[Point de vue] Laissons la République mourir !, par Rémi Martin

En 1871, le très révolutionnaire et anti-Français Bismarck indiquait à son ambassadeur plénipotentiaire en France, après une analyse d’anthologie de la politique française, qu’il fallait tout sauf un Bourbons à la tête de la France, et y favoriser au contraire les républicains, cela pour détruire la France et favoriser la toute nouvelle Allemagne « unie ».

Laissons-lui la parole, d’abord sur les Bourbons1 :

« Il n’en est pas de même des Bourbons. Combattez surtout la fusion entre les deux branches de cette maison. Les Orléanistes, seuls, ne seraient qu’un moyen terme. Ils auraient encore pour adversaires les trois autres partis, et laisseraient la France divisée. Ce qu’il faut surtout empêcher, c’est leur fusion avec Henri V, c’est l’avènement de la légitimité :

1°) Parce que celle-ci représente l’unité et la grandeur de la France, par la conquête successive de ses provinces, y compris l’Alsace et la Lorraine.

2°) Parce qu’elle représente les idées d’ordre, de droit, de religion, qui sont les éléments sociaux de conservation et de grandeur.

3°) Parce que le principe de transmission héréditaire du pouvoir, exclut les ambitieux, les mécontents, les avocats qui s’entendent si bien à jeter leur pays dans les hasards des révolutions, pour pêcher en eau trouble.

4°) Parce que, le retour à ce principe, ramènerait la confiance, les affaires et la prospérité publique.

5°) Parce que le comte de Chambord, dans ses proclamations, a fait voir qu’il était à la fois homme de cœur et Roi libéral dans le bon sens du mot, conservant du passé et prenant du présentée qu’ils ont de bon.

6°) Parce que la monarchie des Bourbons a toujours été le symbole de l’honneur et de la fierté patriotique. Je me rappelle que lorsque l’ambassadeur d’Angleterre vint, en 1830, dire au prince de Polignac que son pays s’opposait au débarquement des troupes françaises à Alger, le prince lui répondit simplement : Milord, la flotte française appareille de Toulon tel jour ; s’il vous plait d’essayer de lui barrer le chemin, libre à vous. »

Passons ensuite au paradoxe français, ou plutôt à l’arnaque républicaine, qui est d’une étonnante actualité :

« La France offre ce phénomène d’une République qui ne peut durer huit jours sans tomber dans le sang ou dans la boue, qu’à la condition d’être gouvernée par des Monarchistes. Les Républicains proprement dits ne fournissent que des sujets comme les préfets et sous-préfets nommés par Gambetta, c’est-à-dire des ignorants et des incapables. Aussi, les dupes honnêtes dont je parle plus haut disent-ils naïvement qu’ils veulent la République sans les Républicains. Dès lors il serait plus simple et plus logique de revenir de suite à la monarchie. Comment, en effet, exiger des monarchistes qu’ils se dévouent toujours à faire aller une machine dans laquelle ils n’ont pas confiance ? De quel droit demander ce sacrifice à leurs convictions? De la part de gens qui se croient républicains, il y a même peu de dignité à le demander, car c’est faire l’aveu de la nullité de leur parti et prononcer sa condamnation. Mais ce n’est pas notre affaire. Ne songeons qu’à profiter de la sottise et des divisions des Français.

Donc la République française, malgré sa belle devise sur les murs, dès qu’elle ne sera plus entre les mains des royalistes, qui la font vivre provisoirement, tombera d’abord entre les mains des intrigants et des incapables, jusqu’à ce qu’elle retombe entre les mains des criminels d’où elle sort à peine. C’est inévitable. Quand une Nation n’a plus le frein de la religion et des mœurs, que le frein de la force est le seul qui la contienne, tout est possible, même l’avènement d’un demi-million d’Erostrates, du jour où la force tombe entre leurs mains comme au 18 mars. »

Cette analyse s’applique à toute l’histoire politique de la France depuis la Révolution : quand la République apparaît comme un « moindre mal », c’est  en raison du choc traumatique créé par les terreurs et horreurs révolutionnaires, qui fait craindre aux Français de nouvelles persécutions dans le cadre de sa chute potentielle ou d’un changement de régime. Paradoxalement, la longévité relative des différentes républiques doit beaucoup au fond chrétien de la société, qui rend les Français civilisés (c’est ce qui disparaît aujourd’hui), mais aussi à la gestion réelle du pays par de vrais bons Français, royalistes et conservateurs, qui venaient comme rattraper ou édulcorer les folies maçonniques et révolutionnaires suscitées par les politiciens professionnels pour contrer l’Église et la France.

La Ve République fut en cela une sorte de parachèvement de cette arnaque républicaine, installant un certain nombre de conservateurs du patrimoine et de l’ordre à de nombreux postes clefs, pour ne rien changer au fond révolutionnaire du nouveau régime…

Bref, la France « républicaine » ne fonctionne à peu près que lorsqu’elle est gérée par de bons Français de toujours… Aujourd’hui, ces Français se font rares, et ils sont de plus en plus rares dans les corps de l’État et dans les administrations ! Alors, que faire ?

En tant que légitimiste, il faut nous battre sur les terrains où nous pouvons encore agir : notre restauration personnelle par l’étude des bons principes, la mise en ordre de notre vie naturelle et surnaturelle, la restauration de nos familles, la restauration de nos paroisses, la protection de nos villages, etc. Faut-il chercher à peser politiquement pour freiner les lois folles qui arrivent à toute vitesse ? Une génération plus ancienne le fait systématiquement, et c’est tout à son honneur. D’autres vous diront qu’il ne faut plus rien faire pour endiguer les folies étatiques, et compter sur l’accélération et la saturation qui conduiront à l’écroulement général : la République ne tient au fond que par notre résistance dans le système, qu’on ne peut pourtant plus sauver.

Il nous faut construire en parallèle, comme des corsaires qui se faufilent entre les navires gouvernementaux, en course pour le roi, et faisant du butin sur le dos de la République quand cela est possible ! C’est une vie dangereuse, mais assez palpitante aussi. Pourquoi devrions-nous indiquer à ces navires ennemis les icebergs et les récifs vers lesquels ils se dirigent ? Parce que nous sommes dessus, vous me direz. Certes, mais de toute façon le bateau va s’écraser, alors au lieu de perdre notre énergie à retarder l’inévitable, nous ferions mieux de nous presser à fabriquer d’efficaces radeaux de fortune, voire de vrais navires de guerre portant une nouvelle armée royale pour que, le jour du combat, nous puissions faire le ménage et nous débarrasser dans la foulée de toute la folie révolutionnaire.

Retirons-nous de ce bateau, n’agissons plus pour le Titanic de la Révolution, et laissons-les à leur chienlit ! Qu’ils s’écrasent !

Nous, nous avons un navire à retaper, le navire royal, ainsi que la barque de Pierre, dont nous sommes tous des planches et des compartiments : il suffira que quelques-uns soient sains pour que, quelque soit le chavirement, notre insubmersible ressorte à la surface et reprenne la direction du port !

Évidemment, il nous faudra tendre la main à tous ceux qui veulent venir sur notre barque pour se sauver de la galère républicaine ! Mais cessons d’agir dans l’ombre pour rattraper les conneries de nos persécuteurs, qui font croire au tout venant que ces sauvetages in extremis sont de leur fait, alors qu’il devient de plus en plus évident pour tout le monde qu’ils en sont les premiers instigateurs !

Rémi Martin

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !