La tête du chevalier Bayard, une nouvelle controverse historique ?
Après celle d’Henri IV qui demeure enfermée actuellement dans une banque, c’est peut-être une nouvelle tête, et pas des moindres, qui risque de diviser prochainement la communauté des historiens. Le 2 mars dernier Jean-Christophe Parisot de Bayard a affirmé au cours d’une conférence de presse avoir retrouvé et identifié la tête de son aïeul Pierre III de Terrail, seigneur de Bayard. Icône de notre histoire nationale, ce personnage illustre de la Renaissance est devenu, au cours du fil du temps, le symbole de la loyauté et de la fidélité envers la monarchie des Valois. Ayant servi successivement trois rois, Charles VIII, Louis XII et François Ier, Bayard fut un noble dauphinois, dernière incarnation chevaleresque du moyen-âge perdue dans les guerres d’Italie, qui décéda au combat à l’âge de 48 ans, en 1524, des suites d’un tir d’arquebuse.
Au cours d’une quête généalogique et après diverses analyses de l’ADN mitochondrial qui ont mobilisé 600 heures de travail sur ce gène qui ne se transmet que par les femmes, de mère à enfant, ce préfet en charge d’une mission de service public et président du Comité opérationnel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, en a conclu qu’il était bien le descendant direct de ce chevalier qui adouba le roi François Ier lui-même. Et d’avoir d’ores et déjà fait légitimer ses prétentions grâce à l’ancienne Ministre de la justice, Christiane Taubira, qui l’a autorisé à relever le nom de Bayard.
Dans les années 1930, on avait découvert trois cercueils dans les environs de Saint-Martin d’Hères, enfermés dans la vase. Des os, des morceaux de crane éparpillés, une dent, le tout mis dans un banal cageot à légumes et conservés dans un musée. C’est sur cette dent que l’on a procédé à des analyses génétiques pour donner au chevalier une nouvelle descendance qui entend désormais rendre un hommage à ce fils du pays isérois. Si une bonne partie des os manquent pourtant pour une reconstitution faciale digne de ce nom, les seuls morceaux ré-assemblés ont permis à l’informatique en 3D de redonner un semblant de vrai visage au chevalier Bayard dont on sait désormais qu’il avait les « cheveux châtains, les yeux marrons, le menton en galoche et la peau très blanche ». Loin des portraits officiels que l’on connaît de ce héros de l’histoire de France mais à comparer, il n’en demeure pas moins qu’il correspond à celui de bien des Français d’aujourd’hui. Ce qui ne constitue pas une preuve en soi.
Mais au-delà de cette découverte, sans réelles importances historiques, c’est le laboratoire d’analyse qui a pratiqué les tests d’ADN sur ce crâne qui reste sujet à caution et attire l’attention. En effet, l’Institut d’anthropologie génétique moléculaire de Paris, qui n’est qu’une association loi 1901 et qui est dirigé par le professeur Gérard Lucotte, n’est pas sans jeter une certaine controverse sur la viabilité d’une partie des résultats rendus publics. Mis au ban de sa communauté pour ses thèses controversées sur l’origine génétique des races humaines, cet anthropologue a remis récemment en cause les analyses ADN effectuées sur le cœur de Louis XVII enterré dans la basilique de Saint-Denis et affirmait que les Naundorff présentaient des similitudes chromosomiques avec les Bourbons (2015), accréditant leurs pseudo-prétentions au trône de France, pourtant réduites aujourd’hui à une peau de chagrin. Une nouvelle thèse qui avait été conjointement balayée par le professeur Jean-Jacques Cassiman et l’historien Philippe Delorme. L’écrivain, rendu célèbre pour avoir résolu l’énigme du Temple, avait relevé à l’époque de nombreuses incohérences et approximations effectuées sur cette comparaison ADN, dirigée par l’équipe du professeur Lucotte.
La conférence qui a été organisée à Montpellier par le descendant du chevalier s’est d’ailleurs faîte sans la présence de ce professeur, qui au téléphone, joint par Le Point, ne décolérait pas de cette initiative et affirmait que les résultats de ses analyses ne seraient disponibles que dans des revues scientifiques. Un professeur qui dans une autre analyse assurait également que « Jésus se rasait une seule fois par semaine, avait des morpions et était opiomane ». « Le Préfet raconte n’importe quoi ! » a déclaré le professeur Lucotte. De quoi jeter des doutes sur l’authenticité de ces récentes analyses ADN de la tête du chevalier.
Attentif à cette nouvelle polémique en devenir, l’historien Philippe Delorme s’est d’ailleurs fendu d’une laconique remarque sur les réseaux sociaux après que les détails de ce « cold case » aient été publiés dans le Figaro : « je crains de plus en plus que l’authentification de Bayard (ne) soit (que) du pipeau ! »
Frederic de Natal