Discriminé même après sa mort !
Autour des noms funéraires bouddhiques infamants.
[Ex-libris] Hidemasa Maki, Généalogie des noms funéraires infamants (差別戒名の系譜―偽書『貞観政要各式目』の研究), Tokyo, Ausha, 2014.
Le professeur Maki, historien du droit spécialiste de la période moderne né en 1923, a fini sa vie en publiant une petite étude sur un sujet de l’histoire japonaise assez particulier, et qui a défrayé la chronique en son temps : les noms funéraires bouddhiques infamants.
Le sujet est connu des japonisants : un certain nombre de chercheurs, mais aussi des militants de la société civile, ont découvert dans les années 70 des tombes avec des noms funéraires infamants du style « bétail », « intouchable » et autres terminologie méprisante désignant certains défunts.
Le professeur Maki cherche dans ce court ouvrage à remonter à la source qui a justifié l’attribution de ces noms infamants durant l’ère Edo, pratique absolument généralisée contre les intouchables et les impurs (穢多・非人), qui sont les ancêtres des « burakumins ». Ces derniers sont aujourd’hui toujours discriminés pour l’accès au travail, aux études, etc. La discrimination a toujours existé contre ces populations intouchables dans l’histoire du Japon, mais elle fut institutionnalisée à l’extrême durant l’ère Edo, même dans la mort.
L’ouvrage présente un édit impérial apocryphe qui fut le fondement de la justification et de l’obligation de donner des noms infamants aux intouchables, qui touchaient tous les métiers impurs de tannerie, boucherie, écorcheurs, etc (notons au passage qu’en Occident aussi, ces métiers étaient craints- ce qui est logique dans un certain sens, car tous ces métiers touchent au sang, et ont à voir avec l’abatage et le dépeçage de grosses bêtes, ce qui peut donner au minimum un certain savoir-faire reproductible sur les hommes, mais jamais, non jamais, en occident, ces métiers ne furent mis à parts, et ces hommes considérés comme des sous-hommes : ils avaient accès au salut comme tout le monde, et étaient chrétiens comme tout le monde).
Pourquoi a-t-on cherché un apocryphe pour justifier l’attribution de ces noms ? Car un moine, confronté à la situation de devoir donné un nom funéraire infamant, s’est posé la question du « pourquoi » (mais sans se demander si c’était bien ou mal, s’il fallait le faire ou pas, il n’y a aucun jugement moral : la seule question est de savoir si on peut le faire légitimement, d’un point de vue des précédent, nous sommes dans un conformisme coutumier).
Il est intéressant de constater d’abord que la justification ne cherche pas à être philosophique : on cherche le précédent, et on trouve un décret, certes apocryphe, mais on ne le savait pas – cela rappelle l’obsession de la conformité contemporaine (le fameux « compliance »). Constatons un autre phénomène très moderne, et très païen : religion et politique sont confondues, donc le décret impérial est aussi le décret du descendant des dieux et du premier sacrificateur du pays, son décret est ainsi une règle absolue même pour les moines dans leur pratique et leur discipline et aussi dans leur liturgie… L’édit impérial est avant tout un canon religieux…
Ce décret explique comment donner tous les noms funéraires, depuis les princes impériaux jusqu’aux intouchables (en passant).
Pour les intouchables la raison alléguée est historique : ces populations impures seraient les descendants d’un peuple étranger défait dans les premiers siècles en Chine, et qui ont fuit dans l’archipel nippon. En tant que descendants de perdants qu’on a laissé survivre et s’installer, ils seront éternellement exclus de l’humanité habituelle, et cantonnés à faire « le sale boulot », ces travaux considérés comme impur… Il n’est pas bon d’être étranger en pays païen, ni perdant… Et rester en vie signifie devenir intouchable ou esclave… Cela leur donnait d’ailleurs des « privilèges », et ils ne vivaient pas si mal, puisque leur travail, certes infamant, n’en restait pas moins nécessaire… Ils étaient simplement méprisés universellement et exclus de la société habituelle.
Cela est instructif sur ce qui attend, sans la foi du Christ, les populations perdantes d’un globalisme totalitaire : ce ne sera pas forcément le massacre général (seuls les résistants inassimilables, les catholiques, seront exterminés, ou les rebelles violents), mais un asservissement plus ou moins forcé et accepté par des gens qui seront trop content de pouvoir rester en vie… Voir avoir une vie « pas trop désagréable » dans des sales boulots, compensés par la réalité virtuelle la nuit…
Revenons à nos moutons.
Les noms funéraires infamants ont ainsi été justifiés et pratiqués à large échelle dans le Japon de la période moderne (1600-1868).
