Réponse à Stéphane Piolenc sur le Revenu Universel
Il y a, parmi les royalistes, des personnes qui sont séduites par la thèse du revenu universel remis à l’ordre du jour par l’un des candidats à la présidence de la république, Benoît Hamon. Ainsi, dans un article récent publié sur le site de Vexilla Galliae, on peut lire la déclaration suivante de Louis XIV : « (…) mais au moins qu’on ne voie plus dans le royaume ni indigence ni mendicité, je veux dire personne, quelque misérable qu’il puisse être, qui ne soit assuré de sa subsistance, ou par son travail ou par un secours ordinaire et réglé ».
Certes, il est scandaleux de constater que plus de cent mille SDF soient contraints de coucher dans la rue à longueur d’année, alors que des immigrés clandestins se voient offrir le gîte dans des hôtels bien chauffés. Mais le revenu universel est-il la solution ?
Il est intéressant, sur cette question de la pauvreté, de rappeler un épisode particulier de l’histoire de la Grande Bretagne : par le General Enclosure Act (1801), les terres communes permettant aux paysans pauvres de faire paître leur maigre troupeau gratuitement ont été clôturées pour être cédées à de plus riches paysans qui s’engageaient à les exploiter. Ceci pour rappeler qu’il existe divers moyens de lutter contre l’indigence, autre que le revenu universel : la suppression des terres communes a transformé des milliers de paysans pauvres en vagabonds. Aujourd’hui, nous avons à inventer des formules actualisant la technique des terres communes.
C’est ce même article mentionné plus haut qui ose affirmer que « le revenu universel permet à un salarié de partir sans mettre en péril son existence même ». Alors que son auteur reconnaissait, quelques lignes plus haut, que ce revenu universel ne pourrait guère dépasser 800 euros par mois. Ce n’est pas avec un tel pécule qu’on peut abandonner un salaire fixe pour envisager une reconversion, voire « monter son entreprise ».
Personnellement, j’ai été, pendant dix ans, président de deux associations de réinsertion de chômeurs. Outre les actions assez classiques entreprises dans ce but, nous avions tenté – sans succès, je l’avoue, faute de moyens financiers – de copier une expérience intéressante mise en œuvre aux Etats-Unis. Une association avait acquis un immeuble dans lequel elle logeait des SDF. Au début, c’était des hommes puis, petit à petit, ils ont logé des familles entières. Deux conditions étaient exigées pour être admis dans cette maison de chômeurs : 1) accepter la vie en collectivité ; 2) être motivé pour une remise au travail.
En pratique, des bénévoles et, sans doute (je ne me souviens plus du détail) des salariés de l’association, organisaient la répartition des tâches ménagères à effectuer et assuraient un suivi de chaque chômeur, pour l’aider à retrouver un travail en gérant, pendant les premiers mois, le budget de celui-ci.
J’ai aussi en mémoire une association qui a été montée – cela se passe en France – par des infirmiers en psychiatrie pour remettre progressivement dans la vie active d’anciens malades considérés comme étant en voie de guérison. Des appartements étaient loués par l’association, qui y plaçait les patients par groupe de deux ou trois. Ceux-ci devaient prendre eux-mêmes en charge la gestion du quotidien. Un suivi était, bien évidemment, effectué par les infirmiers, qui pouvaient analyser à quel moment tel ancien malade était prêt à vivre sa propre vie d’une manière autonome.
En clair – et là je rejoins le souci de faire le lien avec la doctrine sociale de l’Eglise – il faut bien comprendre que l’attribution d’un revenu par l’Etat, quelles que soient ses modalités, est à l’opposé du principe de subsidiarité. Au contraire, des formules telles que celles décrites ci-dessus ont l’avantage de réellement accompagner les personnes.
Et puis – soyons réalistes – il peut se trouver des personnes inaptes à se prendre en charge. C’est un vieux problème que connaissaient bien, autrefois, les monastères. Les moines intégraient dans leur communauté ce qu’on appelait les « frères convers », qui se retrouvaient là par suite d’une catastrophe économique qui les avait jetés sur les routes.
Dans cette optique – et c’est là qu’on comprend que seule la royauté peut prendre de telles mesures – il faut abroger la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat et financer les congrégations religieuses, comme cela se faisait autrefois, pour animer de telles maisons de chômeurs, ces derniers pouvant y séjourner, les uns temporairement, les autres durablement.
Georges TARTARET