À la santé du « Roi au-delà de la mer » !
On ne présente plus Monsieur Jean Raspail* : il est écrivain, journaliste, aventurier, explorateur mais aussi et surtout chantre d’une certaine France, une France éternelle, celle des clochers de campagnes, mère de grands hommes et de valeurs traditionnelles.
Monsieur Raspail a aussi de certaines convictions politiques et c’est ainsi qu’il a pu expliquer être royaliste par « raisonnement » et défend une « incarnation du pays » dans la personne du roi*.
Le Roi au-delà de la mer, publié en 2000, est un livre parlant précisément de cette France-là et constitue une piste de réflexion pour tout royaliste. La trame du roman est une uchronie dans laquelle le prince hériter des « quarante Rois de France » décide de quitter sa vie mondaine et de disparaître en un coin reculé de l’Écosse afin de perdurer ce que l’auteur appelle le « royaume invisible » qui est un « élan de l’âme » et constitue le fondement de la pensée royaliste. Par la suite, monsieur Raspail met en scène les différentes manières par lesquelles le Prince retournera en son « royaume visible ».
Ce livre plaira à tous les royalistes car l’auteur a su – intelligemment – s’adresser au Prince sans le nommer véritablement. Son Prince n’est ni Jean, ni Louis mais Philippe VII Pharamond, nom qu’il avait déjà donné à son Prince dans le roman Sire. Ainsi, monsieur Raspail s’évite les sempiternelles polémiques dynastiques et orléanistes comme légitimistes pourront lire ces pages sans grincer des dents.
C’est aussi un livre historique car sont évoqués plusieurs épisodes de l’Histoire de France et de Grande-Bretagne pour illustrer les propos de l’auteur. Le nom même du livre fait écho à l’histoire des Stuarts et le roi destitué Jacques VII d’Écosse. Ce dernier dut s’exiler à la cour de Louis XIV et ses partisans écossais avaient pris l’habitude de signifier secrètement leur attachement à leur roi face à l’usurpateur de Londres. Ainsi, à chaque fois qu’il fallait porter un toast au Roi, les écossais n’oubliaient pas de porter leur verre au dessus d’une carafe d’eau en hommage à leur « Roi au-delà de la mer ».
Ce livre est en réalité ni plus ni moins qu’un manuel romanesque pour un retour de la monarchie. Un manuel dans la mesure où monsieur Raspail tente d’expliquer comment la France peut revenir à ses anciennes traditions royales et romanesque car différentes versions sont développées pour illustrer ce retour du Prince.
Elles sont au nombre de deux : la version soft dans laquelle le Roi, aidé de quelques fidèles, organise une action d’éclat sur quelques îles bretonnes pour se faire connaître des Français et qu’il est disposé à rétablir le « royaume visible ». La seconde est la version hard : le Roi et sa garde décident de prendre possession d’une île et de défendre avec les armes ce petit bout de terre qui constitue désormais le royaume de France.
Mais pour monsieur Raspail, ces deux versions ne valent rien sans un certain prérequis : le sacré. À juste titre, l’auteur écrit que c’est l’onction divine, plus que l’héritage qui faisait les rois de France, « pas de Dieu, pas de Roi ». Et c’est là que le bât blesse, notre société n’a plus aucune perception du sacré. La laïcité républicaine et le modernisme ont gommé, arraché, toute transcendance au sein de la société civile.
Ce prérequis du sacré pour un retour du Roi sur son trône est le cœur de ce livre et c’est en définitive la chose à retenir pour tout royaliste : si nous voulons de nouveau sacrer un Roi en la Cathédrale de Reims, il faut auparavant réapprendre le sens de cette onction.
Enfin, il ne faut pas oublier que ces hypothèses de retour royal ne peuvent se faire que si le Prince s’exile et qu’il se décide à faire vivre la grandeur de sa personne.
En attendant, je ferai comme les fidèles écossais, je lèverai mon verre au dessus d’un verre d’eau…
À la santé du Roi au-delà de la mer !
Edgard Comte