Taux d’intérêts, endettement et devises: jusque- là tout va bien
Décidément la planète finance est plus que jamais fascinante à observer : que d’anomalies inédites ! Et tout le monde y va de son commentaire éclairé (alors pourquoi pas moi !), l’un disant qu’il faudrait faire ci, l’autre ça… Bref, tout et son contraire…
Dans le top du florilège des anomalies : les taux d’intérêts. On nous dit donc que tout est au vert, que les taux n’ont jamais été aussi bas, que c’est le moment de s’endetter, de renégocier ses anciens prêts immobiliers[1]…
Seulement voilà : il se trouve que les taux sont tellement bas qu’ils sont, sur les maturités courtes, négatifs ! J’ai beau avoir un peu de recul et d’expérience, j’avoue avoir un mal fou à conceptualiser un taux d’intérêt négatif. Rassurez-moi : pas vous ?
Allez ici
C’est rien moins que le site de la banque de France. Vous pourrez y lire que les taux des bons du Trésor jusqu’à un an sont inférieurs à ZERO. L’Etat donc, lorsqu’il emprunte de l’argent sur 6 mois par exemple, au lieu de servir des intérêts au gentil prêteur, touche au contraire une petite somme. Un peu comme si vous payiez la location d’un coffre à la banque pour y déposer vos liquidités et qu’en plus la banque puisse utiliser votre argent !
Ce n’est qu’au-delà de 10 ans que l’Etat commence à servir un taux supérieur à 1%.
Notre endettement est colossal : la dette publique vient de passer les 2000 milliards (soit combien de zéro en tout ? Réponse au bas de l’article[2]). Grâce aux taux ridiculement bas, le service de la dette, après trois ans en tête de gondole, rétrogradera au second rang des dépenses avec 44,34 milliards € inscrits au budget 2015, le mammouth[3] reprenant la première place…mais de peu !
Tout va bien donc : est-on capable de rembourser ? Oui… tant que :
- Les taux restent à zéro ;
- L’inflation reste à zéro ;
- La croissance repart à la hausse[4] ;
- Bruxelles ne sanctionne pas trop les charlots qui construisent notre budget[5] ;
- On fait enfin des économies ;
- On peut augmenter les impôts de la classe moyenne ;
- Les riches ne quittent pas trop le pays…
Sur les trois premiers points au moins, les zélites qui nous gouvernent n’ont aucune prise !
Autre point de vue, le marché des devises.
On nous dit que l’Euro est trop fort, que ça handicape nos entreprises exportatrices, etc.
Tout d’abord, rappelons que ce n’est pas l’Euro qui est fort, mais bel et bien le Dollar qui a été depuis 10 ans maintenu à des niveaux très bas par la politique accommodante de la Fed. L’Europe et la BCE s’étant enfin décidées à faire de même, le bras de fer Etats-Unis-Union Européenne est engagé. Si l’Euro a un peu baissé par rapport au Dollar, il n’est pas encore passé sous la barre des 1.20 $ pour 1 € : la parité est encore loin !
Et là encore, quid des effets d’annonce de nos chères zélites ? Là aussi, aucune prise face à la toute-puissance du marché. Les volumes quotidiens traités sur le marché des changes sont de plus de 5000 milliards de dollars, soit autant que les bilans cumulés de la Fed et de la BCE !!
L’éclatement de l’Euro, prôné par certains partis politiques de gauche comme de droite, serait un plongeon dans l’inconnu à mon avis irresponsable. Je prends au contraire le pari que l’on se dirige vers encore un peu plus d’abandon de certains pans de notre souveraineté, vers un budget fédéral et une imposition uniforme notamment, ce qui est la moindre des choses avec une monnaie unique.
Et ce serait un bien, car alors une vraie Europe pourrait apparaître, capable de contester le Dollar comme monnaie d’échange internationale et de peser dans le ménage à trois avec la Chine…
N’en déplaise au tenant du retour au Franc… même si je les comprends et que j’ai moi-même parfois une certaine nostalgie…
Arnaud de Lamberticourt
[1] Selon la chambre des notaires, les refus de dossiers de prêts immobiliers explosent !
[2] Douze ! Chaque français, du nourrisson au vieillard doit aujourd’hui un peu plus de 30 000€
[3] Enseignement : 47,43 Md€ au budget 2015
[4] Le minimum requis pour « seulement » inverser la courbe du chômage est de 1.5 % : on est loin du compte !
[5] Paris ne peut honorer pour la troisième fois sa promesse de retour en-dessous de la barre des 3 % du PIB, désormais prévu pour 2017. Les prévisions du déficit public pour 2015 sont fixées à 4,3 % du PIB.