L’HISTOIRE DE FRANCE AU CINÉMA
Alors que Noël approche, je vous propose de traiter d’histoire de manière plus ludique et légère : le cinéma !
Il n’est pas aisé de faire de l’histoire un sujet de film : ou l’on fait une leçon d’histoire ou l’on accepte de ne pas être dans la vérité historique parfaite. Cela dit, entre le documentaire et l’erreur historique totale, voulue ou non, il y a une place pour une histoire de France au cinéma ! Chronologiquement, nous allons retracer l’histoire en nous arrêtant non pas sur les films médiocres et les navets mais sur les films produits pour le cinéma ou la télévision qui sont à voir.
Pour le monde du cinéma, la protohistoire, les Gaules et le Moyen-Age, n’existent pas jusque vers Philippe Auguste ! En effet, on relève un Vercingétorix réalisé en 2000 avec Christophe Lambert : les personnages sont assez moyens et les moyens ne sont pas au rendez-vous. Plus intéressante est la série de 1993, Charlemagne, prince à cheval car sans connaître grand-chose de la personnalité du souverain, la série parvient à se donner un genre assez intimiste sans erreurs grossières du point de vue historique. Selon votre serviteur, la meilleure série date des années 1980 : Guillaume le conquérant retrace avec assez de brio la vie du vainqueur d’Hastings.
Vient ensuite le Moyen-Age qui part de la bataille de Bouvines pour se finir vers le règne de Charles VIII. L’on ne peut évoquer qu’avec grandeur des Rois maudits issus des romans de Maurice Druon. Avec Jean Piat en formidable et flamboyant Robert d’Artois, Georges Marchal en roi de fer ou encore Hélène Duc en infernale Mahaut, la série profite tant du jeu des acteurs que de l’évocation fidèle du roman, qui n’est toutefois pas historique ! La reprise par Josée Dayan en 2005 est globalement nulle, les décors dignes de Star Wars sont le premier frein à cette série. Le réalisateur de Guillaume le conquérant a également offert aux téléspectateurs une jolie fresque qui a pour mérite de présenter Louis XI sous un jour plutôt réaliste… Ce qui en 1971 est à relever ! Cette série s’appelle Quentin Durward et retrace le parcours d’un archer écossais au service de Louis XI ; les puristes auront reconnu le roman éponyme de Walters Scott. Le cinéma s’est aussi emparé de la Guerre de Cent Ans ! Les deux reprises cinématographiques du fameux Henry V de William Shakespeare sont de belles œuvres. Celle de 1944 par Lawrence Olivier et celle de 1989 par Kenneth Branagh offrent une fidélité aux textes en plus d’un sens épique hors-norme. Lawrence Olivier a d’ailleurs repris avec brio Richard III dès 1955 !
Il faut bien sûr traiter de Jeanne d’Arc, dont le cinéma s’est vite inspiré ! Le premier coup de maître cinématographique à propos de la Pucelle est sans doute le Procès de Jeanne d’Arc de Carl Drayer qui date de 1928. Vingt ans plus tard, Ingrid Bergman tient le rôle titre dans le film de Victor Fleming dont le film est encore salué comme inspiré. En 1992, c’est Jacques Rivette qui signe une œuvre moins épique et démonstrative mais très fidèle à la réalité historique avec ses deux films sur Jeanne d’Arc, superbement interprétée par Sandrine Bonnaire : 1- Les Batailles, 2- Les Prisons. Il faut saluer la performance du film Jeanne captive de Philippe Ramos avec Clémence Poésy en héroïne. Prenons la peine de citer Jeanne d’Arc de Luc Besson qui ne donne une image New Age del’époque : lorsque l’on prétend réaliser une fresque historique, c’est embêtant. Prenons aussi l’exemple de la série Inquistio demeurée célèbre pour sa médiocrité : le médecin juif qui fait une césarienne, l’inquiétant inquisiteur qui tient plus du doloriste tendance Belle Époque et Catherine de Sienne en tueuse de masse… L’audience fut heureusement à la hauteur de la série : faible.
Entre la Renaissance et la Révolution, le cinéma s’est inspiré de grands personnages et des heures de gloire ou de douleur de notre pays. Cependant, aucune œuvre ne traite de 1515, Marignan, ou de la défaite de Pavie. Pour le rire grivois, notons Sans peur et sans reproches de et avec Gérard Jugnot qui traite avec humour gras de la naissance du mythe Bayard. A regarder sans imaginer que cela est historique, tout comme Les Visiteurs (quoique parfois ces films sont plus réalistes que certains navets.) Il faut relever Le métier des armes sorti en 2002, réalisé par Ermanno Olmi. Le film traite de la fin de Jean de Médicis, commandant de l’armée pontificale. Les guerres de religion sont le sujet de La Reine Margot qui malgré de bons acteurs ressemble plus à Tarantino tant la violence y est crue et montrée avec jouissance… Il faut reconnaître que la Saint-Barthélemy dont le film traite fut cruelle et que le film a l’avantage de montrer que Paris fut investie voire même envahie de huguenots pour le mariage de Henri de Navarre et Margot, ce qui explique le ressentiment des parisiens qui se déchaînèrent. Ledit mariage n’eut cependant jamais lieu dans la cathédrale Notre-Dame de Paris mais sur son parvis puisque le marié était huguenot. Il y eut quelques années auparavant l’excellent Catherine de Médicis avec Alice Sapritch qui retrace efficacement la vie de la reine. La série La Dame de Monsoreau, issue du roman de Dumas et réalisée en 1971 reste une belle évocation des intrigues sous Henri III malgré quelques longueurs.
