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Le vrai patriotisme, Autour de « Rome ou Babel » de Laurent Dandrieu, par Paul-Raymond du Lac

Laurent Dandrieu, Paris, Artège, 2022.

L’ouvrage a défrayé la chronique dans les milieux catholiques de la Tradition, et aborde un sujet qui naguère était une évidence mais aujourd’hui a été complètement dévoyé par l’église conciliaire.

En ce sens, ce livre compile de façon rigoureuse et journalistique toutes les opinions hérétiques, si on peut dire, et les actions qui en découlent des prélats au plus haut niveau de l’Église, qui nient la nation et soutiennent les « migrants », dans une ruée vers le mondialisme, le tout vaccin et toutes les modes écologiques planétaires.

Il rappelle ensuite quelques textes du magistère, qui mettent bien en lumière combien universalisme et enracinement sont complémentaires, combien l’unité dans la Foi ne contredit pas mais nécessite un enracinement dans son « pays », puisque si notre âme est universelle, notre corps nous particularise forcément.

J’aimerais ici souligner toutefois une erreur, pas en soit mais plutôt une erreur de focale, présente dans ce livre, qui n’a été relevé à ma connaissance nulle part dans les grandes critiques ici et là. En un mot, il apparaît que l’auteur n’a pas lu Jean de Viguerie, et qu’à force de vouloir protéger la « nation » contre les attaques mondialistes révolutionnaires – ce qui est tout à fait compréhensible-, il va trop loin et se trompe de « nation » ou de patriotisme, qui fleure ici et là la révolution, le nationalisme révolutionnaire… Une seconde erreur consiste aussi en un certain « indifférentisme » culturel qui voudrait faire croire que les cultures se valent, ou du moins qu’elles sont respectables en soi, en utilisant pour appuyer ce propos Lumen Gentium (p.275 par exemple), avec une erreur manifeste sur les paganismes et comment l’église les considérait. La troisième erreur, moins grave, est une conséquence de l’idéalisation de la Nation : il veut faire croire que Dieu a choisi la France pour une mission universaliste, là où Dieu a choisi les rois de France, hommes incarnés, pour accomplir une mission universaliste, être une sorte de nouvel Israël pour faire ses volontés dans le monde ; la nuance est importante, car la « France » n’est qu’une abstraction, et Dieu ne saurait élire une abstraction, car il n’appelle à la Vocation que des hommes et, en l’occurrence, des familles et leurs sujets, ici nos Rois et ses sujets.

Faisons un tour d’horizon de ces sujets, importants à notre sens pour ne pas retomber demain dans un cycle révolutionnaire.

1. Le Vrai patriotisme

Tout le chapitre « L’identité nationale porte une valeur spirituelle » est problématique car il entretien le flou sur la notion de nation, tantôt parlant effectivement d’un enracinement charnel, tantôt désignant comme l’état-nation révolutionnaire dissolvant les nations particulières (bretons, basques, etc) qu’elle contient. La confusion est classique, et de nombreux auteurs ne parviennent pas à se sortir de cette matrice très post-révolutionnaire, mais il va falloir s’en sortir si l’on veut véritablement restaurer la France et sauver notre pays.

La patrie dont parle l’auteur est malheureusement révolutionnaire : il admettrait qu’il est normal de mourir pour elle, ce qui est le patriotisme révolutionnaire que Jean de Viguerie décrit dans son fameux livre « Les deux patries », au contraire du vrai patriotisme qui ne demande pas à ses enfants de mourir pour elle, mais simplement et au contraire aux aînés dans le pays, aux parents des sujets, les nobles dirigés par le roi, de protéger ses enfants. Tout mort pour la patrie est une tragédie dans une société chrétienne traditionnelle, là où la modernité revient à l’état idolâtré qui nécessite le sacrifice de ses enfants pour sa grandeur… Comme la Rome païenne ou tous les grands empires païens…Et dans cette conception, plus il y a de morts pour la patrie, mieux c’est, ou du moins mourir pour la patrie devient une fin en soi, là où avant c’était toujours une tragédie parfois nécessaire pour une fin plus grande : protéger le bien commun.

