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[Cinéma] Juré No.2, par Antoine Michel

Clint Eastwood, comme d’habitude, saint nous enchanter par son talent cinématographique. Que ce soit le jeu d’acteur, les plans, la façon de tourner, elle est décors, le rythme, il a de l’expérience. Comme d’habitude encore, Clint Eastwood, c’est prendre des histoires qui sont bien ficelées et passionnantes, et sur des sujets qui posent question. Dans ce film, il s’agit d’un L’Américain, qui est appelé pour siéger à un juré pour juger une personne accusée de meurtre de son épouse. En ce sens, le film est déjà intéressant pour voir comment on fonctionne la justice américaine et cette question des jurés, mais ce n’est pas l’essentiel. L’intrigue veut que, au départ, le procès semble plié d’avance. Tout accuse l’accusé. Il y a des témoins oculaires, il a un mobile, la voiture qui a tué la femme et celle qu’il possède, tout concorde. De plus, dans un contexte de féminisme ambiant, la procureur talentueuse qui plaide pour le parquet va encore enfoncer le clou et faire que cette accusé va être condamné à la peine maximale pour un crime passionnel, c’est-à-dire la perpétuité.

Sauf qu’il se trouve que le héros du film se fameux juré numéro 2 Était sur le lieu du crime. Évidemment, personne ne le sait autour de lui. Et on se rend compte qu’en fait, c’est lui le meurtrier. Lui-même ne le savait pas. C’est simplement l’exposition du lieu du crime et des faits qui lui rappelle cette soirée qu’il avait complètement oublié. Et tout indique qu’il n’a eu aucune volonté de tuer cette personne. Et c’était une soirée de grande pluie de tempête. Il heurte quelque chose, il sort pour voir ce qui se passe. Rien. Il voit un panneau qui indique attention au CERF. Donc il se dit que j’ai percuté un CERF Et repart, et c’est fini

Comme sait bien me faire Clint Eastwood avec son talent des intrigues bien ficelées, tout concorde dans ce procès pour accuser celui qui est accusé et pour innocenter ce juré numéro 2 que personne n’a remarqué e jour du crime (ce n’est pas un habitué du bar où a commencé l’incident), qui possède la même voiture que l’accusé. L’accusé, de plus, est clairement d’une petite extraction Pas très intelligent Un peu violent, tout Concorde pour l’enfoncer alors que le juré numéro 2, lui, est très bien propre sur lui et visiblement digne de confiance.

Donc ce jeu heureux numéro 2, se rendre compte que l’accusé est innocent et qu’en fait le coupable, c’est lui, que fait-il ? Il va d’abord voir un ami avocat pour lui demander s’il peut se dénoncer. Cet ami lui dit que si il fait ça, il va certainement prendre à perpétuité et donc qu’il vaut mieux pas, il ne vaut mieux pas faire dénoncer. Avant déjà un premier problème moral puisqu’il a peur de la justice et on prend ce que dit l’avocat comme une sorte de absolu Il se dénonce, il il finira forcément coupable Et avec la peine maximale – On fait semblant d’oublier qu’il y aurait un procès et que le jury peut décider d’autre chose. Tout cela est évidemment Justifier moralement ? Et pour le public ? Par le fait que ce juré numéro 2 Et marié et son épouse est enceinte de 9 mois et que donc il ne doit pas abandonner son épouse et son enfant pour la justice et pour risquer de être absent, ce qui serait quelque chose de terrible pour son épouse et son enfant. C’est le style de Clint Eastwood qui prend des histoires personnelles assez larmoyantes et qui sont vraies ou qui peuvent être vraies pour mettre le spectateur dans la peau de ce jury numéro 2 et leur dire : vous, que feriez-vous à sa place ? Pourquoi pas ? C’est une démarche intéressante que de mettre en situation de spectateur devant un cas moral difficile.

Continuons un peu l’intrigue et nous allons voir où se trouve le problème de ce film. Au début, le jury numéro 2 qui décide de ne pas se dénoncer, décide aussi de tenter de la peau de cet innocent. Il va donc parvenir à orienter le jury pour allonger les discussions, alors qu’au départ, tout le monde ou presque est convaincu de la culpabilité cet accusé. Il se trouve qu’il a un autre allié Qui se révèle être un ancien policier qui connaît bien les affaires Et qui connaît bien comment sont faites les enquêtes ? Et son flair lui dit que quelque chose est louche dans cette histoire Que les rapports ou le témoin oculaire ne sont certainement pas aussi fiables que le le prétend l’enquête. Le jour du crime, il faisait une tempête. Il était quasiment impossible de reconnaître qui que ce soit et la façon péremptoire avec laquelle le témoin oculaire, par exemple, reconnaît l’accusé, est trop forte, c’est louche. C’est de plus un marginal adonné à la boisson.

Bref, ce policier va profiter de la dimanchade pour enquêter de son côté, ce qui est interdit normalement par la loi, mais son sens de la justice ne peut admettre de laisser un innocent accusé.

Et il cherche, et il se rend compte qu’une autre voiture du même type était là cette soirée : il soupçonne le délit de fuite.

Il en fait part au juré No.2, qui commence en secret à s’affoler : cette piste pourrait véritablement remonter à lui. Il se débrouille pour faire disqualifier ce juré, pour l’objet d’avoir enquêté de son côté.

