Pierre Virion, Bientôt un gouvernement mondial ?
Une nouveauté ? Pas tout à fait. Téqui se propose simplement de rééditer un ouvrage paru pour la première fois en 1965. Le choix peut, de prime abord, paraître étonnant. Mais, finalement, cinquante ans après, plusieurs conjectures lancées par Pierre Virion semblent se vérifier.
Bientôt un gouvernement mondial ?[1] est avant tout un recueil de documentations issues de différents groupes – plus ou moins secrets – agissant en faveur d’un gouvernement mondial, gouvernement qui ne se caractérise pas par son christianisme : rien à voir avec un Saint-Empire universel que certains commentateurs prêtent, par exemple, à un Joseph de Maistre (dont la jeunesse, comme chacun sait, n’est d’ailleurs pas exempte d’erreurs…). En 1965, Pierre Virion faisait part de ce que tout le monde ignorait (Bilderberg, Davos…). Aujourd’hui, ces cercles sont nommés dans les journaux (mais pas tant que cela…). Mais quid de leurs desseins, de leur raison d’être ? Il parlait aussi des « États-Unis d’Europe », leur préférant évidemment la vieille Chrétienté détruite par la « Réforme ».
Chaque jour, on nous dit que la « mondialisation » est inévitable ; elle est un fait. Affirmer cela, ce n’est pas mentir effrontément, mais c’est esquiver l’essence du problème tel qu’il est posé par Pierre Virion. Dominique Tassot l’exprime clairement, dans une préface inédite : « l’enjeu du mondialisme, et c’est ici la dimension qui manque le plus souvent aux nombreux livres qui en traitent, n’est pas d’abord économique » (p. 10). Tout se joue au niveau des idées ; le problème est originellement spirituel, et ce dès avant Coménius.
« Le plan synarchique n’est pas le communisme soviétique. C’est un socialisme technocratique, universellement planifié, un point de rencontre auquel la Russie viendrait elle-même si, par hypothèse, le Gouvernement mondial pouvait s’instaurer (p. 89-90). »
En dépit d’une pléthore de majuscules, d’un récit parfois trop décousu (nous ne sommes pas en face d’un chef-d’œuvre, loin s’en faut), le travail de Pierre Virion mérite de ne pas être oublié. En certaines de ses parties, il offre des réflexions et des arguments des plus intéressants. Entre autres, l’histoire des révolutions européennes de 1848, curieusement concomitantes, et qu’une simple disette ou augmentation des prix ne saurait expliquer tout à fait ! Le XIXe siècle en son entier (même chose, plus timidement cependant, pour le XXe : Première Guerre mondiale, Russie soviétique…) est exposé par l’auteur selon une perspective de conspiration, conspiration devant faire tomber rois (objectif atteint soit par déposition, soit par édulcoration des pouvoirs royaux) et prêtres (fin des États pontificaux en 1870, constitutions laïques en pays chrétiens, etc.). La franc-maçonnerie est l’un des principaux moteurs de ces actions souterraines de longue durée, soutenue par divers groupes du même type (rosicruciens, Illminés divers et variés…), généralement versés dans l’ésotérisme ou autres idées loufoques.
La partie la plus cocasse de cet ouvrage est celle consacrée à Charles de Gaulle, général qui en prend pour son grade. L’auteur y rappelle que cet homme avait rétabli la franc-maçonnerie en 1943, par ordonnance. Suivent de nombreuses pages qu’il faut lire pour se faire sa propre idée… Un angle de vue rarement adopté pour étudier l’action du Résistant.
Concluons comme Pierre Virion : laissons le « gouvernement mondial » au Christ et à Marie.
Jean de Fréville
[1] VIRION (Pierre), Bientôt un gouvernement mondial ? Une super et contre Église ?, Saint-Cénéré et Paris, Pierre Téqui, 2014 (1ère éd. : 1965). Préface de Dominique Tassot.