Histoire

Le Lion Capétien : Louis VIII, l’autre roi croisé

Tous les élèves qui n’ont pas connu l’heureux temps de l’histoire revue et corrigée par le gouvernement de la république ont entendu parler du règne constructeur de Philippe II, dit Auguste, et celui de Louis IX, futur saint Louis. Mais combien se souviennent qu’il y eut un roi entre ces deux grands souverains ? Fils du premier et père du second, Louis VIII est coincé entre ces figures tutélaires. Jusqu’au lycée, je me souvenais seulement qu’il fut le premier à ne pas être sacré du vivant de son père et qu’il descendait à la fois de Hugues Capet et de l’adversaire farouche de ce dernier : Charles de Basse-Lotharingie. Plus tard, par curiosité personnelle, j’appris que ce court règne fut marqué par deux éclatantes campagnes militaires. Car Louis VIII fut le vainqueur du comte Raymond de Toulouse après avoir été l’héritier qui chassait les Anglais de Guyenne.

Fils de Philippe II et d’Isabelle de Hainaut, Louis naît le 5 septembre (comme un certain Louis XIV !) 1187 à Paris. Son règne débute le 14 juillet 1223 à la mort de son père et son sacre a lieu quelques jours après son avènement, le 6 août. Il est l’aîné du roi mais il est le premier héritier à ne pas être associé au trône et à ne pas être sacré car Philippe Auguste estime que le principe héréditaire est à  présent ancré. Ce pari sur l’avenir va s’avérer payant : Louis ne va pas chercher à nuire à son père mais va au contraire aider le royaume à se fortifier. C’est ce jeune Prince qui va combattre Jean sans Terre, roi d’Angleterre qui s’est allié avec Othon IV, l’empereur du Saint-Empire romain germanique. Ce dernier doit attaquer le Nord du royaume tandis que l’Anglais attaque par le Sud. Philippe part à la rencontre d’Othon tandis que son fils va attaquer les Anglais. Jean sans Terre surestime l’armée qu’il voit fondre sur lui et fuit sans même combattre devant la forteresse de Savennières (La-Roche-aux-Moines) dans l’actuel Maine-et-Loire. Il y laisse ses engins de siège. Louis est donc vainqueur sans combattre en ce 2 juillet 1214. Quelques jours plus tard, son père sera vainqueur à Bouvines et les Francs seront installés pour longtemps comme une nation imprenable. Louis sort de cette campagne avec le surnom de « Louis le Lion ». Jean sans Terre est trahi par les barons révoltés qui promettent à Louis la Couronne, car il est l’époux de Blanche de Castille, petite-fille d’Aliénor d’Aquitaine. Par cette alliance et ce jeu d’héritages, Louis débarque en Angleterre avec 1500 hommes que soutiennent les barons rebelles et leurs mercenaires. S’il prend de facto le pouvoir, Louis n’est pas couronné car aucun évêque n’est disponible. Jean sans Terre meurt rapidement et les barons prennent peur de ce Prince franc qui a tout pour devenir un roi dynamique et ambitieux, et désignent le fils du défunt Jean. Ainsi Henry III devient roi. Louis se bat mais il est battu assez largement à Lincoln en mai 1217. Le 11 septembre 1217, Louis renonce au trône contre une compensation financière lors du traité de Lambeth. Une fois sacré roi de France, celui qui est devenu Louis VIII tente de s’emparer des possessions anglaises en France car les Anglais n’ont pas tenu leur parole donné lors du traité de 1217. Louis VIII s’empare de la Guyenne, qui correspond peu ou prou à notre Aquitaine. C’est une campagne rapide d’autant plus que le roi Henry III est mineur. A ce dernier, il reste plus que Bordeaux, la Gascogne et les îles anglo-normandes, tout le reste du Sud-Ouest ayant été repris par Louis VIII.

Pour la plupart des français, Louis VIII est le roi de la Croisade contre les Albigeois. Profitons de ces lignes pour rappeler que les Albigeois sont des hérétiques devenus peu à peu une religion nouvelle qui établit l’existence d’un dieu bon créateur de l’âme et un dieu mauvais créateur du monde. Ainsi, le corps, la sexualité tout ce qui s’y rapporte est intiment néfaste et péché pour les Albigeois, alors nommés « parfaits » ou bougres (terme issu de « bulgares », ceux-ci étant censés être homosexuels… or les parfaits refusant la sexualité et la reproduction ont préféré l’homosexualité et ont ainsi hérité de ce nom !).                                                                                                                                                      

Revenons à Louis VIII ! En 1218, Amaury VI de Montfort, fils de Simon IV, hérite de son père du Languedoc. Cette région est en plein trouble en révolte. Aussi, Amaury préfère laisser son fief au roi de France en échange du titre de connétable, c’est-à-dire de premier chef des armées après le roi. Le comte de Toulouse d’alors est soupçonné d’abriter des Albigeois sur son fief. Un concile se tient donc à Bourges en 1225 qui décrète qu’une croisade doit être menée pour détruire l’hérésie. Le Chef de l’expédition est naturellement Louis VIII. Les milliers de chevaliers qui partirent avec leur roi prirent la direction de la vallée du Rhône où les villes faisaient leur soumission à Louis VIII. Seule Avignon refusa, et pour cause : cette ville appartenait à Raymond VII de Toulouse. Son siège dura trois mois et fut victorieux. Aussitôt que la nouvelle de la prise d’Avignon, porte d’entrée du Languedoc, fut connue les villes de Nîmes, Carcassonne, Castres et Albi se rendirent au roi. Raymond de Toulouse s’enferma dans sa ville qui fut assiégée. Les croisés furent cependant atteints de maladies, l’hiver fut rude et le siège fut ajourné. Plus grave encore, en 1226, le comte Thibault de Champagne se brouilla avec Louis VIII. Le 30 juillet 1226, son armée quitta même l’ost royal devant Avignon, arguant que son service obligatoire de quarante jours était achevé.

Mais Louis VIII n’eut pas le temps de se lamenter. Atteint de dysenterie, le roi mourut au château de Montpensier, en Auvergne, le 8 novembre 1226. Certains chroniqueurs et contemporains y virent un empoisonnement par Thibault de Champagne.

Le roi défunt fut inhumé à saint Denys le 15 novembre alors que ces entrailles et son cœur furent déposés en l’abbaye de saint-André-lèz-Clermont. Jusqu’à la Guerre de Cent ans, l’on pouvait admirer son tombeau d’or et d’argent, ensuite remplacé par une dalle en pierre. En 1793, lors du pillage et de la profanation des tombes royales, on le découvrit : son cercueil était recouvert d’une pierre ornée d’une croix en demi-relief, le corps du roi était dans un suaire d’or. C’est l’unique roi inhumé de la sorte.

Son règne aura duré trois ans alors que celui de son père Philippe II a duré 43 ans comme celui de son grand-père Louis VII, celui de son fils qui allait devenir le saint que l’on sait durera presque 44 ans. En trois petites années, Louis VIII s’acquitta de son métier de roi avec brio : il reprit la majorité de la Guyenne aux Anglais et permit l’extinction de la crise des Albigeois, aujourd’hui qualifiée à tort d’hérésie [j’y reviendrais dans un prochain article, ndla]. Surnommé « le Lion », Louis est décrit comme un chevalier courageux. Sans aucun doute, il fut un exemple pour ses fils.

Charles d’Antioche

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