Histoire

[Saga Autarcie] Article 13 – Le chauvinisme, le vrai, comme amour de son pays, comme sentiment sain et nécessaire

L’étude suivante se compose de 18 articles se suivant, à paraître à rythme hedomadaire. Articles précédents

Article 1 de la saga: L’autarcie au Japon ou le Sakoku 鎖国, première approche

Article 2 de la saga:  Les origines de l’autarcie nipponne

Article 3 de la saga:  Les origines du mot  d’ « autarcie » au Japon

Article 4 de la saga : Autarcie, question de point de vue

Article 5 de la saga : L’autarcie, politique pratique pour la protection du pays, tout simplement

Article 6 de la saga : De l’autarcie à l’ouverture du pays – toujours pour la protection du pays et pour le service du divin

Article 7 de la saga : L’influence de la pensée autarcique en Europe : Fichte contre la pensée kantienne

Article 8 de la saga :  Chauvinisme et pensée du Joi à la fin de l’ère Edo

Article 9 de la saga :  L’autarcie comme prolongement du chauvinisme légitimiste, réflexion sur la souveraineté

Article 10 de la saga :  Au centre et à la source, le Roi, autarcie et chauvinisme n’étant que des politiques pratiques.

Article 11 de la saga : La pression extérieure et la non-évidence de l’ouverture du pays : la signature des traités

Article 12 de la saga : L’union autour du Roi au-delà des dissensions superficielles : de l’idée chauvine purement défensive à l’idée chauvine de défense par l’expansion

Tous les contemporains possédaient des conceptions communes, dans une absence totale de pensées modernes tel que nous l’entendons, jusqu’aux héros considérés comme les plus progressistes ou révolutionnaires tel ce Sakamoto Ryoma, qui, loin des espérances de certains, visaient déjà à reformer un empire asiatique avec le Japon pour centre afin de vraiment se protéger face aux poussées barbares.

« La stratégie extérieure pendant le Bakumatsu se fonde sur le socle qui traversa aussi toute l’ère Edo de la conception de Civilisation/Barbarie particulière à l’Asie de l’Est. Tous les Japonais de l’époque étaient chauvins, seul le degré différait. L’ouverture du pays signifiait concrètement accepter le traité de commerce, qui était un moyen de parvenir à renforcer la force militaire et la puissance navale du Japon. Une fois cette puissance acquise, l’ouverture du pays devait permettre d’établir l’hégémonie du Japon sur l’Asie de l’Est.

Sakamoto Ryôma pensait de la même façon. J’aimerais souligner le fait qu’il était substantiellement chauvin, comme tous ceux de son époque, et s’il prônait l’ouverture du pays et le commerce, c’était simplement pour bâtir une puissante marine, dont sa « flotte de soutien » pourrait prendre la direction et constituer l’avant-garde de la réalisation d’un grand empire de l’Asie de l’Est de type vassalique Chinois. »[1]

Ce fond chauvin se trouve au fondement de toute l’histoire contemporaine du Japon, au moins jusqu’à la guerre, et certainement au-delà :

 « Il est clair que Ryoma visait Takeshima comme un premier pas pour aller envahir la Corée. Quarante ans plus tard, le Japon de Meiji et la Corée fusionnaient, réalisant par-là la pensée précurseur et de Ryôma et de ses compagnons. Cette conscience des relations à l’étranger ne fit ensuite que s’accentuer, et le champ s’élargit à la Chine des Qing et à toute l’Asie de l’Est, puis en fin de comptes aux pays du sud-est asiatiques, aussi inclus dans le système vassalique japonais. C’était en bref la façon pour passer « d’un petit empire barbare de l’Est » au « grand empire de l’Asie de l’Est ».  »[2]

Le Bakufu signa sa perte du fait de son impossibilité à repousser les barbares, et le dernier shogoun rendit son mandat à la Cour. Cette chute fut quelques décennies plus tard regrettée par un Yukichi Fukuzawa, considéré comme un grand modernisateur et progressiste, regrettant la fin d’un système féodal et vassalique protecteur des arts et des techniques, et conservateur de l’ordre social.

« Le grand résultat [des demandes du Bakufu à la Cour] est certainement l’Édit de mariage au dehors de la première année de Manei (1860) : en recevant la petite sœur  du Tennô Kômei  comme épouse officielle du Shogoun Iemochi, le Bakufu espérait certainement emprunter l’autorité de la Cour pour conserver la sienne. La compensation fut néanmoins lourde, […] puisque le Bakufu fit la promesse au Tennô de rompre sous dix ans le traité de commerce et d’exécuter la politique d’expulsion des étrangers. »[3]

Laissons terminer sur cette époque et le chauvinisme à notre auteur :

 « En bref, il ne faut pas essayer de comprendre les conflits politiques sanglants provoqués au sein du Bakufu comme une opposition entre fusion de la Noblesse et de la Chevalerie et parti de la Vénération du Roi et  de l’Expulsion des étrangers. Tous les Japonais se retrouvaient à cette époque tant dans le joi, que la vénération au Roi, tant encore sur le principe de fusion de la Noblesse et de la Chevalerie. Les oppositions et les conflits naquirent sur les points d’achoppement qui était de savoir s’il fallait accepter le traité de commerce ou le rompre, s’il fallait d’abord renforcer la puissance militaire du pays puis appliquer l’expulsion des étrangers ou l’appliquer immédiatement.