Le procureur, qui veut en finir vite avec le procès, est quand même ébranlé par ces éléments, qui ne font pas parti des pièces officielles : elle décide aussi de faire son enquête, et de chercher cette voiture. Elle visite tous les propriétaires…et visite l’épouse du juré No..2 pendant son absence. Or l’épouse se trompe, sans être volontaire, quand il s’agit de décrire la route retour de son mari ce soir-là : elle parle d’un autre lieu que celui du crime, ce qui est l’alibi parfait… Tout cela ne fait pas partie du procès ni de l’enquête.

Le juré No.2, commence à avoir peur et dirige au contraire le juré vers l’accusation… Sa « charité » pour sauver la peau de l’innocent s’évanouit aussi vite que l’étau se resserre sur lui, et sur la vérité des faits.

Et tout finit comme cela, sur cette injustice. L’épouse du Jury No.2 se rend compte après coup, mais tout reste dans le non-dit : ils ne veulent pas risquer de briser leur bonheur familial pour un meurtre dont ils n’avaient même pas conscience, et la procureur ne veut pas compromettre son élection politique, qui vient, en faisant traîner un procès facile.

Pourtant la conscience les tiraille…

Passons à la critique.

Le gros défaut de ce film est d’être désespérément humain : aucune optique divine, aucune vu d’en haut. Nous sommes dans une justice purement humaine, avec des considérations, pas inintéressantes certes, trop humaines.

Car ce cas moral ferait le bonheur des moralistes d’antan, avec la question : quel serait le jugement de Dieu sur l’âme du Juré No.2, et des autres parties prenantes ?

Le cas se présente ainsi : un homme tue sans préméditation, et sans se rendre compte qu’il a tué.

Déjà précisons qu’ici ce n’est pas aussi évident que cela. L’homme n’aurait pas du se trouver dans ce bar, s’il avait été un peu plus équilibré, mais passons. Surtout, quand il percute, comme a-t-il ne pas se rendre compte que ce n’était pas un cerf ? Il avait soit un peu trop bu, soit trop fatigué, il y a une faute de sa part, que raisonnablement il ne pouvait pas ne pas connaître. Se contenter du panneau pour déduire qu’il a percuté un cerf est un peu gros : c’est une sorte d’ignorance volontaire. Il aurait suffi de regarder le journal le lendemain, ou de revenir sur place par beau temps pour vérifier : il s’en fichait et au fond ne voulait pas savoir.

Mais passons, et admettons que cette ignorance soit vraiment involontaire et invincible.

Le jour du procès, il sait qu’il est le coupable, avec circonstances atténuantes.

Et là, malgré cela, il resté juré : le coupable est en train de juger donc.

Il y a un gros problème : au minimum il faut démissionner du juré, c’est nécessaire. Le fait d’y rester marque une duplicité du juré-coupable qui ne saurait être justifiée : le fait même de vouloir au départ diriger le juré vers l’innocence est comme une façon de se donner bonne conscience…qui ne tient que le temps où il se sent en sécurité.

Le fait, aussi, qu’il prenne comme argent comptant le conseil de l’avocat est une forme de faiblesse : et même dans ce cas, la question est de savoir s’il peut moralement laisser un innocent aller au carton, gâcher sa vie, au nom de préserver la sienne – sachant que le procès n’ait pas jouer d’avance, d’autant plus s’il va se dénoncer lui-même ce qui montre une bonne volonté, et appuie la réalité de son ignorance.

L’argument de la famille est humaine : et certainement que la mauvaise conscience qui le poursuivra, ainsi que son épouse – qui devient comme complice, et qui va se dire qu’elle vit avec un meurtrier non repentant – aura des conséquences durables sur cette famille, qui a peu de chance de devenir si heureuse que cela.

Il est donc évident, moralement parlant, qu’il fallait démissionner, et in fine se dénoncer – avec les précautions nécessaires à prendre pour que la famille soit bien faites, voire ce qui est possible pour au moins différer jusqu’à la naissance, etc.

Le fait même que, malgré de nombreux doutes, la justice condamne cet accusé à la peine maximale marque un aspect païen de notre justice moderne : dans le doute on condamne quand même, alors que normalement, pour ce genre de chose, le doute devrait amener à alléger la peine, voire l’acquitter. Cet homme plaide son innocence, et clairement il aimait cette femme : ce n’est pas un serial killer, et il est peu probable qu’il récidive… Aucune charité parmi les jurés-lyncheurs.

Enfin, le juré No.2 vivra quand même dans la peur éternel : qui sait si un jour l’enquête n’est pas rouverte ? Que le procureur, ou l’ancien flic, pris de remords, remonte jusqu’à lui ? Dans ce cas, sa condamnation sera bien plus lourde, car il a menti, utilisé sa position de juré, etc, etc…

En résumé ce film, bien fait, ne donne aucune bonne solution, alors même que, d’un point de vue catholique, c’est pourtant pas un cas qui semble si compliqué.

Même le grand cinéma est finalement assez faible…

On aimerait qu’un Clint Eastwood, à son âge, se tourne plus vers Dieu.

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France,

Antoine Michel

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