[CEH] Henri IV après Henri IV (1610-2010), par Jacques Perot. Partie 4 : De la Restauration aux manuels scolaires de la République
Henri IV après Henri IV (1610-2010)
Par Jacques Perot
► Partie 1 : Le temps de l’émotion et des témoignages
► Partie 2 : Le temple de l’histoire
► Partie 3. Le siècle des Lumières : de la Henriade à La Partie de chasse de Collé
Partie 4. De la Restauration aux manuels scolaires de la République
« Mais la bravoure de Henri IV, son esprit, ses mots heureux, et quelquefois magnanimes ; son talent oratoire, ses lettres pleines d’originalité, de vivacité et de feu ; ses malheurs, ses aventures, ses amours, le feront éternellement vivre. Sa fin tragique n’a pas peu contribué à sa renommée : disparaître à propos de la vie est une condition de la gloire », écrit Chateaubriand dans son Analyse raisonnée de l’histoire de France. Il ajoute : « Les Bourbons n’ont compté que cinq rois dans leur courte monarchie absolue ; sur ces cinq rois, ils ont deux grands princes et un martyr. » et il conclut : « Ce sang n’était pas stérile. »
Il était évident que la dynastie restaurée des Bourbons ne manquerait pas de s’emparer de la vogue henricienne du XVIIIe siècle que la Révolution n’avait pas totalement réussi à extirper. Ce seront d’abord des gestes symboliques destinés à faire le lien avec le roi fondateur et populaire. Le 3 mai 1814, c’est Louis XVIII passant sur le Pont-Neuf devant la statue équestre d’Henri IV dont on avait érigé à la hâte un modèle en plâtre, cette statue qui sera rétablie en 1818, grâce à une souscription nationale. Ce sera la figure du Béarnais qui remplacera celle de Napoléon sur les croix de la Légion d’honneur. Ce seront mille et un gestes comme celui de la duchesse d’Angoulême, venue à Pau, qui rachètera la maison de l’une des nourrices d’Henri IV pour l’offrir à ses descendants de la famille de Lassansaa.
Le Bon roi ou la pédagogie du mythe
Comme l’a montré l’historien Christian Desplat, le mythe d’Henri IV est un mythe qui unifie et rassemble autour de lui des auteurs de livres de classe aussi différents que le légitimiste Duflos et le républicain Désiré Blanchet, que réunit un même patriotisme. L’enquête approfondie de Desplat est révélatrice du message qui est véhiculé par ces manuels des XIXe et XXe siècles. Parmi dix paroles attribués au roi, les trois les plus citées dans les illustrations sont, dans l’ordre, « la poule au pot », « labourage et pâturage », et « le panache blanc » (vaincre ou mourir). Un portrait résolument favorable apparaît lorsque l’on relève les qualificatifs de la personne du roi : bon, brave, ami, gai.
De même, regardons les thèmes liés aux actions du roi, cités ici dans l’ordre de leur fréquence d’utilisation : guerre, paix, aimer, autorité, industrie, agriculture, prospérité, routes… On remarquera que la tolérance ne figure pas dans les premiers thèmes. Elle n’arrive qu’au quinzième rang.
Intéressante remarque : dans les généalogies d’Henri IV on gomme les liens du sang avec les Valois, oubliant qu’il est le petit-neveu de François Ier. D’ailleurs, on peut lire de surprenantes affirmation telles que : « Devenu roi par le triomphe d’une juste cause, Henri IV appartenait moins à son lignage qu’au peuple auquel il rendait sa liberté. »
Mais sa mort fut la fin d’un âge d’or et Jeanne Gautrot-Lacourt de donner, à sa manière, le mot de la fin dans son manuel de 1956 : « Les Français devinèrent que le bon temps était fini et que les souffrances allaient recommencer. » La doctrine républicaine reprenait le dessus.
Jacques Perot
Président de la Société Henri IV
Très intéressante synthèse du Règne de Henry IV