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[Ex-Libris] « Dieu, la science, les preuves » de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies (1/2)

Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies, Dieu, la science, les preuves, Guy Trédaniel, Paris, 2021.

Ce livre paru en novembre 2021 ne cesse de faire parler de lui dans les milieux catholiques (et au-delà) : c’est le grand succès de cette année !

Votre serviteur l’a lu et analysé pour vous. Pour les gens pressés, voici la conclusion, les explications venant ensuite : c’est un livre à mettre entre toutes les mains des gens loin de la foi et de Dieu, et dans les mains de fidèles chevronnés dans la foi pour glaner des arguments apologétiques, mais il faut éviter de le lire sans avertissement (que ce modeste ex-libris tentera de donner) ou de le faire lire à des commençants ou à des chrétiens peu assurés dans la foi.

Disons-le tout de suite : ce livre doit être salué pour ce qu’il est, soit un livre d’apologétique osé et adapté à la doxa contemporaine, imbibé de scientisme, de matérialisme et d’athéisme.

Soulignons aussi que le succès de ce livre prouve que le sujet religieux revient sur le devant de la scène, sans honte et sans gêne, et sans que cela ne fasse scandale : nous avons un peu de mal à imaginer qu’un tel livre, il y a 20 ans, n’aurait pas été mis au pilori tout de suite.

Saluons encore la préparation de ce livre sous le patronage de la famille Bolloré, qui a su mettre au service du Christ des savoir-faire économiques et commerciaux, si souvent usés pour des sujets au mieux futiles, au pire pervers, au point que ces techniques ont tendance à être rejetés en bloc par nos milieux, de façon tout à fait compréhensible.

Saluons encore la belle facture du livre en tant qu’objet, chose rare aujourd’hui. La présentation est aérée, le style extrêmement bien travaillé et agréable à lire (malgré ses près de 600 pages, on le lit rapidement), et la nomenclature colorée et illustrée rehausse encore le tout (tout en sobriété et sans exagération, ni surcharge).

Le but du livre est clair : prouver par la science l’existence d’un dieu créateur, rien de plus et rien de moins.

Pour ce faire, les auteurs analysent l’histoire des sciences fondamentales depuis un peu plus de deux siècles, en rassemblant de façon très précise toutes les connaissances sur ces sujets, et en le vulgarisant pour que tout le monde qui a fait un peu de sciences puisse comprendre. Ils ont pour ce faire réussi à obtenir la collaboration de nombreux experts, dont la préface signée par un prix Nobel ajoute encore à l’autorité. Les notes sont nombreuses – peut-être un peu trop nombreuses, pour en rajouter sur l’aspect « nous ne disons rien sans fondement scientifique ».

Il faut ainsi prendre ce livre tel qu’il se présente et se veut : un pur livre d’apologétique qui s’adresse à la personne lambda de notre temps en France en 2022, soit loin de la foi mais avec un fond catholique certain, souvent matérialiste, athéiste et vouant une adoration sans limite pour les sciences et la raison.

Ce n’est ni un traité de théologie, ni un traité de philosophie, ni un manuel scientifique, mais un livre fait pour convaincre la personne lambda qu’un dieu créateur existe, et que cela est prouvé par la raison via les sciences.

L’ambition en soi est juste, car il est de foi que l’on peut prouver par la raison « l’existence d’un dieu créateur ». Aristote l’avait déjà fait. Et ce livre s’attache essentiellement non à des arguments philosophiques, mais scientifiques.

Le livre se divise en deux parties, en fait trois : une partie sur la cosmologie et comment ses résultats depuis un siècle prouve l’existence de Dieu, une partie sur le vivant, et une dernière partie sur les preuves non-scientifiques, soit les preuves philosophiques d’une part, mais aussi une analyse très bien faite du miracle de Fatima.

Notons tout de suite un regret : il aurait été très utile d’avoir aussi quelques chapitres sur la théorie de l’évolution, qui est le credo des contemporains ; mais peut-être que les auteurs ont jugé que s’attaquer à ce sujet aurait freiné les lecteurs potentiels à acheter le livre — car tous les choix ont été fait pour être le plus mordant possible, mais sans s’aliéner le lectorat ; ainsi le choix du miracle de Fatima et non pas celui du linceul de Turin.

Nous n’allons pas résumer le livre car cela serait trop long, nous nous contenterons de citer quelques éléments qui nous ont marqué en matière apologétique. Nous le répétons, mais nous avons appris quelques arguments qui peuvent être très utiles dans des discussions ou débats apologétiques. L’autre grand mérite de ce livre est de donner une présentation objective et synthétique de l’histoire des sciences au XXe siècle : à ma connaissance, c’est la première fois qu’une telle synthèse est réalisée en français, et ce n’est pour rien : exposer cette histoire est déjà un argument apologétique en soi. Car qu’apprenons-nous ?

Qu’aujourd’hui plus aucun scientifique ou presque ne tient véritablement une position athée du fait des découvertes scientifiques – cela ne veut pas dire qu’ils sont convertis, simplement que nombre de scientifiques admettent une existence créatrice.

Qu’ainsi, en un siècle à peu près, la vision de notre univers a été bouleversée si on la compare aux sciences newtoniennes, et que tout tend à prouver l’existence d’un dieu créateur : début et fin de l’univers, règlement de l’univers, temps et espace finis, complexité du vivant et impossibilité de la création du vivant sans acte extérieure, etc. (Notons-le au passage, même si ce n’est pas très important : le fait que l’univers ait un début ou non ne change rien en soi : c’était déjà un vieux débat scolastique au 13e siècle : Saint Thomas affirmait déjà que l’univers aurait pu être créé éternel même si ce n’est pas le cas dans la réalité[1]).

Le chapitre 6, historique, est très parlant : il expose toutes les persécutions, par les soviétiques en particulier, de scientifiques défendant la nature non-éternel de l’univers. L’argument apologétique est d’autant plus fort que ces scientifiques n’étaient généralement pas chrétiens. Il est aussi intéressant, dans les chapitres 14 et 15, de suivre le cheminement de grands scientifiques, comme Einstein, qui ne voulait pas admettre les conséquences de ses propres découvertes au début, puis a dû se rendre à l’évidence, et est passé d’une position foncièrement athée à une position agnostique.

Certains chapitres de la seconde partie sont aussi utiles : les Hébreux de l’Ancien Testament possédaient des connaissances scientifiques bien plus précises que tous les autres peuples… grâce à la Bible ! Leur science était plus avancée que celles des Grecs eux-mêmes, pourtant censés avoir inventé la science ! Les Hébreux étaient ainsi les seuls à ne pas croire que les astres, le soleil et la lune étaient des divinités, mais seulement des « luminaires ».

L’analyse du miracle de Fatima est aussi bien faite.

Voilà pour tous les bons côtés, nous exposerons dans la seconde partie de notre articles les limites et la grande faiblesse de ce livre.

À suivre…

Paul-Raymond du Lac

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !


[1] La thèse en philosophie de l’abbé Grégoire Célier, soutenue à Paris IV sous la direction de Ruedi Imbach, traitait de ce sujet. Elle a été publiée en 2020 sous le titre suivant : Saint Thomas D’Aquin et la possibilité d’un monde créé sans commencement (éd. Via Romana).

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