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Asahi, ou la vraie fausse tradition, par Paul de Beaulias

Les plus petits détails en disent parfois plus long sur la situation d’une époque que de grands discours. Je buvais l’autre jour une bière après une bonne journée de labeur — jusque-là, rien qui présageait que j’allais entrer dans une réflexion quasi-philosophique à partir de la boisson à houblon des barbares du nord (pardonnez-moi, c’est mon côté gascon ; mais vous remarquerez qu’on s’adapte facilement aux barbares, puisque j’en bois moi aussi…).

Bref, je regardais tranquillement la canette de cette bière, une nouvelle marque que j’avais essayée, victime du syndrome de l’acheteur en supermarché qui, ne sachant pas quoi acheter devant un rayon, va se diriger vers tel ou tel produit, par suggestion plus ou moins subliminale de cette ingénierie sociale aux divers noms tous aussi bling-bling (marketing, packaging, et je ne sais quoi encore, bref la « pub » quoi)…

Faisons une analyse sémiologique de cette canette de bière — en clair, regardons-y de plus près et voyons ce que nous disent les signes présents sur cette canette. Première caractéristique : le « New », en bien gros, sur fond rouge. Ce trait est d’ailleurs caractéristique de tous les produits ici, au Japon. Il faut absolument être « neuf », et vous l’aurez soit en japonais () soit en anglais, selon le produit et le degré de déracinement de celui-ci. Ce phénomène est typique du monde révolutionnaire : il faut être neuf, nouveau, jeune. 

Cela se voit aussi au Japon dans la succession excessivement rapide de nouveaux produits : bières, chips et autres produits de ce type proposent sans cesse de « nouveaux » produits, en fonction des saisons par exemple : la succession est si rapide, qu’en fait, après quelques années, on se rend compte qu’il n’y a pas grand-chose de nouveaux et qu’on tourne en rond, mais il faut donner l’impression du neuf.

Néanmoins, dans le même temps, il faut faire semblant d’être traditionnel. Le Japon est certainement LE pays de la vraie « fausse tradition » : on entend souvent dire que le Japon sait mêler tradition et modernité. Cela est faux, le Japon est mangé par le poison révolutionnaire et se fourvoie dans une Modernité terrible, en gardant simplement certaines écorces, certains masques sortis d’un autre âge, mais sans aucun esprit traditionnel.

Regardons la canette. Vous avez sous le « blason » — sur lequel nous allons revenir — la mention « since 2020 ». Pour qui aime le « vintage »… mais, comment dire ? je ne suis pas certain que cette mention soit vraiment encourageante pour l’acheteur…  Ils n’ont décidément pas peur du ridicule ! J’ai déjà vu des mentions « since 2023 » ! Pourquoi pas « since yesterday and bankrupted today » ? Évidemment en anglais…

Le meilleur, c’est le blason — du houblon, c’est logique, supporté à dextre par un lion et à sénestre par une licorne, rappelant fortement les armoiries du roi d’Angleterre… pourquoi ? — avec cette magnifique devise : « The Rich ». Une forme ancienne, bien qu’anglicisée sans aucune raison, au service d’un pan de la Modernité, ici le mercantilisme. Quoi de mieux ? Et puis en gros, une fois encore, « The Rich »… Ils y tiennent !

Ou comment faire apparaître la révolution sous couvert de codes soi-disant traditionnels… sur une canette de bière.

Paul de Beaulias

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !

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