La nécessité de l’histoire, par Paul-Raymond du Lac
L’ecclésiaste, ce qui veut dire le chef, et a priori ici Salomon, nous enseigne l’importance de l’histoire, d’une façon poétique et délicate :
« Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera ; et il n’y a rien de nouveau sous le soleil. S’il est une chose dont on dise : « Vois, c’est nouveau ! », cette chose a déjà existé dans les siècles qui nous ont précédés. On ne se souvient pas de ce qui est ancien, et ce qui arrivera dans la suite ne laissera pas de souvenir chez ceux qui vivront plus tard. » (Ec, 1, 9-11)
«J’ai reconnu que tout ce que Dieu fait durera toujours, qu’il n’y a rien à y ajouter ni rien à en retrancher : Dieu agit ainsi afin qu’on le craigne. Ce qui se fait existait déjà, et ce qui se fera a déjà été : Dieu ramène ce qui est passé. » (Ec, 3, 14-15)
Voltaire a voulu se moquer de cette sagesse biblique, pourtant elle est universelle, et les grandes civilisations, au fond, le savaient bien car elles l’appliquaient, à travers la tenue des annales et de la mémoire des faits passés, non pas simplement pour glorifier un passé mythique, mais pour connaître ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
Même les « mythes » des peuples racontent une histoire, souvent de façon voilée (comme l’indique l’étymologie du mot) certes, mais à dessein de faire comprendre, par la description, les motifs des passions humaines et des incidents politiques, qui se répètent sans cesse.
Croire que nous sommes une époque de progrès, ou encore que notre époque est originale, est non seulement faux mais manifeste une ignorance crasse qui vient, comme dit Salomon, que l’« On ne se souvient pas de ce qui est ancien ».
La véritable originalité en histoire, et dans toutes les sciences dites humaines, c’est d’être banal, vieux et rabat-joie, pour le dire abruptement.
Dieu fait tout dans l’éternité, même s’il agit dans le temps, et « Dieu agit ainsi afin qu’on le craigne ».
Oui, « Dieu ramène ce qui est passé », pour nous montrer notre impuissance et notre petitesse. Tout cela devrait définitivement nous décourager contre tout optimisme historique comme tout pessimisme historique. Ni lendemains qui chantent, ni lendemains qui seront forcément pires. Il ne s’agit pas de déplorer outre mesure que tout va mal, même si tout va mal. Déjà Salomon, malgré sa sagesse et sa justice, constate : « J’ai encore vu sous le soleil, qu’au siège même du droit il y a la méchanceté, et au lieu de la justice, il y a l’iniquité. » (Ec, 3, 16)
Les méchants au pouvoir, les injustes juges ne sont pas une chose nouvelle, et Salomon a dit dans son cœur ce que Jésus manifestera au grand jour plus tard par la Croix : « Cela arrive ainsi, afin que Dieu les éprouve, et qu’ils voient qu’ils sont quant à eux-mêmes semblables aux bêtes. » (Ec, 3, 18)
Dieu sait tout, et contrôle tout, en nous laissant à notre libre arbitre. Si nous subissons de graves injustices c’est pour nous éprouver, pour nous éduquer, pour nous punir là où nous le méritons. Le monde contemporain en cela devient chaque jour un peu plus une punition divine grandeur nature pour faire tomber l’homme moderne orgueilleux se prenant pour Dieu de son piédestal et lui rappeler que « le sort des enfants des hommes est le sort de la bête : ils ont un même sort ; comme l’un meurt, l’autre meurt aussi, il n’y a qu’un même souffle pour tous ; l’avantage de l’homme sur la bête est nul, car tout est vanité. Tout va dans un même lieu ; tout est sorti de la poussière, et tout retourne à la poussière. » (Ec, 3, 19-20)
Hors de Dieu, pécheurs et déchus, nous sommes comme des bêtes, mais des bêtes avec une volonté et une intelligence qui peuvent ainsi s’enfoncer bien plus bas qu’une bête, en justifiant sa médiocrité, en faisant de sa misère sa fierté, en croyant que son libre-arbitre qui ne lui appartient pas en fait un Dieu : là est résumé tout le libéralisme, et toute la démocratie qui nous rend comme des bêtes.
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul-Raymond du Lac