Cette crise intérieure provoqua même la possibilité d’une colonisation du Japon par l’étranger. Les dirigeants japonais de l’époque étaient parfaitement conscients de ce risque, et les conflits politiques du Bakumatsu avaient pour objet d’éviter à la fois la guerre civile et à la fois la colonisation du pays. Le Bakumatsu fut ainsi intégralement animé par le joi. On peut même affirmer que Bakumatsu=joi  »[4]

Le chauvinisme japonais nous enseigne de nombreuses choses, à commencer par ce qui constitue peut-être le cœur du chauvinisme : un amour viscéral pour son pays – comprenez sa province, pour son Roi – comprenez le pays, le peuple qui le compose ainsi que sa culture et ses coutumes. Cet état d’esprit permet de se retrouver avec tous les autres sujets de son Roi, même lorsqu’on se bat, car seules les modalités pratiques divisent, mais non pas le fond. Ce chauvinisme pur a permis au Japon, malgré le déluge moderniste européen, d’exister encore aujourd’hui en tant que Japon, et de constituer l’unique pays non occidental à rivaliser avec l’Occident et à rester dans le club des grandes puissances.

Ce chauvinisme ne contredit ni la charité, ni l’ouverture à l’autre, tant que l’autre n’est pas envahissant. La tranquillité autarcique, en temps de paix, si elle est réalisable, se constitue presque naturellement, comme cela s’est passé au Japon de l’ère Edo, sans en avoir conscience. Et l’autarcie, simple moyen, n’est pas absolue, ni un but obsessionnel, il reste subsumé à la pensée chauvine, qui pourrait se décliner à toutes les sphères humaines – ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, en sciences même, par l’obsession, par exemple, de posséder une discipline constituée dans sa langue en faisant de la résistance, au minimum passive, face à l’utilisation d’une langue étrangère, l’anglais en l’occurrence.

L’importance du lien aussi ressort : seul de forts liens permettent l’indépendance souveraine, qu’elle se concrétise en autarcie ou non. Une autarcie peut aussi se penser au sein d’un pays dont la relation vassalique est une forme d’indépendance dans un cadre souple, où les connivences spirituelles historiques rapprochent suffisamment du suzerain, mais dont la force personnelle n’est pas suffisante à elle seule pour garantir son indépendance souveraine.

 

[1] Ibid, p.101 « 幕末期の外交政略は、江戸時代を通じて貫流する東アジア的華夷思想を土台にしている。当時の日本人は、多かれ少なかれ全員が攘夷主義であった。開国というのは通商条約容認を意味しており、それは武備充実・海軍振興のための方策であった。そして、その先には、東アジアでの覇権の確立があった。坂本龍馬においても、それは同様である。彼も本質的には攘夷であるが、開国によって貿易を興し、それによる海軍建設を唱え、海援隊によって自らが主導し、東アジア的華夷思想帝国の現実化に向けた先兵役を買って出たと評価したい。 »

[2] Ibid, p.108/109 « 龍馬が朝鮮侵略の第一歩として、竹島を狙っていたことは自明である。それから四十数年後、日本は韓国は併合し、明治国家は龍馬ら先人の思いを実現することになる。そして、その対外認識はされに先鋭化し、その野望は清をはじめとする東アジア、さらには東南アジア諸国を朝貢国とすることに繋がった。つまり、「東夷の小帝国」から「東亜の大帝国」への脱却こそ、最後ゴールたりえたのだ。 »

[3] Ibid, p.113/114 « その最大の成果は、万延元年(一八六〇)の和宮降嫁の勅許であろう。孝明天皇の妹を将軍家茂の正妻に迎えることによって、幕府は朝廷の権威を借りて延命を図ろうとした。しかし、その代償は大きく、岩倉具視の画策により、幕府は十年以内に通常条約を破棄し、攘夷を実行することを天皇に約束してしまったのだ。 »

[4] Ibid, p.179 « つまり、血なまぐさい政争がくりかえされた幕府というのは、これまで言われてきた尊王攘夷vs公武合体の観点で理解してはならないのだ。尊王や攘夷、また公武合体という点においては、すべての日本人は何ら変わりはない。にもかかわらず、通商条約を容認するのか破棄するのか、武備充実後まで攘夷実行を先送りにするのかしないのか、これらの考え方の相違から政争が繰り広げられた時代であったのだ。それによって、内乱の危機があり、植民地化の可能性が派生していた。当時の日本人のリーダーたちは、それをじゅうぶんに認識できており、幕末の抗争とは、内乱や植民地化を回避するための政争でもあったのだ。このように、幕末は攘夷によって回転させられていた。まさに、幕末=攘夷なのである。 »

 

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