La question du fatalisme et de la liberté, par Paul-Raymond du Lac
Cette question du « destin » est un sujet d’achoppement de nombreuses âmes lors des conversions : comment concilier la toute puissance de Dieu omniscient, et la prédestination bien comprise – qui n’est pas un déterminisme, mais la Sagesse (la connaissance divine) de toute ce qui va se passer en prenant en compte la liberté humaine – et la liberté humaine et le problème du mal ?
Comment admettre que le Dieu tout puissant permette la souffrance et ce qui, à nos yeux d’hommes, peut nous sembler insupportable ?
Sans la révélation il est naturel d’en venir à détester le libre-arbitre, qui peut sembler l’instrument de notre malheur : et en pratique c’est ce qui se passe peu ou prou dans toutes les sociétés païennes – ou apostates, ou hérétiques. Les sociétés totalitaires émergent forcément de cette détestation du libre-arbitre, si dangereux pour l’ordre social, la paix et « l’harmonie » (de façade).
En matière religieuse, c’est pareil : l’anéantissement devient la règle, et que ce soit de façon stoïque ou bouddhique, on veut « tuer » une partie de nous – les passions, par une mortification qui ne cherche pas à les soumettre à la volonté, mais à les annihiler, ou même la volonté, en voulant se « fondre » dans un tout, le cosmos, ou autre éveil qui déresponsabilise, ou encore, à la confucéenne, en annihilant le libre arbitre derrière un formalisme et une étiquette sociale rendant esclave volontaire d’un ordre purement formel pour maintenir la « paix ».
Le païen, ce vieil homme qui nous reste plus ou moins collé à la peau toute la vie, préfère d’une façon ou d’une autre fuir sa responsabilité plutôt que la soumettre au libre-arbitre : en devenant esclave, en l’annihilant, en l’évacuant via des formalismes rituels, ou via des « conseils » devenant « consolâtrie » qui dissolvent toute décision et toute responsabilité personnelle (la gouvernance en est un avatar, le consensus systématique aussi), etc. Nous avons tout cela dans notre société contemporaine sous des formes multiples : réunionites, « protocoles sanitaires », vote « démocratique », etc.
Passons.
Remarquons d’ailleurs que dans toutes les religions non-catholiques, peu ou prou, le fatalisme est à l’honneur. Le fatalisme islamique est bien connu ainsi que le « karma » oriental, qui veut croire que tout s’explique par des liens de cause à effet – avec cette tentation rationaliste et gnostique de vouloir croire que tout est explicable par notre raison, et que si tout a une cause, tout est déterminé, et donc on tombe dans le déterminisme et la suppression du libre-arbitre.
Le quotidien et l’histoire viennent évidemment prouver que malgré toutes ces théories le libre-arbitre, don divin, reste toujours bien là et bien vivant quoi qu’on fasse, et même dans les sociétés esclavagistes (l’esclave continue de penser malgré tout).
Revenons au problème de départ : pourquoi serait-ce scandaleux que Dieu nous laisse souffrir ? Ou pourquoi, alors qu’il sait, il ne « ferait » rien ? (toujours du point de vue humain limité car nous le savons par la Révélation la Providence pourvoie à tout, et tout est autorisé, a minima).
Cette question, qui fait douter tant de personnes, reste certes un mystère, mais, à mon sens, n’est pas si problématique que cela.
Car pour comprendre la liberté il suffit d’accepter la Révélation dans le fait suivant: « Tout vient de l’amour ».
Le donné fondamental du révélé, la « révolution » chrétienne est bien de nous rappeler que nous avons été créés pour la vision béatifique, que nous devons choisir et accepter volontairement, c’est-à-dire que nous sommes faits pour aimer Dieu. Et sans liberté, pas d’amour : on ne force pas quelqu’un à aimer.
L’expérience le prouve : il existe des cas de personnes qui aiment ce qui est pourtant détestable et qui détestent ce qui est pourtant aimable (et cela dès l’écriture, pensons à Judas). Cela montre bien qu’aimer, qui est l’acte de volonté lui-même s’attachant à une fin, est un acte libre par excellence, puisqu’on peut aimer ce qui est détestable (le péché entre autres) et détester ce qui est aimable.
L’acte de volonté nécessite ainsi la liberté, acte qui devrait pourtant être facile à poser quand on sait à quel point le bon Dieu est aimable, mais nous avons la tête dure… il suffit de lire l’Ancien Testament pour le comprendre ; si le meilleur peuple de la terre élu par Dieu est si ingrat, alors ne nous étonnons pas de notre ingratitude personnelle.
Le bon Dieu a décidé de nous donner le libre-arbitre pour l’aimer, comme don divin par excellence : il ne renie pas ses dons. Comme un bon père, il donne tout pour que ces dons soient bien utilisés et pour que nous parvenions à notre fin, c’est-à-dire lui : la loi divine, la loi naturelle, la création, tous les dons, et encore la grâce.
Si malgré cela nous refusons de façon opiniâtre, peut-il nous forcer ? On ne force pas quelqu’un à aimer. L’amour servile n’existe pas. L’amour est forcément libre.
Cette histoire de prédestination au sens où le bon Dieu sait tout ce qui se passe par avance (ou plutôt de son point de vue de l’éternité) vient même augmenter la grandeur de sa miséricorde.
Imaginez être père d’enfants à qui vous avez tout donné, dont votre vie même, que vous avez comblé de toute grâce, que vous avez éduqué comme il fallait, et malgré tout ces enfants se détournent de vous… La part humaine de Jésus-Christ a du en ressentir une terrible tristesse.
Pire : imaginez qu’à l’avance vous voyez comment votre enfant va se détourner de vous peu à peu, à chaque fois, malgré toutes les bontés que vous lui faites, et que, quoi que vous fassiez de bon, il va se détourner, de sa décision. Le bon Dieu, dans sa prédestination, est un peu comme ce père de famille qui sait qui va le trahir, et sait aussi que rien ne les détournera quoi qu’Il fasse, puisque même le sacrifice de son propre Fils pour leur salut les laisse indifférent.
Et cela n’est pas une impuissance de Dieu, au contraire ! Il nous a donné le don du libre-arbitre, un attribut divin s’il en est, et Il l’assume car il veut l’amour.
Il suffirait d’une seule âme qui L’aime pour que Son Plan soit parfait, car nous ne méritons pas d’être élevé jusqu’à lui. Et la réalité divine, pour permettre cette élévation, demande un simple acte d’amour, de charité envers Dieu, et ça Dieu ne peut pas le forcer.
Tout ce qu’Il peut faire devant la charité refusée, c’est faire justice, et envoyer les âmes coupables en enfer, le lieu qu’elles désirent, loin de lui, prouvant ainsi sa toute puissance.
Dieu, tout puissant, montre ainsi sa Gloire dans sa grande justice, et l’ordre total de l’univers est bon et beau.
Car il est bon et beau que les méchants soient en prison, ou punis, et non pas en liberté parmi les bons.
Donc tout dépend de nous.
Il n’y a pas de fatalisme, c’est une tentation compréhensible, mais le fatalisme est faux, l’expérience le prouve, la raison nous le démontre, et la Révélation nous l’explique.
Notre libre-arbitre nous permet d’aimer Dieu, et nous montre que nous ne sommes pas des « chiens » de Dieu, mais bien des fils, par son Fils NSJC.
Alors pourquoi nous perdre nous-mêmes par notre orgueil et notre amour propre ? C’est si facile d’aimer Dieu quand on y pense.
Et comment accuser Celui qui nous donne tout quand la faute est sur nous ?
L’ingratitude n’a pas de limites.
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul-Raymond du Lac