Réflexion à propos du destin : Inné ou acquis, allié ou ennemi, le destin peut-il être modifié ?
« Et vous, mesdemoiselles, que voulez-vous faire plus tard ? ». La scène se passe dans une classe de 6ème où une vingtaine d’adolescentes sont réunies. Les réponses fusent. 20 ans plus tard, ces mêmes élèves, mariées et mères de famille, dispersées aux quatre coins de la France, se posent la question : « qu’ai-je fait de mes ambitions, suis-je en train de réaliser le destin que je voulais me forger ? ». Quelques instants de réflexion et parfois d’effondrement pour certaines.
Hé bien non, rien de ce qui avait été programmé ne s’est passé comme prévu et le destin a imposé sa loi et ses règles. Que s’est-il passé ?
Une série d’événements a tout bousculé. Et lorsqu’on prend conscience tout-à-coup que nous ne devions pas réaliser certain acte et que nous l’avons quand même fait, parce que poussés par une force qu’il n’a pas été possible de maîtriser, qu’en penser ? Pourquoi ne pas avoir réagi, forcé le destin à reprendre la route souhaitée ? Tout simplement parce que lutter contre le destin est voué à l’échec. Enfin, généralement…
Alors est-on responsable de ses actes si on ne fait que subir son destin, en étant en quelque sorte la victime ? Pas d’illusions : nous sommes responsables de nos actes à partir du moment où on en est l’auteur et qu’on aurait peut-être pu s’en abstenir. On doit être conscient de son acte et en reconnaître sa propre intention. Nos actes sont alors le résultat de notre liberté. La responsabilité nous désigne comme libre auteur de ce qui existe. Un être humain peut être jugé responsable de ses actes selon la condition liée à l’âge (car la conscience de nos actes n’est pas innée) et la condition liée la santé mentale.
Il y a des actes que nous commettons sans en être conscients au moment des faits comme un accident de voiture en état d’ébriété ou une si méchante réflexion dans un lieu public qu’elle vous classe à tout jamais (ou presque) dans une certaine catégorie. Vous regrettez vos paroles ? Trop tard, elles ont été dites et seront amplifiées, voire déformées, plus tard quand elles seront répétées et dans un autre contexte que celui dans lequel vous étiez. Était-ce programmé cette déclaration qui va vous suivre toute votre vie ou presque ? Appartenait-elle au chapelet des actes accroché depuis notre naissance à notre cou ?
Selon Freud, il s’agirait de l’inconscient qui rend l’homme victime d’un “moi en moi qui nous détermine”. Et selon Sartre dans l’être et le néant l’inconscient est une mauvaise foi, un mensonge à nous-mêmes pour fuir ce qu’on ne peut pas fuir et qui entraîne la lâcheté. Nous serions donc déterminés par une force supérieure telle que le destin. Cependant malgré une irresponsabilité partielle de son acte, un meurtrier passionnel peut prendre progressivement conscience de la nature d’un acte commis par l’inconscient. Et le regretter ?
Certains hommes s’imaginent qu’ils sont victimes d’un destin contraignant, comme dans Roméo et Juliette, où la mort des deux amants est décrite comme une pure fatalité, alors qu’ils n’obéissent qu’à leurs sentiments et à leurs impulsions. Chacun peut apprendre à maîtriser sa destinée à condition qu’il soit aidé pour y parvenir. En tout cas, il doit essayer. Il ne faut pas se laisser dominer par ses sentiments de tristesse, d’angoisse et de peur. Le destin est tracé mais il peut parfois offrir de nouvelles chances à tout être humain à condition de faire les bons choix.
Et c’est là où le bât blesse. Les causes de nos désirs nous sont pourtant inconnues d’où nous formons des causes finales. Néanmoins, on peut suivre le raisonnement suivant : le désir est un appétit dont on a conscience, l’appétit est inné, donc le désir de quelque chose est appris par l’éducation.
