Découverte et esprit scientifique au temps de Louis XIV (1/2)
Les actes des communications des sessions du centre d’études historiques paraissent une fois par semaine, chaque samedi. Les liens des communications en bas de page.
Centre d’Etudes Historiques
1661, la prise de pouvoir par Louis XVI.
Actes de la XVIIIe session du Centre d’Études Historiques (7 au 10 juillet 2011)
Collectif, Actes dela XVIIIe session du Centre d’Études Historiques, 1661, la prise de pouvoir par Louis XIV, CEH, Neuves-Maisons, 2012, p.77-87.
Par Vincent Beurtheret
Philosophe
Monseigneur,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Mes Chers Amis,
Parler de Sciences devant votre assemblée est une petite surprise et une grande joie : petite surprise, parce que les Sciences ne font pas habituellement parties de nos préoccupations en cette enceinte, et que, pour certains même – rousseauiste à leur insu -, elles sont néfastes et diaboliques.
C’est aussi une grande joie, parce que m’est offerte la possibilité de les détromper : s’ouvrir aux Sciences, c’est approcher les merveilles de l’Univers, c’est accepter de prendre de plein fouet la réalité du monde objectif, c’est accepter la riposte, la dure leçon de la Nature – il n’existe de Lois que Naturelles, scientifiques, l’emploi de ce mot par les Révolutionnaires pour qualifier leurs oukases fluctuant a imposé un violent déplacement sémantique-, et plus encore parce que s’intéresser aux Sciences, c’est se fondre dans la Création ! C’est approcher le Créateur ! N’oublions pas les propos du génial Thomas Edison : « Dieu est le plus grand de tous les ingénieurs. » Mon Ami Descartes aurait plutôt dit : « Il n’est pas le plus grand de tous les ingénieurs, IL EST L’Ingénieur. »
Nous y reviendrons concernant l’esprit scientifique au temps de Louis XIV mais plus généralement, il faut comprendre que la Science – au sens où humainement nous entendons ce terme- que la Science est dans la Volonté de Dieu. Pourquoi ? Parce que ce qui apparait d’emblée – et plus encore en l’approfondissant – à la curiosité du chercheur, c’est que le monde, l’Univers, la Matière, les Ondes sont d’une complexité explicite.
Comprenez-moi : dans sa toute Puissance, Dieu aurait pu créer un Univers – une Matière, ses propriétés, des phénomènes non analysables : le bois aurait été du bois, le fer, du fer, la lumière, de la lumière, l’électromagnétisme, la biologie, la physiologie, etc., de la magie, et la thermodynamique inexistante. Or, c’est l’exact contraire que nous pouvons constater : les matériaux, les liquides, les gaz ce sont des atomes, et c’est par l’agencement de ces atomes qu’ils se différencient. Par exemple, merveille pour nous, amateurs de légumes : la chlorophylle est une molécule un peu complexe comportant du Magnésium, un atome de fer prenant la place de l’atome de Magnésium, c’est alors de l’hémoglobine ! Le métabolisme réel en est plus compliqué.
Quant à l’atome ce sont des électrons, des protons, des neutrons et beaucoup d’autres constituants ; la lumière ce sont des corpuscules appelés photons et des ondes associées ultra rapides. Tout cela est perceptible par notre logique et notre intellect. Cette analyse qui nous est, peu ou prou, accessible en tous domaines de la Nature suscite non seulement notre curiosité et notre intérêt mais plus encore notre émerveillement et notre admiration.
Cela pourrait-il être l’œuvre de Lucifer ? Ici, je m’adresse à vous, Croyants, et non à ceux qui affirment que le Hasard (?) aurait créé la matière et la vie. Je m’adresse à vous, chers Amis du CEH, attachés à notre Église et qui semblez oublier que jusqu’à la fin du XVIIIe Siècle, elle a toujours été à la pointe de la recherche scientifique, et qu’aujourd’hui encore elle possède ses laboratoires et observatoires, je me permets donc de vous demander : « Toutes ces merveilles, toutes cette Intelligence en action, tout cela pourrait-il être l’œuvre de Lucifer ? Le Satan serait-il capable de créer ? » Qui d’entre nous pourrait le croire ? Et si c’est bien la Création de Dieu, ne serait-ce pas un manque d’amour de notre part que de ne pas nous y intéresser dans la mesure de nos moyens personnels ?
Mais il y a d’autres erreurs en lesquelles il faut prendre garde de ne pas tomber.
Croire qu’il existerait des « sciences exactes » par exemple. Eh bien, rouler à bicyclette sur une route sèche et droite ne répond déjà plus à cette locution. Sans négliger que « Sciences exactes » laisserait supposer entre autres :
-soit qu’il existerait des sciences inexactes : la politique, l’économie, les « sciences sociales » ou l’Histoire qui pour être inexactes n’en sont pas moins, pour autant, des Sciences,
– soit que les Sciences suivraient des procédures rigides, desséchées, inhumaines quand, bien au contraire, la Science impose de trouver et de COMPRENDRE L’ESPRIT DES PHÉNOMÉNES SOUS LA LETTRE APPROXIMATIVE DE L’OBSERVATION ET DE L’EXPÉRIMENTATION. Plus encore, comme le précise Descartes, la compréhension passe par l’intuition !
