ELSER, « un héros ordinaire » : un résistant allemand
Peut-être faut-il avoir vécu à Berlin(*) et découvert une autre réalité que celle des nazis, pour s’intéresser passionnément à ce que fut la résistance allemande, qui eut aussi ses héros et ses martyrs… restés inconnus. Peu d’allemands connaissent cette histoire de la résistance contre Hitler, les français n’en ont peut-être aucune idée. Je ne comprends cette extrême discrétion sur ce sujet que par le fait que les nazis et la gestapo ont perpétré tant de souffrance que tout le monde préfère essayer de tout oublier. C’est encore trop tôt, dans cent ans peut-être, mais je ne serai plus là pour en parler, alors, autant le faire maintenant, même et surtout si je suis en avance sur le temps, au même titre que Vexilla Galliae dans ses convictions.
Oliver Hirschbiegel, le réalisateur de ce film remarquable, met en scène avec un très grand professionnalisme, la vie d’un homme profondément attachant, au courage sans faille, qui défend ses valeurs et qui plonge les nazis dans le doute : comment un homme seul, sans aucun complice, a-t-il pu parvenir à réaliser cette bombe, qui n’explosera que quelques minutes après le départ d’Hitler. Ce dictateur a toujours eu la chance pour échapper aux attentats. Tous ceux qui ont essayé se sont heurtés à la chance d’Hitler et ont connu des châtiments qui correspondaient à leur grade.
Pour cet épisode méconnu de l’Histoire, cet homme Elser, interprété par Christian Friedel, peut nous aider à mieux comprendre le destin incroyable d’Hitler, et la résistance qui s’était mise en place contre lui, de façon individuelle souvent, rarement collective. Christian Friedel met sa belle singularité au service de son personnage, qu’il campe en homme généreux et inquiet, sensible et pourtant inébranlable dans ses positions malgré les tortures subies.
Tout commence par un coup de projecteur sur le travail d’un homme, que l’on découvre travaillant à genoux pour installer une bombe dans l’estrade où Hitler devait faire un discours le 8 novembre 1939, date à laquelle Hitler et son état-major se réuniront à Munich dans la brasserie Bürgerbraükeller.
L’homme est un simple menuisier, devenu travailleur indépendant, qui ne justifiera plus tard son acte que par son indépendance d’esprit, sa liberté d’aimer qui il veut (une femme mariée en l’occurrence) et sans aucune attache politique. Évidemment, à peine la bombe est-elle installée qu’il est arrêté et conduit devant les nazis.
La personnalité de George ELSER est d’autant plus captivante qu’il ne cédera pas aux tortures, qui sont tellement insupportables qu’il vaut mieux fermer les yeux durant leur exécution (ce que j’ai fait). La construction du film m’a paru très intéressante : on passe des séances d’horreur à des scènes de joie, de bonheur, de vérités, dans la campagne. Christian Friedel (déjà aperçu, entre autres, en instituteur dans un film tout aussi renversant « Le ruban blanc ») donne au film un rythme inattendu. C’est seulement par ce jeu subtil entre scènes de tortures et scènes de vie que l’on entre dans cette histoire qui se passe en 1939.
Ce film éclaire bien des personnalités, comme celles de ces généraux nazis qui ne peuvent comprendre comment un homme aussi ordinaire a réussi cet exploit qui a tout de même fait quelques morts, mais pas Hitler. Et parmi ces généraux, et la secrétaire qui a tapé le compte rendu des interrogatoires (sans assister aux séances difficiles de tentatives d’extorsion d’aveux) toute une palette de caractères. Ce biopic de Hirschbiegel, d’une grande qualité mérite absolument que l’on voit le film : l’exploit de Georg Elser étant quasi inconnu chez nous. Vous ressortirez de ce film avec l’envie de boire un cognac pour passer les émotions fortes subies tout au long de cette histoire…
Solange Strimon
(*) qu’il me soit permis de remercier le GOETHE INSTITUT de Berlin, qui m’a permis au fil des mois d’approfondir mes connaissances sur cette période de notre histoire, ainsi que mon amie Elena. Quoi de plus passionnant que la vérité !