Philosophiquement, la responsabilité c’est s’exposer au jugement d’autrui ou de soi-même. Par exemple au collège on accorde beaucoup d’importance aux regards que portent les autres à notre égard. On suit les modes vestimentaires, la façon de parler des gens qu’on côtoie pour ne pas être exclu de la bande et connaître le sentiment de la honte et de la solitude.
Nous sommes responsables de nos actes à partir du moment où on décide de nouer des liens avec autrui, et on pourrait envisager que le destin décide de la suite des événements. Selon le milieu d’où on vient, on peut avoir plus de difficultés que d’autres.
Prenons par exemple les jeunes de banlieue, ils vivent dans la pauvreté et viennent souvent « d’ailleurs ». La majorité d’entre eux sont des jeunes sans diplôme et des délinquants. La délinquance apparaît du fait de leur situation : attente à ne rien faire pendant ses journées, chômage, influence de la bande à laquelle ils appartiennent, … La différence de maturité entre deux enfants du même âge peut être énorme en fonction de son contexte psycho-social. Un jeune de 15 ans qui a toujours vécu en banlieue, entouré de délinquants, subira presque inévitablement le destin de sa cité. Un autre appartenant à un milieu différent échappera peut-être à la loi de la facilité et de mauvaises influences.
En fonction de notre éducation, la vision de la vie sera différente. On pourrait envisager dans ce cas que ce sont nos parents qui sont responsables de nos actes. Mais comme nous pouvons nous déterminer par nous-mêmes, nous pouvons donc accepter ou refuser l’éducation qu’on a reçue. En théorie ! Pour la pratique, c’est une tout autre histoire.
Par exemple : vous avez fait de longues études dans un but précis et consenti bien des sacrifices pour y parvenir. Et au moment où tout devient possible grâce à ces diplômes chèrement acquis, vous allez épouser un homme (ou une femme) qui va vous déraciner d’où vous étiez et surtout vous éloigner totalement du but que vous vous étiez fixé. Vous ne réagissez pas ! Pauvre petite chose qui va vous précipiter dans la médiocrité d’une existence à laquelle vous tentiez d’échapper.
A partir de là, vous êtes responsable de la suite de votre histoire. Vous auriez pu vous opposer à cette décision et vous ne l’avez pas fait comme si votre destin vous muselait, vous empêchait de réagir, de dire « non ». Et pourtant, vos amis (ies) vous ont prévenue, prédit que quitter Paris pour la province vous serait fatal. Vous ne les avez pas crus et vous voici enchaîné à un destin qui n’aurait pas dû être le vôtre, un destin qui vous livre à une culture différente de la vôtre et c’est alors si vous ne réagissez pas à temps, la dépression et la chute. Pauvre destin, il croyait atteindre des sommets de gloire et le voici emmuré dans une incapacité à manifester la colère et à tenter d’y échapper.
Quand viendra l’heure du bilan, sans doute serez-vous tenté – selon votre humeur et le lieu où vous vivez – d’avouer votre échec et de vous trouver des circonstances atténuantes pour en diminuer le poids. Mais votre vie est passée, il est trop tard pour revenir en arrière. Il faut assumer ce qu’il reste de vie. Et se dire que c’était le destin et que vous vous êtes trouvé impuissant à le détourner de son chemin. Ou au contraire, vous avez réussi au-delà de toutes vos espérances et vous vous demandez comment cette situation a pu être rendue possible.
Dans tous les cas de figure, ne regrettez rien, réjouissez-vous de la vie et acceptez qu’elle soit ce qu’elle est, que vous y ayez été poussé par le destin, consciemment ou non. De toute façon, rien ne se fait qui ne devait se faire. Et Dieu dans tout cela ? Il a d’autres chats à fouetter que votre microscopique existence, alors que les planètes deviennent de plus en plus folles et vous, que représentez-vous dans cet univers ? Seigneur, ayez pitié…
Solange Strimon
À ces deux anges, Yvain Strimon et Didier Laurac