelée aujourd’hui « Bloody Sunday », où la première tentative de marche est réprimée par des policiers montés, dans le sang et les fumigènes, et surtout sous l’objectif des caméras dont les images choqueront l’ensemble du public américain. C’est ce que voulait Martin Luther King ! Déclencher le ralliement des blancs à sa cause…
Pas question de résumer ce film sur quelques scènes plus marquantes que d’autres. Il faut seulement le voir et penser que certains épisodes, comme des fillettes noires tuées dans un attentat à la bombe, ou un pasteur blanc sympathisant des marches sauvagement assassiné, donnent à ce film sa dimension historique. Le cinéma hollywoodien a produit bien des films sur l’histoire des droits civiques, comme « Lincoln » ou « La couleur des sentiments » et chacun d’eux a donné un éclairage particulier sur la vie des Afro-Américains. Les racines du racisme ne s’extraient pas comme ça en deux générations, il en faudra bien d’autres. SELMA est à voir tout simplement, pour sa mise en scène et l’interprétation magistrale des acteurs et actrices, bouleversant…
Solange Strimon