La collection de tableaux de Louis XIV
Les actes des communications des sessions du centre d’études historiques paraissent une fois par semaine, chaque samedi. Les liens des communications en bas de page.
Centre d’Etudes Historiques
1661, la prise de pouvoir par Louis XVI.
Actes de la XVIIIe session du Centre d’Études Historiques (7 au 10 juillet 2011)
Collectif, Actes dela XVIIIe session du Centre d’Études Historiques, 1661, la prise de pouvoir par Louis XIV, CEH, Neuves-Maisons, 2012, p.115-117.
Par Arnauld Brejon de Lavergnée
Conservateur des collections du Mobilier national
Louis XIV mécène et collectionneur n’est pas assez étudié ; certes on connaît mieux désormais les collections des tableaux (grâce à la publication de l’Inventaire Le Brun de 1683), des tapisseries, des gemmes, mais une synthèse reste à faire.
On s’attachera ici à la collection des tableaux.
L’histoire de la formation de la collection des tableaux du Roi Louis XIV – une collection destinée à un destin national puisqu’elle constitue le noyau fort, essentiel, de l’actuel département des peintures du Musée du Louvre – est une histoire somme toute extraordinaire. Bien conseillé par son surintendant Colbert, le Roi acquit un ensemble prestigieux de tableaux de la Renaissance Italienne (Raphaël, Andrea del Sarto, Jules Romain, Léonard, Corrège), une soixantaine d’œuvres de l’école vénitienne (Titien, Tintoret, et Véronèse), plus de cent tableaux de l’école bolonaise (les Carrache, Dominiquin, Reni, Albane, Guerchin), des toiles très importantes de Poussin et de Claude Lorrain, de nombreux paysages flamands (Bril, Brueghel de Velours, Momper).
Les tableaux qui sont aujourd’hui la gloire du Louvre constituent donc le noyau de cette collection.
Ainsi à la date de 1683 (date de la mort de Colbert), le Roi de France possédait 483 tableaux : la quasi-totalité de ces œuvres venait d’être acquise en l’espace de vingt ans par le Ministre et le Surintendant des Bâtiments Colbert.
Le noyau primitif, hérité des Rois Louis XII, François Ier et Louis XIII, comportait une vingtaine d’œuvres, dont plusieurs de Léonard de Vinci (La Joconde) ou Raphaël (La Belle Jardinière).
Trois cents tableaux environ de la collection de Louis XIV sont conservés aujourd’hui au Musée du Louvre, une centaine dans les musées de province française (Bordeaux, Lyon, Nantes, Dijon, Lille, Marseille, Toulouse, etc.), mais quatre-vingts tableaux ont aujourd’hui disparu.
Le mécanisme de la formation de cette collection, désormais connu depuis une découverte d’Adeline Hulftegger en 1955, est capital : Louis XIV en l’espace de vingt ans n’achète pas des tableaux, mais des collections de tableaux. Expliquons-nous : les ventes de collections de tableaux de cette première moitié du XVIIe siècle sont pour ainsi dire capitales ; il suffit de citer les collections de Gonzague de Mantoue, de Charles 1er d’Angleterre ou du Cardinal Mazarin.
La France, par exemple, était la grande absente des ventes du Roi Charles 1er d’Angleterre (1649) ; les grands acheteurs à cette vente, on ne peut plus prestigieuse, sont des colonels anglais, un italien, le Cardinal Mazarin et un allemand, le banquier Everhard Jabach. Ces deux derniers vivent à Paris.
Louis XIV rattrape le retard de ses prédécesseurs et achète un premier noyau de tableaux chez Jabach en 1661.
Le coup de génie de Colbert fut d’acheter un deuxième lot de tableaux chez le même Jabach, dix ans plus tard, en 1671. Il suffit d’énumérer une dizaine de tableaux, reproduits et analysés dans le présent ouvrage, pour mesurer la qualité des deux achats dans la collection Jabach, en 1662, puis en 1671 : le Saint Jean-Baptiste de Léonard de Vinci ; La Nativité de l’enfant Jésus avec l’adoration des bergers de Jules Romain ; le portrait d’un sculpteur de Bronzino ; L’Allégorie des Vertus de Corrège ; le célèbre Souper à Emmaüs de Titien ; la Mise au tombeau du même artiste ; la Sainte Cécile du Dominiquin…
Le deuxième grand coup d’éclat réside dans une politique soutenue d’achats de tableaux en 1671 et 1683.
Mettons en valeur les faits les plus significatifs : acquisitions de collections de Mazarin, de Richelieu, de la Feuille, d’Hoursel ; séquestre de la collection de Nicolas Fouquet, propriétaire de Vaux le Vicomte ; dons au Roi de France comme Chigi, Panphili, le Roi du Danemark, Achille III de Harley, Seignelay ; ventes de particuliers, Hauterive, Coypel, Falconieri ; ventes de marchands, Alvarez, Briancourt, Garrigues ; achats à l’étranger opérés par des marchands.
Ces diverses sources d’enrichissement apportent des chefs-d’œuvre dans les collections de la couronne (Rembrandt, Autoportrait).
Louis XIV aime-t-il réellement la peinture ancienne ? Chantelou nous a transmis sa réponse en juillet 1655 : « Il a dit que s’il se fût appliqué de bonne heure à considérer les tableaux, il se serait connu en peinture. Mais qu’il ne les regardait que depuis trois ou quatre ans. »
Collectionneur averti, attaché au développement de son Cabinet des tableaux, Louis XIV a également dans le domaine de la peinture pratiqué un mécénat aussi éclairé que d’autres domaines des arts et des lettres.
« Prédiction de Saint Paul » de Raphaël
Communications précédentes :
Avant-Propos : http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2654-ceh-xviiie-session-avant-propos
La rupture de 1661 (1/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2663-la-rupture-de-1661-2-3
La rupture de 1661 (2/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2664-la-rupture-de-1661-2-3
La rupture de 1661 (3/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2684-ceh-la-rupture-de-1661-3-4
De Colbert au patriotisme économique (1/3)
De Colbert au patriotisme économique (2/3)
De Colbert au patriotisme économique (3/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2693-ceh-de-colbert-au-patriotisme-economique-3-3
1661 : transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban (1/3)
1661 : transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban (2/3)
1661 : transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban (3/3): https://www.vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/ceh-1661-transfert-de-la-cour-des-aides-de-cahors-a-montauban-3-3/
Permanence des révoltes antifiscales, 1653-1661 (1/3)
Permanence des révoltes antifiscales, 1653-1661 (2/3)
Permanence des révoltes antifiscales, 1653-1661 (3/3)
Découverte et esprit scientifique au temps de Louis XIV (1/2)
Découverte et esprit scientifique au temps de Louis XIV (2/2)
Louis XIV au Château de Vincennes (1/3)
Louis XIV au Château de Vincennes (2/3)
Louis XIV au Château de Vincennes (3/3)
1661 et les arts : prise de pouvoir ou héritage ? (1/2)
1661 et les arts : prise de pouvoir ou héritage ? (2/2)