CivilisationHistoireLettres d'un émigré

Le serpent adultère – anecdote japonaise au XVe siècle, par Paul-Raymond du Lac

Alors que le Roi de France et son royaume sont sauvés par Jeanne d’Arc pour continuer d’œuvrer pour Dieu à travers les Francs, le Japon médiéval, avec un brillant civilisationnel tout superficiel, continue de vivre dans un monde magique qui appartient au Prince de ce monde.

Nous allons rapporter ici une histoire qui provient d’un journal, « Journal des choses entendues et vues (看聞日記) » d’un prince de sang de la Cour nommé Sadafusa, de la Maison de Fushimi. Nous tirons le résumé qui suit de l’ouvrage « Destructions de temples et sanctuaires (侍者の焼き討ち) » aux éditions Ebisu Kôshô, écrit par Makoto Wasada (2022).

Il s’agit d’une histoire qui se déroule en septembre de l’an 1416. Un homme vivant dans le quartier de Shimogyô de la capitale de Kyôto se rend au sanctuaire Imaise pour aller faire ses dévotions. Il tombe à l’entrée du sanctuaire sur un serpent blanc. L’homme ouvre son éventail et dit au serpent : « Si vous êtes le dieu Ugajin, je vous prie de monter sur mon éventail ». Le serpent glisse doucement vers l’homme et monte sur son éventail, à son grand plaisir. Il rentre ensuite avec le serpent chez lui et se met à l’adorer dans sa maison. Par la suite, cet homme acquit tout ce dont il rêvait et qu’il n’imaginait jamais obtenir : la chance ne cessait de lui sourire. Convaincu que le serpent était bien le dieu Ugajin, il lui offrit de beaux sacrifices et l’adora avec ferveur. Le serpent blanc néanmoins grandissait à vue d’œil, et l’homme commença à en avoir peur. Il pensa un temps s’en débarrasser mais son épouse s’y opposa, craignant des représailles divines, et l’homme abandonna son projet.

Plus tard, l’homme apprit que quand il était absent on avait souvent vu le serpent blanc sur sa femme, complétement troublée. L’homme devint de plus en plus inquiet, et un jour il décida de faire mine de partir, et de guetter en cachette ce qui se passait chez lui. Il surprit le serpent blanc, alors que sa femme entamait sa sieste, rampait sur son corps. L’homme surgit alors, dégaina son sabre, et frappa le serpent blanc avec la lame. Le serpent s’enfuit alors, avec sa femme enserrée dans ses anneaux. L’homme eut beau chercher les traces du serpent et de son épouse, ce fut en vain. L’homme perdit ainsi le serpent et sa femme, puis, brutalement, perdit tout ce qu’il avait gagné et devint le plus pauvre de tous.

Voilà la teneur de cette histoire, qui n’est pas un conte, mais bien une anecdote rapportée par un Prince de sang de la Cour… Le moderne sceptique criera à la superstition et au mythe ; le catholique fervent, quoique prudent, ne méprise pas le genre humain comme les modernes, et il sait que tout homme, quelque soit sa déchéance, n’aime pas mentir, et que le règne du diable est une réalité tout à fait concrète. Alors prenons un peu au sérieux ces histoires, rapportées par les gens les plus sérieux de leur époque, lettrés, et souvent délicats.

L’auteur de la recherche, d’ailleurs, reconnaît que ces faits, quoique peut-être enjolivés, ont certainement un fond réel, et il cite d’ailleurs que les missionnaires catholiques retranscrivent eux aussi certaines anecdotes de ce genre…sauf qu’eux savent d’où viennent ces manifestations.

D’un point de vue catholique, l’anecdote est tout de même époustouflante par sa clarté : le serpent antique en terre païenne, sans la présence de la grâce ni de la Révélation, dans l’oubli de l’histoire sainte, à commencer par le péché originel et le rôle du serpent, face à une humanité blessée et crédule, ne se gêne pas pour jouer au singe de Dieu et tenter de se faire adorer comme un dieu, et sous des formes qui ne portent même pas, ou si peu, le masque du bien ou de la beauté.

Notons d’ailleurs, à la suite de l’auteur, que ces histoires incluant des serpents-dieux sont légions…

Nous avons ainsi, d’un point de vue catholique, tous les signes d’un culte démoniaque, et des conséquences du commerce avec le démon : l’homme avide de richesses, de pouvoir ou d’autres choses de ce monde va demander au démon des avantages, contre un culte – la tentation de Jésus au désert mais sans résistance, et sans même que le démon ait besoin d’amorcer la tentation, puisque la fausse religion païenne légitime ces demandes, et l’homme de l’histoire est déjà dans la logique du commerce avec les démons, puisque tout culte païen vise à obtenir des avantages temporels d’une nature ou d’une autre ! L’homme est exaucé…mais très vite de mauvaises conséquences voient le jour : ici une sorte de possession de son épouse, ou pire. Cela correspond à ce que les exorcistes ou ceux qui ont pu constater, voire expérimenter, la pratique de choses magiques, ou de fausses religions ésotériques et autres connaissent bien : derrière un semblant de bien (une douleur qui disparaît, une maladie qui se calme, des richesses qui tombent, des postes, etc), très vite, car cela ne dure pas, ou dure mal – il faut toujours plus faire de magie, plus rendre un culte au démon pour maintenir l’état acquis en commerce avec le démon – et les conséquences néfastes arrivent, et la personne se se retrouve bien plus mal qu’avant, surtout d’un point de vue spirituel.

Et l’homme de l’histoire, sans le secours de Jésus, des sacramentaux, et des sacrements, est démuni : quand il tente de couper les liens avec le démon, il perd tout, et se retrouve dans une situation désespérée – cela d’ailleurs à dessein, car le démon veut pousser au suicide par le désespoir pour avilir le plus possible des âmes a priori déjà perdues et sous sa domination. Heureusement en terre chrétienne, quoique la rupture des liens démoniaques est toujours un combat de longue haleine, le secours de la grâce change tout.

Il est intéressant de constater que cette histoire, racontée presque de façon guillerette, résonne aussi comme une sorte d’avertissement du païen expérimenté dans la domination démoniaque : ces païens croient fermement adorer des dieux, mais ces dieux ambivalents font toujours peur, comme la vision d’un ange dans la Bible, mais sans que ces mauvais anges ne cherchent à rassurer les hommes comme les bons anges envoyés par Dieu. Et ils savent d’expérience qu’il faut être prudent dans ce qu’on demande à ces dieux, pas si bons que cela… Cette anecdote semble bien alerter les hommes qu’il faut faire attention quand on commerce avec les dieux (démons), car cela se termine souvent mal, même naturellement…

Que tous ceux qui voudraient s’adonner à des pratiques magiques, à des fausses religions, ou des spiritualités diverses (parfois déguisées en sport, parfois en « sagesses ») soient prévenus !

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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