[CEH] La tapisserie en France à l’époque d’Henri IV, par Arnault Brejon de Lavergnée
La tapisserie en France à l’époque d’Henri IV1
Par Arnault Brejon de Lavergnée
Ayant reconquis son royaume et restauré son autorité, le roi Henri IV souhaita « rétablir à Paris les manufactures de tapisserie que les désordres des règnes précédents avaient abolies » (Sauval, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, 1733, p. 506).
En une dizaine de dates, réunissons l’essentiel de ce que nous savons sur Henri IV et la tapisserie. Il faut distinguer les divers ateliers ou manufactures, le rôle de la surintendance des Bâtiments et la place des artistes.
Tout débute, si je puis dire, en 1597 lorsqu’Henri IV établit Toussaint Dubreuil dans la maison professe des jésuites en même temps qu’il y installe les ateliers de Girard Laurent. C’est peut-être à ce moment là que Dubreuil fournit pour cet atelier les dessins d’une tenture de Diane.
Il existe d’autres manufactures, celle du Louvre, celle de l’hôpital de la Trinité, et celles qu’Henri IV va installer au faubourg Saint-Marcel. Nous devons dire d’entrée de jeu que nous savons très peu de choses sur les manufactures privées ou semi-privées (la maison professe, le Louvre, la Trinité…) ; le 4 janvier 1599, Jean de Fourcy nommé depuis le 30 avril 1594 intendant des Bâtiments, reçoit le brevet de la charge et intendance de la Manufacture de tapisserie de haute lise ; il succèdera à Sully comme surintendant des Bâtiments.
La maison des jésuites à Paris
En 1597, Henri IV établit Toussaint Dubreuil dans la maison professe des jésuites en même temps qu’il y installe les ateliers de Girard Laurent. Sans doute Dubreuil fournit-il alors pour cet atelier les dessins d’une tenture de Diane qu’Henri Lerambert réalise peut-être à grandeur d’exécution. Le 20 août 1600 Girard Laurent, « Maître tapissier de haulte lisse », passe un marché avec Nicolas Vacquier, tapisser de haute-lisse.
L’hôpital de la Trinité
Établi en 1551 par Henri II, rue Saint-Denis, l’hôpital de la Trinité recevait orphelins et enfants pauvres. Parmi les métiers figurait la tapisserie. On possède quelques renseignements sur l’activité de Maurice Dubout à la Trinité : l’exécution des tapisseries sur les thèmes de la vie de saint François de Paule, sur la vie de saint Roch ou sur la vie du Christ, cette dernière d’après Lerambert.
La galerie du Louvre
Le 28 août 1606, Maurice Dubout qui s’est installé dans la galerie du Louvre s’engage à exécuter pour le cardinal Peretti des tapisseries de l’histoire d’Artemise ou de Coriolan semblables à celle « que le Dubout a commencé à faire pour sa Majesté ».
Le 4 janvier 1608, Girard Laurent et Maurice Dubout sont officiellement installés dans la galerie du Louvre où ils étaient déjà établis depuis 1606.
Trois ans plus tard, en 1611, mort de Maurice Dubout ; son fils Pierre lui succède et devient avec Girard Laurent directeur de l’atelier du Louvre.
Les ateliers du faubourg Saint-Marcel et de la rue de la Chaise
Rappelons dans ce contexte que le 11 septembre 1601, il est fait défense d’introduire des tapisseries étrangères en France. La même année (en avril), Marc de Comans qui venait de s’associer à François de La Planche, s’installe au faubourg Saint-Marcel dans l’hôtel des Canaye et François de la Planche dans des bâtiments de l’ancien palais des Tournelles. L’année 1607 sera décisive : Marc de Comans et François de La Planche obtiennent en janvier des lettres patentes pour l’ouverture et l’exploitation d’une manufacture. Les avantages sont considérables.
En contrepartie des avantages, Comans et François de La Planche s’engageaient à avoir constamment en activité quatre-vingts métiers (soixante à Paris et vingt à Amiens), à enseigner la première année vingt-cinq apprentis puis vingt les années suivantes. La nouvelle manufacture demeurait toutefois une entreprise privée.
Dès lors, nous allons rencontrer les créations de grandes tentures, Artémise, Coriolan ou Diance.
En octobre 1607, Jean de Fourcy passe marché avec Laurent Guyot qui s’engage à « bien desseigner et peindre sur thoille de couleurs à huille les grands patrons de la suite de l’histoire d’Artémise conformément aux petits desseigns de feu Anthoine Caron… »
En septembre 1608, mort d’Henry Lerambert, « peintre pour les tapissiers du roy ».
2 janvier 1610 : Guillaume Dumée, Laurent Guyot, Gabriel Honnet et CLaud de Héry, peintres ordinaires du roi, concourent pour le titre de « peintre pour les tapissiers du roy ». Dumée et Guyot l’emportent et occupent l’emploi laissé vacant par la mort de Lerambert.
Laurent Guyot va donner dans les années qui viennent de nombreux cartons de tapisseries (Les Rois de France ; Le Vol du héron ; Le Pastor Fido, ce dernier en collaboration avec Dumée).
Mars 1610 : Don Pedro de Toledo, ambassadeur du roi d’Espagne a commandé « quatre pièces de tapisserie d’or et soye, histoire de Hartemise, contenant soixante et douze aulnes chacune pièce ».
Arnault Brejon de Lavergnée
Conservateur des collections du Mobilier national
1 Les renseignements sont tirés de l’excellent catalogue d’exposition : Jean Coural, Chefs-d’œuvres de la tapisserie parisienne (1517-1662), Versailles, Orangerie, 9 juin – 1er octobre 1967, pp. 16-21.
Publication originale : Arnault Brejon de Lavergnée, « La tapisserie en France à l’époque d’Henri IV » dans Collectif, Henri IV, Le Premier Roi Bourbon : Actes de la XVIIe session du Centre d’Études Historiques (08 au 11 juillet 2010), Neuves-Maisons, CEH, 2011, p. 93-96.