Que cela nous apprend-il ? C’est là que le professeur Maki s’arrête : il ne se pose même pas la question de fond ; il est historien, il ne cherche que l’origine historique et documentaire de ce phénomène sans se poser la question du pourquoi, pourquoi essentielle pour l’intelligence de ce phénomène qui nous apprend beaucoup sur la nature humaine.
Posons-nous donc cette question ici : pourquoi même les morts sont comme condamnés post-mortem par les vivants à devoir rester absolument dans la même hiérarchie sociale que les vivants, comme si la place dans la hiérarchie sociale était définitive et éternelle ?
Pour comprendre, il nous faut expliquer le dogme religieux implicite qui se trouve derrière ces noms funéraires : tout le monde peut avoir un nom funéraire, et l’a en général.
Historiquement, cela commence par les élites bouddhisés, et on donne au défunt prince ou noble des noms tout à fait calibrés en fonction de ce qu’il a été sur terre : il sera la même chose après la mort.
Les mérites terrestres, nous voulons dire les honneurs et le rang, soit la reconnaissance sociale, sont automatiquement transmis après la mort, et la hiérarchie terrestre est exactement celle de l’au-delà.
Voici grosso modo la vision dogmatique derrière ce phénomène des noms funéraires.
Cela ressemble à un certain protestantisme qui croit que le succès terrestre se reflète tel quel sur le succès post-mortem : les riches d’ici-bas seront les riches de là-bas.
Ce phénomène anthropologique est universel hors la chrétienté (ou dans la chrétienté hérétique signifiant la déchristianisation) : le succès terrestre vaut le succès céleste. Point.
Et donc il est juste logique que pour les intouchables, les pauvres, les sous-hommes, cela se reflète aussi : pas besoin d’aller chercher l’apocryphe, qui permet de connaître certes l’origine historique, mais ne permet de comprendre pourquoi cette institutionnalisation de la discrimination post-mortem est contenue elle-même dans l’erreur des fausses religions, en l’occurrence un certain bouddhisme mâtiné de chamanisme animiste.
Résumons. Il devient nécessaire et conséquent, en se fondant sur l’idée fausse des mérites sur cette terre et de la hiérarchie mondaine et sociale qui doivent se refléter à l’identique dans l’au-delà, que cela se reflète aussi chez les sous-hommes : c’est logique et nécessaire, et cela s’est passé donc dans l’histoire du Japon pendant l’ère Edo. L’institution, dernière expression du dogme, vient simplement certifier ce fait.
La cause première de la discrimination n’est ainsi pas un apocryphe et vague édit impérial, mais bien la fausse religion, et l’erreur sur l’au-delà qu’elle professe.
On remarquera au passage que la « morale » naturelle des peuples non-chrétiens est en fait bien relative et bien effacée: elle est juste là pour rendre la société pas trop invivable, une sorte de froide étiquette pour que tout le monde ne s’entre-tue pas ; elle n’aime la vertu et le bien qu’en tant qu’elles permettre de rendre une société vivable, mais sans plus. Tant que les conséquences sur l’ordre social ne sont pas visibles, tout est bon et l’on peut faire ce que l’on veut : si on est riche, de toute façon, cela veut dire qu’on est bon et sauvé, et si on est pauvre, on est foutu par prédestination, alors rien à perdre dans les deux cas…
Il est d’ailleurs intéressant de constater que les vertus d’humilité et de virginité ne sont jamais considérés comme de véritables vertus en pays non-chrétien, ce n’est pas pour rien…
Concluons. Seul le christianisme met fin à ces « discriminations » absolutistes dans l’après mort. Nous voyons aussi comment l’erreur s’impose contre tout bon sens en aveuglant toute le monde : car il semble évident que l’ordre social sur cette terre, même quand il fonctionne bien, n’est jamais le reflet parfait des mérites personnels de chacun. Il y a des méchants encensés, et des justes vexés, tout le monde le sait.
Et Notre Seigneur Jésus-Christ répète en long et à travers que la place au ciel n’est pas forcément celle que l’on a sur terre, du fait d’un ordre naturel corrompu par le péché originel et les péchés actuels : l’ordre bouddhique que nous avons vu serait exact dans un monde sans péché originel, et donc on comprend comment « naturellement » les non-chrétiens en viennent à cette conception du monde. Sans péché originel, il faudrait que la hiérarchie sur cette terre soit le reflet exact de la hiérarchie dans l’après-mort.
Mais Dieu révèle bien que ce n’est pas le cas, et nous savons bien, si nous sommes de bonne volonté même sans être baptisé, que cette vision du monde ne correspond pas à la réalité – ce qu’on appelle donc une erreur.
Vite le Christ au centre, et le roi sur le trône ! Si nous ne voulons pas du retour de ces mondes païens si tristes…
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France
Paul-Raymond du Lac