Les discours sur l’identité sont aussi tout à fait anachroniques : il prend par exemple le cas du Japon (p.224) en expliquant que la religion catholique fut persécutée car elle serait prétendument étrangère, et pour illustrer cela il prend le film et roman « Silence », œuvre qui est hérétique d’un point de vue la doctrine (faisant croire que préférer l’apostat au martyre pourrait être justifié), et faux d’un point de vue historique (oubli terrible de la conversion in fine du prêtre qui apostasie, et donc de son retour à la foi et sa fin de martyr, et oublie de l’horizon céleste). Bref, ce qui est sûr c’est que la religion ne fut pas persécutée par peur d’une quelconque agression de l’identité japonaise : ce fut un prétexte utilisé dès les temps de la persécution pour justifier l’injustifiable extermination de tous les chrétiens japonais, là où au contraire les japonais de toute extraction se convertissaient massivement, et, grâce à la foi, ont posé les fondements de la culture « dite » japonaise (comme la cérémonie du thé par exemple, ou de nombreux mets culinaires, et même des formes administratives).

Ces persécutions furent simplement le prétexte à la naissance d’un « nationalisme » artificiel nippon faisant croire que les scories païennes constituaient une identité japonaise, là où, non content de constituer des rites démoniaques, la religion de l’époque est essentiellement issue de l’importation chinoise et bouddhique (et non seulement la religion, mais toutes les institutions). Il est d’ailleurs frappant de constater que l’un des premiers seigneurs chrétiens fidèles, célèbres et très japonais, le saint Ukon Takayama, fut particulièrement persécutés, car justement son existence démontrait un peu trop brillamment la compatibilité complète d’être chrétien et bon samouraï japonais fidèle à son suzerain.

Le vrai patriotisme n’a rien à voir avec une idée ou une identité, mais avec l’enracinement charnel à son « pays », en pratique sa famille élargie, son village, et l’espace que l’on peut parcourir en quelques jours de voyage à pied, plus ou moins. Les « pays » qui parsèment notre pays sont la véritable patrie charnelle de tout un chacun, et c’est la seul pour laquelle on pourrait mourir : je me bats pour protéger mes enfants et mon village, mais je ne bats pas pour protéger des inconnus qui habitent à des centaines de kilomètres de là.

Et si j’y allais, j’irai par fidélité au Roi et sur sa demande, mais pas pour des causes de patriotisme charnel, mais de fidélité à mon bon roi.

Cela est si vrai, qu’avant la Révolution, il est très classique de pouvoir être sujet français, mais se battre contre le roi de France ici et là pour des causes de liens vassaliques, de promesses ou de fidélité, ou de justice, sans que cela ne pose aucun problème.

Mon vrai pays, ma patrie, est la Gascogne, et mon suzerain est le Roi de France, mais ma patrie n’est certainement pas la « France ».

2. La naïve et erronée louange des paganismes.

L’autre erreur fondamentale consiste à croire que l’Église reconnaît et aime les cultures païennes, en en prenant soin pour elles-mêmes. Pour prouver cela il cite pèle-mêle des textes récents et hétérodoxes, comme Lumen Gentium, ou ce qui se passe en Amazonie, et interprètent de façon erronée des pères de l’Église.Nous ne sommes pas loin d’accepter la « liberté religieuse »…

Prenons un exemple. Il cite saint Grégoire le Grand (p.220-221) : « Veillez à ne pas détruire les peuples païens, mais à les baptiser ; faites-y dresser des autels, placez-y des reliques. Là où le peuple a coutume d’offrir des sacrifices au démon et à ses idoles, permettez-lui de célébrer à la même date des festivités chrétiennes sous une autre forme. »

Et l’auteur commente : « saint Grégoire le Grand commandait déjà de christianiser leur culture au lieu de chercher à la détruire ou à la remplacer ».

L’usage du mot « culture » est problématique, car détruire tous les rites païens est pris normalement comme une destruction de « culture ». Donc il y a des « cultures » à détruire : tout ce qui est de rite démoniaque, et tout ce qui est contraire aux lois divines et naturelles (comme le suicide rituel, la polygamie, etc). Tout cela est de la « culture » pourtant. Mais saint Grégoire recommande de les détruire. Et ceux qui ont des idoles et se convertissent sont priés de s’en débarrasser (souvenons-nous de Saint Rémi disant à Clovis « brûle ce qui tu as adoré »).

