[Saga Autarcie] Article 6 –De l’autarcie à l’ouverture du pays – toujours pour la protection du pays et pour le service du divin
L’étude suivante se compose de 18 articles se suivant, à paraître à rythme hedomadaire. Articles précédents
Article 1 de la saga: L’autarcie au Japon ou le Sakoku 鎖国, première approche
Article 2 de la saga: Les origines de l’autarcie nipponne
Article 3 de la saga: Les origines du mot d’ « autarcie » au Japon
Article 4 de la saga : Autarcie, question de point de vue
Article 5 de la saga : L’autarcie, politique pratique pour la protection du pays, tout simplement
Si l’autarcie fut la meilleure solution et la plus efficace pour protéger la paix et l’intégrité du pays pendant presque plus de deux cents ans, la poussée occidentale de ce début du XIXème siècle en Asie commence à faire prendre conscience que l’Ouest poussera coûte que coûte pour ses intérêts, et que sa supériorité technologique pourrait conduire le pays à la catastrophe s’il s’obstinait à ouvrir les hostilités directement dans la situation d’autarcie où il se trouve. La seule chose qui compte, en dernière instance, est de trouver la meilleure solution pratique pour continuer d’obéir aux exigences divines, à la vérité, au bien en bref. Ce dernier point est une caractéristique traditionnelle du Japon qui, comme aussi notre Moyen-Âge occidental, ne cherchait qu’à faire de son mieux pour marcher sur un chemin de bonté et de vérité, en « se pliant au Ciel » :
« Afin de mieux comprendre le fondement de la politique d’ouverture du pays prônée par Shônan, regardons au passage suivant du « D’un pays prospère ». « Si dans ce monde où tous les autres pays commercent les uns avec les autres nous nous obstinons à garder le pays fermé, alors nous ne pourrons éviter la pression envahissante des soldats étrangers. Il serait alors très maladroit dans un contexte déjà difficile de gouvernement et d’ordre, de rassembler tout le pays pour préparer fermement notre défense, ou alors de tenter de s’éloigner du conflit voire de réfléchir à embaucher des soldats pour la défense nationales qu’ils soient guerriers ou roturiers. » Shônan remarque ainsi dans son « A la lecture du Sakokuron » que la « dynamique du temps a changé » et que l’essentiel et nécessaire est de « se plier au Ciel », même si cela signifie « qu’il n’est plus possible de maintenir la voie de la fermeture du pays ». Il a conscience que l’époque « d’un gouvernement paix harmonieux dans un seul pays » est terminé. »[1]
Cela n’empêche pourtant pas d’analyser avec une extrême exactitude et en toute logique les dangers de la poussée occidentale, dans une sorte d’intuition non formulée en particulier du danger extrême de « la pensée moderne » qui gagne partout en Occident, atteignant tous les corps saints et inversant peu à peu les vérités de toujours :
Ainsi Kurosawa Okinamaro dans son « De la xénophobie » : « On peut voir que l’étranger réclame le commerce au Japon car, certainement, il doit manquer de certaines choses. Or, tant que notre pays s’auto-suffit et produit ce qu’il faut, couplé à la frugalité proverbiale de notre peuple, la seule chose à craindre d’un commerce extérieur se trouve dans la mauvaise influence spirituelle que ce commerce extérieur pourrait apporter, c’est pourquoi il ne faut pas commercer avec l’étranger. » C’est ainsi qu’il se fonde sur le même raisonnement fondamental que le « Sakokuron » mais du point de vue non du hollandais, mais du japonais. Ensuite il présente le danger de la légèreté du jugement suivant [qu’il pense naïf] : la raison fondamentale de la venue des bateaux étrangers se trouvent dans le désir voire l’envie de pallier à des manques matériels. Ainsi donc leur comportement est conditionné par la logique du profit et de la perte, par l’avidité, et ils ne devraient ainsi pas s’engager dans une guerre au bout du monde demandant des dépenses formidables. »[2]
La vision de l’occidental décrite ci-dessus n’est pas flatteuse, et il conclut logiquement que cette avidité même devrait empêcher la guerre, forcément coûteuse. Cela était sans compter la partie idéologique révolutionnaire, toujours derrière.
La logique appliquée mérite d’être soulignée en ce qu’elle a de traditionnel : Pourquoi faire du commerce ? Simplement afin de pourvoir à ses besoins vitaux. Si notre pays s’auto-suffit, alors le commerce devient inutile et il est normal de ne point en faire. De plus, les dangers sur les mœurs et les mauvaises influences morales sont des risques trop grands pour être pris : le commerce contient en effet ce risque, que nous appelons « consommation » d’attirer le lucre et le superflu, l’inutile, de faire oublier la frugalité et la nécessité, en détournant ainsi les esprits des chemins de la vérité, dans une « distraction », au mieux, ou une « dissolution » complète de la personne au pire. On ne cherche plus le bien, on cherche le plus, toujours plus, à la limite le mieux :
« L’auteur a l’intuition profonde que même « pour les choses dont on n’a pas besoin en grande quantité », il y a le risque terrible qu’une fois le commerce amorcé et la tentation de pouvoir obtenir telle ou telle chose, le vice de « luxure » se trouve tout près et que le commerce ne pourra qu’installer durablement la racine de ce vice.»[3]
[1] Ibid, p.157 « 具体的に小楠の開国論がどのような根拠に立って形成されたかは、さきに言及した「富国論」から次の一節のみを引いて一瞥しておこう。―<方今渡海自由を得て万国比隣の如く交易する中に就て、日本独り鎖国の法を固くする時は外寇の兵釁を免るることを得ず、其時に当たって治世すら殆困極せる国勢を以て兵備を厳にし或は離叛或は払戻の士民を駆て防禦の策を建て攘夷の功を奏せん事甚だ以て覚束無次第と云うべし>。つまり「読鎖国論」に云うところの<天下之勢>が変ったのであり、<天に順ふ>ことを本然の道と見る小楠にとっては<我に在りて閉鎖して道と成す>とは言っていられなくなった。<我邦独り泰平の治を願ふ>の時代は過ぎ去った、と認識されたのである。 »
[2] Ibid, p.160黒沢翁満『刻異人恐怖伝論』 « つまり外国が交易を求めて日本にやってくるのは物資が不足しているからだろう、と見るのであり、これは、日本は自給自足が十分可能なほどに物産豊かである上に国民も寡欲だから、精神的悪影響のみが懸念される海外貿易に手出しをしないのだ、という『鎖国論』の基本の趣旨を裏返しにして相手を見た見方であるといえよう。そして外国船の来航の根底にあるのは要するに物質上の欠を補うための欲望であり、つまり損得ずくの行動なのだから、莫大な国費を費やして不便な極東の境で戦争を展開するような御苦労な真似はするまい、と多寡を括っている。 »
[3] Ibid, p.160 , « 著者が極めてまともな何かを感ずるのは、この<大かたは無くても事闕ぬ物>が、一旦交易によって自分の欲望の手の届く範囲に入ってきた場合、やがてその欲望の延長上に<驕奢の基>が根を下ろす、という実感的議論である。 »