Autre erreur : il ne faut pas confondre Sciences et Techniques même si elles sont intimement imbriquées – imbriquées comme le sont le langage et la pensée, le fond et la forme en Art, c’est-à-dire réciproquement indispensables – et plus encore, il faut totalement dissocier Sciences, Techniques et applications de cette Sciences et de ces Techniques. Les applications – et l’on pense bien sûr aux applications meurtrières – relèvent de la politique. On ne peut les reprocher à la Science ni en profiter pour nier la Toute-Puissance de Dieu, voire nier Son Existence comme l’affirme Sade : « Croyez-vous que si votre Dieu existait, il me laisserait faire », au demeurant trop instruit pour ne pas comprendre l’incongruité de son propos. La fission et la fusion nucléaire sont dans le Plan du créateur, c’est même à cette dernière que nous devons le Soleil sans lequel aucune vie ne serait possible Pardonnez-moi ce truisme, ce sont ceux qui utilisent la Science et la technique pour tuer qui sont les coupables.
Dieu respecte Ses Lois, ce sont les Humains qui ne se respectent pas.
Dernière erreur que je citerai : croire que la Science doit travailler au bonheur – comprenez au confort – de la société. C’est une idée propagée par les philosophes des Lumières, idée dont on peut douter de l’honnêteté au vu du traitement qu’ils ont fait subir aux Sciences et de ce qu’ils proposent comme « bonheur ». Mais cette idée – séduisantes pour les midiniettes- est intrinsèquement perverse : elle entrave la liberté du chercheur (comme en Histoire les « lois mémorielles »), mènent aux absurdités staliniennes (Lyssenko), et pire encore, tente d’occulter la leçon du Réel que nous donne la Nature. Des exemples ? Je les puiserai dans la chimie « orientée » : l’Agriculture contemporaine qui nous tue physiquement et les psychotropes qui nous tuent moralement…mais tous deux travaillent à notre « bien-être ».
La Science ne nous enseigne-t-elle pas l’objectivité à l’opposé du subjectivisme rousseauiste et romantique ? Intrinsèquement, la Science n’impose-t-elle pas la plus absolue honnêteté intellectuelle ? Objectivité à laquelle on ne peut opposer la grandiose Théorie de la Relativité qui n’a rien à voir avec la subjectivité.
Petit rappel non exhaustif : aux temps féodaux, l’idée de la Science ne fait pas véritablement parti du paradigme contemporain. Certes, après l’an Mil, le Pape Sylvestre II possède une représentation sphérique de la Terre ; de nombreux astrologues-astronomes scrutent le ciel ; des alchimistes qui ne sont pas tous des charlatans, loin s’en faut, tentent quelques expériences ; les bâtisseurs de cathédrales mettent au point l’outil mathématique nécessaire à leurs construction ; les apothicaires connaissent les vertus médicinales des simples et de certaines pierres précieuses ; mais tout cela reste relativement élémentaire et lié à des nécessités pratiques. Le « pourquoi » et le « comment » ne les préoccupent pas.
Cette approche de la connaissance scientifique sera, en quelque sorte, théorisée, érigée en système universel, par le franciscain anglais Guillaume d’Ockham en 1319 ; connu sous le nom de « rasoir de Ockham » ou « principe de parcimonie », cette théorie préconise de « ne pas utiliser de nouvelles hypothèses tant que celles déjà énoncées suffisent ».
Ce « positivisme » se retrouve déjà chez Galilée au XVIIe siècle. Peu importe les causes et les modes d’application, peu importe que nous ne connaissions pas les mécanismes mis en œuvre par la Nature, explique-t-il dans ses Dialogues, ce qui importe vraiment, c’est que l’on puisse établir des rapports quantitatifs dans le déroulement d’un phénomène, que l’on puisse établir la Loi mathématique qui le régit.
Par exemple, on peut prédire le temps de chute d’un corps pesant et sa vitesse à un instant donné, sans savoir ce qu’est la gravitation. Par parenthèse, heureusement ! Puisqu’au XXIe siècle nous ne savons toujours pas quelle est la nature de la gravitation, ce qui ne nous empêche pas d’envoyer des fusées vers Saturne. Néanmoins, nous pouvons nous étonner qu’avec le peu de moyen dont il disposait, sans chronomètre, sans commodité de repérage ni Machine d’Atwood, qu’avec des résultats d’observations très aléatoires, la loi de chute des corps pesant – des corps graves comme l’on disait alors – ait pu être établie : Reste à savoir si cela nous vient bien de Galilée ou si, comme à son accoutumée, il se l’est gracieusement attribuée.
Communications précédentes :
Avant-Propos : http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2654-ceh-xviiie-session-avant-propos
La rupture de 1661 (1/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2663-la-rupture-de-1661-2-3
La rupture de 1661 (2/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2664-la-rupture-de-1661-2-3
La rupture de 1661 (3/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2684-ceh-la-rupture-de-1661-3-4
De Colbert au patriotisme économique (1/3)
De Colbert au patriotisme économique (2/3)
De Colbert au patriotisme économique (3/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2693-ceh-de-colbert-au-patriotisme-economique-3-3
1661 : transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban (1/3)
1661 : transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban (2/3)
1661 : transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban (3/3): https://www.vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/ceh-1661-transfert-de-la-cour-des-aides-de-cahors-a-montauban-3-3/
Permanence des révoltes antifiscales, 1653-1661 (1/3)