Au centuple !, par Paul-Raymond du Lac
La sagesse orientale est à la mode. Chacun va chercher à l’autre bout du monde son maître soufi ou son guide ésotérique où il le peut. Des chercheurs, très intelligents, perdent encore leur temps à échafauder des théories et à aller chercher des « parcelles de vérité » dans les cadavres exquis d’anciens temps ou les civilisations exotiques. Jamais personne ne veut aller voir la Sainte Bible… et pourtant, tout y est.
Il existe un principe anthropologique assez connu, de justice naturelle, et qui se résume dans le fonctionnement du don et du contre-don. Ce principe est fondamental à toute société, païenne comme chrétienne, mais chez les païens ce principe habite tout, au point d’en devenir tyrannique. Les chercheurs sur l’esclavage le soulignent. Les esclaves de la « famine » au Japon sont dans ce cas : ils reçoivent la vie en temps de famine, via les grands qui leur offrent de la nourriture, mais en échange ils doivent se donner en esclavage.
Les faibles sont ainsi sur le côté, quand ils ne peuvent rien donner en « échange ». Lévi-Strauss a observé en Amérique de Sud que le chef, le bon chef, donnait, donnait et donnait encore — comme si le contre-don était la condition de la soumission des subordonnés. Envers les dieux aussi, ce principe fonctionne à plein, d’où les sacrifices, mais aussi à l’inverse, s’ils ne réalisent pas un vœu, les menaces et les destructions d’idoles…
La civilisation chrétienne a « sur-naturalisé » cette loi anthropologique, tout en la remettant à sa place dans l’ordre humain, puisque le don et le contre-don peuvent et doivent se faire désormais entre Dieu et ses enfants adoptifs, ce qui permet une véritable gratuité entre hommes. On donne à un homme sans attente de retour, car ce retour sera surnaturel, venant de Dieu : il vaut mieux des trésors dans le ciel que sur la terre !
Plus une société se sur-naturalise, pour devenir plus profondément chrétienne en d’autres termes, plus on donne à Dieu sans demander de retour aux hommes : les vocations se multiplient, — la vocation est le comble de la libéralité, puisque elle consiste à se faire l’esclave volontaire de Dieu ! —, pour une plus grande liberté sur cette terre, et une plus grande libération du prochain.
Avant même l’Incarnation, tout cela était déjà annoncé dans la Bible, ce puits de science et de sagesse divine :
« Celui-ci donne libéralement et s’enrichit ; cet autre épargne outre mesure et s’appauvrit.
L’âme bienfaisante sera rassasiée, et celui qui arrose sera lui-même arrosé.
Celui qui retient le blé est maudit du peuple, mais la bénédiction est sur la tête de celui qui le vend. » (Pv. 24-26)
Ces proverbes, de Salomon, sont doublement vrais, surnaturellement et naturellement. Un chef qui donne, même sans vouloir donner à Dieu, endette ceux à qui il donne et il peut donc exiger un retour. Au contraire, s’il est libéral, c’est-à-dire s’il n’exige pas un retour immédiat (chose quasi-impossible en dehors de la chrétienté, mais qui peut rester d’ordre naturel), la dette est quand même là, et les retours n’en seront que plus importants. Cette constatation dans l’histoire des hommes peut permettre aux meilleurs civilisations de s’en rendre compte, même si l’application reste chaotique…
Ici, en une phrase lapidaire, permise par la grâce de Dieu donnée à Salomon, tout est résumé. Et elle contient la sur-naturalisation du principe ! Il ne s’agit pas de s’enrichir matériellement, d’être arrosé matériellement, de profiter d’une bénédiction populaire, mais bien de s’enrichir spirituellement des trésors du ciel, d’être inondé de grâces et d’être béni de Dieu. Sans que cela efface forcément la part naturelle et les conséquences politiques et matérielles, mais cela est secondaire.
Cette alliance du naturel et du surnaturel dans la sagesse de la Bible est frappante : l’observation sur le grain non vendu est une règle anthropologique. Effectivement, celui qui ne vend pas son grain quand il y a famine finit souvent mal, et toutes les sociétés prennent des mesures légales pour forcer dans une certaine mesure la vente du grain en cas de famine, pour éviter des catastrophes pouvant détruire toute une société…
Alors lisons la Bible et cessons d’aller nous perdre dans des livres obscurs et des élucubrations étranges.
Paul-Raymond du Lac
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !