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Bien fait ! Du fatalisme des fausses religions…, par Paul de Beaulias

Connaissez-vous l’expression japonaise (et chinoise) « 自業自得Jigô Jitoku » ? Elle signifie, grosso modo « Qui sème le vent récolte la tempête », ou plus exactement, « On récolte ce que l’on a semé ». Mot à mot on pourrait traduire par : « tes actes, ta récompense (ou ton châtiment) ». En pratique, et dans la vie de tous les jours, l’expression veut plutôt dire : « Bien fait ! », quand on voit quelqu’un faire quelque chose de mal et se faire punir tout seul, par son acte lui-même.

Cette expression bouddhique a néanmoins une histoire pour le moins déconcertante : elle servait à légitimer des crimes, sous couvert d’un fatalisme relativiste bien moderne. Par exemple, le fondateur du gouvernement sous la tente de Kamakura, pour se rassurer à la fin de sa vie après avoir tué, ou fait tuer des centaines si ce n’est des milliers de personne, souvent de façon bien injustes et en dehors de toute règle coutumière, se disait que sur tous ces meurtres il n’en était en fait responsable que de trois : pour les autres, c’était bien fait !

Que cela veut-il dire ? Que les autres méritaient la mort, puisqu’ils ont été tué… Pour faire simple, je décide d’assassiner quelqu’un, et si je réussis, ce n’est pas moi le fautif, mais bien l’assassiné : et oui, s’il est mort et que l’assassinat a réussi, c’est bien qu’il le méritait, puisque tout ce qui arrive dans ce monde obéit à une sorte de prédestination cyclique de ses actes. L’assassiné était en fait coupable, et le coupable innocent, ne faisant qu’appliquer à son insu un décret d’une providence bien peu chrétienne…

Nos lecteurs les plus avertis auront déjà remarqué combien ce fatalisme japonais sur fond bouddhique appliqué dans la longue histoire nipponne ressemble comme deux gouttes d’eau à l’inversion accusatoire très moderne et contemporaine de victimiser le coupable et de culpabiliser la victime.

Cette anecdote historico-linguistique nous permet de repérer un phénomène anthropologique massif, d’une humanité déchue qui prête l’oreille au prince de ce monde : toutes les fausses religions (donc absolument toute religion, toute idéologie politique, toute gnose intellectualisante, bref tout sauf la religion catholique) se fondent sur un certain fatalisme, qui peut s’exprimer de façon différente, mais qui repose sur un même fond. L’homme, créé mais déchu, sent bien l’existence d’une Providence, et d’un poids, d’un plan. Il sent aussi bien qu’il possède le libre-arbitre, et que l’homme pêche.

Et il n’a pas la vision véritable révélée par Dieu par Jésus-Christ et son Église, qui révèle la charité, Dieu-Charité. Dieu sait tout, prévoit tout, gère tout par sa Providence au mieux mais par amour pour nous. Et en même temps, malgré cette toute-puissance Providence, Dieu ne violente pas notre libre-arbitre car justement il veut que nous l’aimions, et on ne force pas l’amour. Il aime encore à régner sur un mode foncièrement royal, soit libre, soit de sujets à leur roi : il cherche un dévouement volontaire et libre, nourri par de vrais liens d’amitié politique, de charité juste. Il ne veut pas de cette domination issue du péché originel, qui repose sur la force, la terreur, le donnant-donnant, la concupiscence : cette domination servile n’est qu’une punition pour le péché originel, certes devenu en partie nécessaire pour éviter les pires désordres dans ces sociétés coupées de la grâce…mais toujours une déchéance, que les païens pressentent bien, tout en se voilant la face et détournant les yeux de leur misère. Jésus, en portant les péchés dans sa croix, nous met en face de notre misère, et par sa grâce, restaure peu à peu l’économie originelle voulue par Dieu…

Imaginez le monde déchu sans foi, qui ne peut pas connaître la charité, qui ne la pressent même pas. Le païen ainsi constate quand même qu’un Dieu (sur lequel il va se tromper dans sa nature, puisqu’il n’a pas de révélation pour le connaître) gère tout. Et en même temps que le libre-arbitre, devenu licence, permet à l’homme de faire ce qu’il veut, pour le pire.

Alors comment, anthropologiquement parlant, sortir de cette ornière (de façon erronée) et ne pas devenir fou ?

C’est le fatalisme universel hors de l’Église.

L’ordre cosmique, la causalité bouddhique (le karma), le fatalisme islamique, la prédestination calviniste, le déterminisme que l’on trouve dans les nombreuses idéologies politiques modernes (comme le communisme et bien d’autres), le « hasard » de la science moderne (néo-providence fataliste, un déterminisme de plus réduisant souvent tout au déterminisme matériel), etc, tout cela n’est qu’avatar d’un même fatalisme.

Qui possède les mêmes conséquences : un relativisme moral, qui permet, in fine, de justifier n’importe quel péché. Puisque le fatalisme, associé donc aussi à la faute venant du libre-arbitre (dans une alliance contradictoire des contraires), permet, dans la logique du « bien fait ! » japonais de justifier n’importe quel acte, de se débarrasser de sa responsabilité…

Le seul frein est l’ordre minimal requis pour vivre en société : aucun fatalisme n’efface complètement une morale superficielle et désordonnée (on peut tuer les bébés, car ils ne peuvent pas se défendre, mais en revanche voler un puissant sera punis de mort par exemple), car sinon ce serait la guerre totale, le chaos, et la nature humaine, aussi blessée soit-elle, est fait pour la paix et l’harmonie, et elle abhorre ces grands désordres.

Dans les pays hors de la révélation vivent d’un fatalisme, mais à double vitesse, et souvent mâtiné de confort psychologique : l’histoire des religions a ainsi raison dans ses analyses anthropo-centristes (elle veut que la religion soit crée par l’homme pour se consoler) quand il s’agit des religions non-catholiques…à ceci près qu’elles ne sont jamais purement créées, mais peuvent conserver des parcelles d’une ancienne religion primordiale (souvent indétectable, donc finalement cet aspect est peu important, et il ne faut pas tomber dans les délires ésotériques de certains illuminés du siècle dernier), et peuvent surtout prêter l’oreille du Singe de Dieu, prince de ce monde, dont l’action est réelle, et qui met la confusion partout…

Les variations infinies de ce fatalisme, dont l’autre face logique est un volontarisme forcené et un positivisme juridique (qui n’est que la volonté du puissant mis dans le marbre), ne doivent pas nous faire oublier la profonde unité de ce phénomène anthropologique de l’humanité déchue, qui est partout et toujours la même humanité déchue, et de l’action du diable, qui toujours et partout veut nous avilir – malgré les résistances de notre nature contre notre propre auto-destruction, car nous avons été créés pour Dieu, et nous avons été créé pour devenir heureux, et pour nous conserver.

Analyser ce phénomène anthropologique permet de mieux comprendre ce qui se passe aujourd’hui en 2024 dans un monde qui se déchristianise à grande vitesse, et donc se re-paganise : le fatalisme volontariste revient sur le devant de la scène, et retrouve des formes excessives et absurdes qui avaient été oubliés pendant les grands siècles de la chrétienté : pire, ce fatalisme redevient institutionnel et officiel…

Restauration politique royale et conversion catholique des cœurs, sans cela il ne pourra pas avoir de bonne solution à nos maux.

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul de Beaulias

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