Alors de quoi s’agit-il ? De travailler sur le réel et sur le vieil homme pour faire naître le nouvel homme : et là effectivement c’est un grand progrès, car dans un impérialisme de type païen (dont le globalisme n’est que l’expression contemporaine) on massacre tous les récalcitrants jusqu’au dernier (cf Carthage, ou la façon « normale » dans le monde non-chrétien de faire la guerre : tuer les hommes, réduire en esclavage femmes et enfants).

Donc le « respect » de la culture antique par les chrétiens n’existe qu’en tant que l’Église s’adresse à des hommes réels, et que dans toute culture il y a des sagesses naturelles justes et vraies, et que, souvent, la plupart des coutumes sont indifférentes moralement ou selon la vérité.

Cela dit, ce n’est rien de plus non plus, et il n’y a pas de « respect » en soi des « cultures » païennes : simplement un examen à la lumière de la Foi de la justesse ou non de tel mœurs ou telle pratique. Et quand il faut jeter, on jette sans hésiter ! Pour l’amour de Jésus.

3. Pourquoi essentialiser la nation est très dangereux ?

Faisons-nous l’avocat du diable, et pratiquons en pratique l’esprit chrétien face aux erreurs des gentils dans le contexte du mondialisme contemporain.

Le mondialisme est un impérialisme païen révolutionnaire et dangereux, voulant détruire tout ce qu’il peut, et même le naturel.

Mais comme tout paganisme, s’il vit dans l’erreur, cette erreur se fonde sur une part de vérité, sinon elle serait absolument inacceptable.

Quelle est le fragment de vérité du mondialisme ?

Le fait que, normalement, les nations ne devraient pas exister, et qu’au fond, les nations et les pays sont un signe de notre chute.

Pourquoi peut-on dire cela, à la lumière des Écritures ?

A la Création, Adam et Eve n’avaient pas vocation à créer de la division dans leur descendance, et même après la chute, il a fallu le premier assassinat pour qu’un groupe issu de Caïn soit exilé, sans encore être séparé de la famille première. Il faut attendre l’hybris « babelien » pour que Dieu punisse l’humanité en les divisant pour toujours en différentes nations parlant différentes langues et ne se comprenant plus entre elles : en ce sens, la création des nations est une punition divine nous empêchant de retrouver une unité terrestre, qui était naturelle au départ, mais rendue « impossible » du fait de notre nature déchue et de nos péchés répétés.

Et dans ce contexte il est vrai que les « nations » sont devenues « co-naturelles », et que dans le monde déchu c’est notre condition normale (et donc en ce sens les nations doivent être acceptés comme nécessaires à notre vie terrestre). Il est vrai en même temps qu’au départ nous n’aurions pas du être dans cette situation, comme nous aurions dû éviter la chute s’il n’y avait pas eu le péché. Comment pourrait-on imaginer des parents qui aimeraient voir leurs enfants divisés et ne se comprenant plus les uns et les autres, si ce n’est pour les punir ?

Et il est vrai qu’en pratique ces divisions mal encadrées et poussées à un point où il n’y a plus de relations entre clans endogamiques, produisent la guerre : l’Église, dans sa sagesse, a toujours appliqué des règles très strictes en terme de mariage pour éviter une endogamie trop importante, qui provoque le « repli sur soi » et augmente les risques de conflit. Les règles du mariage de l’Église « forcent » les différents clans à s’ouvrir sur les autres clans, d’où le début de la Chrétienté politique, harmonie la plus parfaite possible sur terre entre pays (avec beaucoup de tensions néanmoins) qui permet une unité dans la Foi, une stabilité par les cousinages entre grandes familles et un règlement des conflits de façon chrétienne, respectant la justice et la miséricorde.

Conclusion.

Rendons hommage à cet ouvrage, qui pose une question importante. Les critiques ci-dessus ne remettent pas en cause la qualité de l’ouvrage et la justesse des descriptions de la situation actuelle, qui est catastrophique.

Nous espérons qu’il y aura une suite, creusant la question plus profondément et remettant chaque chose à sa place, pour ne pas tomber dans un « nationalisme chrétien », autre sorte d’idéologie révolutionnaire…

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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