[Entretien] De vie, de mort, d’amour par Gabriel Privat
Notre ami Gabriel Privat, contributeur régulier sur Vexilla Galliae, vient de publier, aux éditions Artège, un recueil de nouvelles, De vie, de mort, d’amour. En dix tranches de vie, l’auteur nous fait réfléchir aux questions de la fécondation artificielle, de la fin de vie, de l’accueil de l’enfant à naître, de l’espérance d’enfant, de la solidité de l’amour dans l’épreuve.
Vexilla Galliae : Comment est venue l’idée d’écrire ces nouvelles ?
Gabriel Privat : Tout commença durant l’été 2014. A quarante-huit heures d’intervalle, le Conseil d’État considérait que l’hydratation et l’alimentation de Vincent Lambert étaient des soins exagérés et pouvaient être interrompus, tandis que la Cour d’assises de Pau laissait libre le docteur Bonnemaison, reconnu coupable de l’assassinat de huit de ses patients en fin de vie. En un peu plus de deux jours… ça faisait beaucoup… Je me demandai ce que je pouvais faire contre cela. N’ayant ni millions à donner à un groupe d’intérêt pro-vie, ni malheureusement beaucoup de temps à consacrer à la militance politique, et ne pouvant manifester tout seul devant ma préfecture, je décidai de prendre la plume, la seule arme qui me restait, afin d’écrire une nouvelle au vitriol sur l’euthanasie.
Au fur et à mesure que la rédaction avançait, je me rendis compte, cependant, du caractère vain et desséché d’une telle entreprise. Vain, parce que nul ne me lirait, et desséché car se contenter de dénoncer le mal avec acidité, sans proposer de voie de salut, n’apporte rien à personne, blesse les personnes visées sans consoler ceux qui souffrent, ni redonner du baume au cœur de ceux qui mènent le bon combat.
Me vint à l’esprit le souvenir des Diaboliques de Barbey d’Aurevilly. Dans sa préface, le maître annonce avoir voulu écrire des récits si affreux qu’ils en deviendraient édifiants par la répulsion qu’ils exerceraient. Mais surtout, il prétendait vouloir les faire suivre par des nouvelles Célestes. Evidemment, de Célestes il n’y eut jamais. Quant à moi, je ne suis pas grand-chose par rapport à cet auteur de génie. Cependant, le principe des Célestes répondant aux Diaboliques resta et je décidai, après la nouvelle infâme sur l’euthanasie, d’en écrire une où le vieillard se préparerait avec bravoure au dernier combat et en sortirait vainqueur. Les questions de mort traitées, j’en vins à celles sur la naissance et l’accueil de la vie, avec le même principe, élargies aux questions d’adoption et du handicap. Puis ce fut le tour de la crise du couple et du pardon, avec la question de l’adultère (que vous trouverez, j’espère, dans un autre recueil, à venir), et ainsi de suite. Un petit ensemble se constitua, pierre à pierre, que je décidai, finalement, de présenter à un éditeur.
Vexilla Galliae : Pourquoi des nouvelles plutôt qu’un roman ?
Gabriel Privat : Il s’agissait, pour moi, de raconter uniquement des morceaux de vie, tel aspect très précis d’une existence, à un moment charnière. La nouvelle s’y prêtait plus. En outre, j’ai souhaité faire des récits indépendants les uns des autres, que le lecteur pourra relire facilement, méditer peut-être, et pour cela, le format raccourci de la nouvelle semblait préférable. Le roman n’aurait permis de traiter qu’un aspect de toutes ces questions éthiques.
Vexilla Galliae : Vous évoquez à travers ces nouvelles des sujets de société. Quels événements, quelles sources vous ont inspiré ?
Gabriel Privat : Pour la vraisemblance du propos, il semblait important d’ancrer toutes ces nouvelles dans des faits réels. C’est pourquoi j’ai tâché de placer ces histoires dans des lieux existant, que j’ai connus ou qui me plaisent et pour lesquels je me suis documenté. Quant aux récits, ils reprennent, en les modifiant, des témoignages entendus autour de moi ou lus dans la presse et que j’ai fouillés un peu pour en savoir plus avant d’écrire. Evidemment, il s’agit d’une œuvre littéraire, et aucune nouvelle n’est la transcription exacte de l’actualité. J’ai tenté, cependant, de m’en inspirer.
Vexilla Galliae : A qui s’adresse ce livre ?
Gabriel Privat : Ce livre s’adresse en priorité aux jeunes adultes, sortant de l’adolescence et entrant dans les études supérieures ou la vie active. C’est une étape charnière dans la formation intellectuelle et morale, celle des grands choix qui orienteront peu ou prou toute l’existence. L’éditeur l’a pensé ainsi, en proposant ce volume à partir de seize ans. Cependant, ce sont des histoires adultes, qui ne prennent pas les jeunes pour des niais et qui, me semble-t-il, peuvent tout à fait plaire à des publics plus âgés, auxquels les problématiques évoquées parleront directement pour y avoir été souvent confrontés.
Vexilla Galliae : Avez-vous d’autres projets d’écriture ?
Gabriel Privat : Comme je l’ai laissé entendre dans une réponse précédente, il me reste encore un nombre de nouvelles équivalent, prêt à la publication. Les éditions Artège n’écartent pas l’idée de publier cette suite. Par ailleurs, je travaille actuellement sur plusieurs projets de romans historiques. Enfin, dans un autre genre, je viens de livrer à un éditeur parisien une biographie de l’historien Fustel de Coulanges. C’était un vieux projet, qui me tenait à cœur depuis des années et que je suis heureux de voir aboutir.
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Résumé de l’éditeur :
« Joël revient en France après un long travail à l’étranger, pour retrouver son père indifférent à la vie. Le clan familial démontre toute sa compassion… jusqu’à l’aider à mourir ?
Lorsque mourir, c’est aussi apprendre à vivre, deux médecins discutent au bord d’une tombe au-dessus de laquelle se dresse la silhouette d’un vieil homme qui a su mener le dernier combat.
A parler d’amour, il faut parler de celui de Margot, trahie par les siens -comme raconter celui d’Ameline et des nouveaux matins.
De l’enfant sourd qui déploie ses ailes à l’adopté mal-aimé, les liens se font et se défont au rythme de la vie, du don de soi, des lâchetés et des grands courages.
Quand la vie, l’amour et la mort nous empoignent… »
Références :
Gabriel Privat
De vie, de mort, d’amour
Artège, 2016
253 pages
16,90 euros