Les règnes de Henri IV et Louis XIII mais aussi le Grand Siècle sont avares de grands films. Par exemple, la nullité des Trois Mousquetaires avec Orlando Bloom est saisissante : les navires deviennent volants et Louis XIII se promène dans la Grande Galerie (actuelle Galeries des glaces)… Il vaut mieux regarder D’Artagnan, c’est dire ! Il y a cependant des films à voir ! Louis, enfant roi de Roger Planchon, sorti en 1993, est une fresque savoureuse et historique de la jeunesse du Roi Soleil, narrée par son frère, Monsieur. Les dialogues sont vifs et bien ancrés dans le parler d’alors… Mention spéciale au jeu des acteurs. Deux ans plus tard sort le téléfilm L’allée du Roi de Nina Companez qui évoque la vie de Madame de Maintenon, le tout est tiré du roman de Françoise Chandenagor. Enfin, le long métrage d’Albert Serra La mort de Louis XIV, est sorti en novembre 2016 : il s’agit sans doute du film historique le plus véridique depuis Louis, enfant Roi !
La révolution au cinéma alterne entre propagande sérieuse et trop historique ou films navrants. Le panégyrique La Révolution française de Robert Enrico est une commande de l’Etat… Hors de l’idéologie propagée, le film sonne comme un documentaire plus qu’une fresque. Jean Renoir s’était essayé à la chose en 1937 lors d’une commande de la CGT (rien que cela est digne d’un scénario !) mais avait réussi à livrer un moment du film à la gloire des Gardes suisses, ce que le syndicat national n’avait ni dû voir venir ni apprécier ! Marie Antoinette, reine de France de Jean Delannoy et avec Michèle Morgan dans le rôle titre est un beau film de 1955 mais a sans doute un peu vieilli. Il reste plus historique que Marie Antoinette de Sofia Coppola ! Cette dernière a voulu bien faire et rendre la frivolité de la reine mais a oublié l’histoire : aussi légère qu’elle put l’être, la souveraine eut toujours conscience de son rang de ses devoirs et sans doute plus que son époux… Parlons encore de Danton d’Andrzej Wajda qui raconte sans concessions la vie et le rôle du révolutionnaire joué par Gérard Depardieu mais qui décrit aussi les ressorts de la violence et du totalitarisme. Enfin, un OVNI : L’anglaise et le duc d’Éric Rohmer qui date de 2001. L’œuvre mélange décors peints et vrais personnages. Le résultat est étrange mais plutôt sympathique et reste fidèle à la réalité historique tout en traitant de l’amour de Jane Seymour et du duc d’Orléans. On peut regarder, si l’on est (très) courageux Les Mariés de l’An II par Jean-Claude Rappeneau (1970) ou Chouans ! de Philippe de Broca… Ce sont de bons navets !
L’époque napoléonienne est riche en films tant elle prête à l’imagination. Napoléon d’Abel Gance de 1925 dure 5 h 30 ! La suite de ce film muet, Napoléon Bonaparte, qu’il réalisa en 1934, ne dure lui que 2 h 15 (ouf !) Parmi les innombrables films, citons celui de 2002 basé sur la biographie de Napoléon par Max Gallo : Napoléon est tourné avec Christian Clavier et John Malkovitch. Si ce dernier reste peu crédible, il faut noter la performance de Clavier. On pourra surtout regarder Le Souper avec Claude Rich notamment, le film raconte un dîner donné par Talleyrand dont on connaît le goût pour la politique autour de la table.
Pour terminer, je n’évoquerai pas les films traitant du siècle passé mais je m’arrêterai sur l’œuvre de Pierre Schœndœrffer : La 31e section qui traite de la Guerre d’Indochine, Le Crabe-Tambour qui évoque le Commandant Guillaume et son commandement, et enfin L’honneur d’un capitaine, sublime film sur la guerre d’Algérie. Il faut aussi bien sûr avoir vu La traversée de Paris par Claude Autant-Lara, et Marie-Octobre par Julien Duvivier.
Je souhaite à tous les lecteurs de Vexilla Galliæ un très joyeux Noël, rempli de films !
Charles d’Antioche